Marathon de Londres 2023

Bon, ce marathon a été largement le plus difficile pour moi. Je suis arrivé, mais pas en forme. Cette expérience m’a fait toucher du doigt que courir un marathon n’est pas devenu, même à mon petit niveau, une routine, et c’est tant mieux. Je pensais avoir pris la mesure du truc, mais en fait non, une bonne tape sur le crâne m’a de nouveau fait prendre conscience de mon ineptitude face à cette distance. La météo était très britannique: 11°C, et pluie fine quasiment tout le long. Courir 2 marathons à 3 semaines d’intervalle n’était pas non plus très pertinent et je l’ai un peu payé. Hormis ma bêtise, cette course était hors du commun, largement au dessus du lot de ma petite expérience. Le parcours est magnifique, même la partie dans Canary Wharf que j’avais imaginée peu intéressante était fabuleuse. Imaginez. Des façades minérales et vitrées se renvoyant sans fin les clameurs d’une foule électrique. Des bouts de ciel découpés, très géométriques, un métro aérien animant la perspective. Un fleuve chaotique de milliers de petites tâches multicolores emportées par les encouragements de la foule, la foule, la foule, encore la foule se reflétant sur les façades. Et au milieu de toute