NNT

En approfondissant un peu cette histoire de NNT (Number Needed to Treat), j’ai découvert que sa détermination n’est pas si simple qu’il n’y parait.

Le NNT est tout d’abord le nombre de sujet à traiter durant une période déterminée pour éviter la survenue d’un évènement.

Il s’agit d’une façon très « parlante » de se représenter l’efficacité d’un traitement.

En fait, il y a deux cas, un simple, malheureusement rare, et un compliqué, malheureusement fréquent. La loi de Murphy a donc encore frappé.


Premier cas, le simple, l’étude a un résultat binaire et tous les sujets sont suivis pendant la même durée:

Les données nécessaires au calcul de la NNT sont:

  • le taux d’évènements survenu dans le groupe contrôle Tc
  • le taux d’évènements survenu dans le groupe expérimental (c’est à dire celui qui prend le traitement étudié) Te

Et c’est tout!

NNT= 1/ valeur absolue de Tc-Te

Pour les intellectuels, la « valeur absolue de Tc-Te » s’appelle la « Réduction Absolue de Risque » (ARR en anglais). et on peut déduire de ces trois paramètres des tas d’autres:

  • Réduction relative de risque (RRR)= (Tc-Te)/Tc
  • Risque relatif (RR)= Te/Tc
  • Odds Ratio (OR)= Te*(1-Tc)/Tc*(1-Te)

Cette page vous donnera des tas d’exemples pour vous entraîner.

Deuxième cas, le plus complexe, l’étude a pour critère d’étude (primaire, ou secondaire(s), qu’importe) le délai de survenue d’un évènement.

On va prendre l’exemple de JUPITER publiée dans le NEJM par Ridker et coll.

On va s’intéresser au NNT pour éviter un évènement défini par le critère principal d’étude à 4 ans.

Il faut repérer dans le papier la courbe de survie de Kaplan-Meier qui nous intéresse, en l’occurrence celle-çi:

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(Figure1-A page 2202)

C’est là que vous allez rire.

Avec une règle et un crayon bien taillé, on va déterminer le taux des évènements du groupe placebo et du groupe rosuvastatine sur l’axe des ordonnées à partir de la graduation « 4 ans » de l’axe des abscisses. Bien sûr, comme la courbe dans son ensemble est ridiculement écrasée du fait du faible nombre d’évènements, on va utiliser l’agrandissement aimablement fourni par le NEJM. En fait de crayon, j’ai utilisé le logiciel « Paint ».

On obtient:

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Ça vous en rappelle des souvenirs?

A moi aussi.

Maintenant, comment déterminer ce taux de façon pas trop imprécise, à partir d’un tracé qui l’est déjà beaucoup?

Surement pas avec un décimètre collé sur l’écran.

J’ai fait une règle de trois en mesurant le nombre de pixels entre deux graduations (avec Irfanview, on y arrive sans problème).

Une graduation de 0.02= 90 pixels.

Donc j’obtiens un taux de 0.03 (et des tas de poussières) pour le groupe rosuvastatine (134 pixels) et 0.06 (et des tas de poussières) pour le groupe placebo (281 pixels) à 4 ans.

On reprend la formule du début:

NNT= 1/(0.06-0.03)= 30.61 (sans faire les arrondis)

Selon mes mesures, j’estime donc qu’il faut traiter 30 patients pendant 4 ans pour éviter un évènement cardiovasculaire, comme défini par le critère primaire.

On va voir ce que les auteurs du papier ont trouvé:

« On the basis of Kaplan–Meier estimates (Fig. 1), the number of patients who would need to be treated with rosuvastatin for 2 years to prevent the occurrence of one primary end point is 95, and the number needed to treat for 4 years is 31. » (pages 2199 et 2200).

Pas mal, non !?

Et ça, sans tricher!

(non, non, c’est vrai)

Et cela, avec un petit tracé, une règle et un crayons numériques.

Bon, je vais être honnête, ça m’a pris un peu de temps pour comprendre. J’ai écrit le premier mot de cette note le 5 avril, comme je ne comprenais pas grand chose, j’ai laissée décanter 20 jours, et ça m’a pris toute la matinée et le début de cette après-midi pour pondre un truc cohérent (j’ai mangé le nez collé au BMJ).

Une fois le principe compris, la réalisation est très rapide.

Cela permet de calculer des NNT quand les auteurs ne les donnent pas (par timidité, sans doute….).

Petit exemple précis.

Je prends cette étude ancillaire de JUPITER publiée dans le NEJM par Glynn et coll.

Je cherche à connaitre le NNT pour éviter un accident thrombo-embolique veineux.

Je regarde donc le texte pour savoir ce que disent les auteurs, page 8:

« The estimated number needed to treat for 4 years to prevent either one episode of venous thromboembolism or one primary cardiovascular end point is 26, and the projected number needed to treat for 5 years is 21. These numbers are smaller than the estimated numbers needed to treat for 4 years and for 5 years to prevent the primary cardiovascular end point only (31 and 25, respectively). Among the 94 participants in whom venous thromboembolism developed, 21 died by March 30, 2008 (14 in the placebo group). Altogether, 320 participants in the rosuvastatin group had a first cardiovascular event or venous thromboembolism or died, as compared with 483 participants in the placebo group (hazard ratio 0.66; 95% CI, 0.57 to 0.76; P<0.001). When this composite end point was considered, the number of patients needed to treat for 4 years to prevent one event was estimated to be 23, and the number needed to treat for 5 years was projected to be 18. »

Mais c’est qu’ ils en disent beaucoup, des choses!

(un peu trop pour être honnêtes, à vrai dire).

Si on lit un peu rapidement, on retient un NNT à 26 à 4 ans. Ce qui reste raisonnable.

Mais si on relit plus lentement, on se rend compte que les auteurs ont inclus dans ce calcul non seulement les épisodes thrombo-emboliques veineux, qui sont l’objet de papier en particulier, mais aussi « or one primary cardiovascular end point« , c’est à dire des évènements cardio-vasculaires autres, non veineux , qui composent le critère principal du papier de JUPITER publié par Ridker et coll. (d’ailleurs, on y retrouve notre NNT à 31).

Glynn et coll. sont donc des petits coquins qui ont tenté d’enfumer le lecteur en diminuant le NNT de leur étude sur des évènements veineux en y rajoutant des évènements artériels !

(Ce que, bien évidemment, ils n’ont pas fait pour leur conclusion, sinon, ils se seraient fait taper sur les doigts)

On va donc calculer le NNT à 4 ans pour savoir combien de sujets il faut traiter par rosuvastatine pendant 4 ans pour éviter un évènement thrombo-embolique veineux uniquement. Ce qui, encore une fois, était le seul objectif de ce papier.

Je prends donc la courbe de survie qui correspond:

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(Figure 1-A, page 6)


Si je ne me trompe pas, avec la même méthode qu’au dessus, à 4 ans, j’obtiens un NNT à 110 (et 478 à 2 ans)

Évidemment ça fait bien moins rêver que 26!


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Pour tout savoir sur le NNT, je vous conseille ces deux articles « princeps » du BMJ, que tout le monde cite, et qui sont en accès libre:

Altman DG, Andersen. PK. Calculating the number needed to treat for trials where the outcome is time to an event. BMJ 1999;319:1492-5.

Cook RJ, Sackett DL. The number needed to treat: a clinically useful measure of treatment effect. BMJ 1995;310:452­4.

Plusieurs autres articles intéressants, sur ce sujet:

Chevalier P. Nombre de sujets à traiter. Minerva 2009; 8(2): 24-24.

Smeeth L, Haines A, Ebrahim S. Numbers needed to treat derived from meta-analyses–sometimes informative, usually misleading. BMJ. 1999 Jun 5;318(7197):1548-51.

Aaron SD, Fergusson DA. Exaggeration of treatment benefits using the “event-based” number needed to treat. CMAJ 2008;179:669-71.

Internationale des orthopédistes

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Dans une note de son excellent blog, le Dr Wes rapporte le compte rendu parfaitment incompréhensible  d’une consultation d’un orthopédiste de son institution.

Le Dr Wes est cardiologue, j’ai donc un a priori tout à fait positif.

Mais est-ce un hasard que le rédacteur soit un orthopédiste?

Par plaisanterie, chez nous, on leur prête un esprit robuste mais binaire: cassé/pas cassé.

A priori, aux EU, c’est un peu la même chose.

Cette note pose aussi le problème du dossier médical informatisé qui risque d’être tout aussi peu compréhensible qu’un dossier papier, malgré une lisibilité parfaite.

Le clavier ne dispense donc pas de faire des phrases, même frustres (n’en demandons quand même pas trop) avec un sujet, un verbe et un complément.

RS FC120 Axe N PR 180 QRS 80 QTc OK ST-T OK

Nous aussi,  si on veut, on peut faire pareil !

😉

Le milliard, le milliard!

Cette nuit (je ne suis quand même pas resté éveillé pour voir cela), un heureux internaute a téléchargé la milliardième application de l’App Store d’Apple.

« Heureux » car il va bientôt recevoir un joli panier de cadeaux Apple.

Mais c’est surtout le milliard qui est fascinant, car l’App Store a été lancé en juillet 2008, c’est à dire il y a 9 mois!

Apple a donc encore révolutionné un domaine en créant une fabuleuse planche à billets, tout en faisant travailler les autres développeurs.

En effet, Apple récupère 30% (le chiffre le plus souvent cité sur la toile) de chaque transaction.

Gling gling gling…

Et je pense que ce n’est pas près de s’arrêter.

Les applications en elles-même, vont du pire au meilleur, avec quand même un niveau général assez bas. Mais il y a des perles.

Et ce sont elles qui font que l’iPhone (je parle pour moi) est évolutif, et qu’on ne sait jamais à quoi il pourrait servir (d’utile si possible) demain.

A propos de trucs à télécharger pour iPod ou iPhone, j’ai enregistré hier un podcast pour Medecinews pour le « numéro zéro » (c’est à dire la maquette) d’une émission régulière qui sera téléchargeable sur leur site. Je ne sais pas si ma minute trente de blabla sera diffusée, je vous tiendrai au courant. L’idée de cette minute trente serait de laisser la parole à un médecin pour raconter une anecdote de sa pratique (j’ai raconté celle-ci). La très agréable journaliste avec qui j’ai un peu discuté m’a dit que les médecins blogueurs seraient a priori mis à contribution en premier car « on aime bien parler ».

Pas faux du tout, surveillez donc vos boites électroniques.

Je suis le zéro, qui aura l’insigne honneur d’être le numéro 1 ?

😀

Rendez-moi ma titine!

Incroyable comme ça cale facilement une essence…

(pour l’instant, je n’ai eu que des diesel)

Trois fois sur moins de 5 kilomètres.

J’ai quand même évité la honte de caler dans l’enceinte du concessionnaire, devant tout le monde.

Mais à vrai dire, j’ai quand même réussi l’exploit de passer la marche arrière sans débrayer, avec le commercial assis à côté de moi qui voulait me faire voir où elle était. C’est solide une boite de vitesse Toyota, vous pouvez me croire.

Encore un qui m’a pris pour un grand débile (c’est assez fréquent).

Donc maintenant je démarre à 3500 tours par minute, minimum, et je lâche l’embrayage brutalement.

Dans le quartier et à la clinique, tout le monde sait que je suis cardiologue et que les cardiologues se la jouent grave en faisant rugir leurs moteurs et en démarrant sur les chapeaux de roue.

Il me manque plus que la Day-Date en or, la grosse chaine du même métal avec une Corse stylisée au bout, et les Ray-ban pour avoir la combinaison complète du cardiologue libéral.

Bon, c’est vrai aussi qu’en général, ils ne font pas vroum-vroum-vroum avec une petite Yaris…

Et pour les amplis sur roues, ce n’est pas non plus le nirvana, il faut une prise jack que je n’ai bien évidement pas.

Rendez-moi ma titine !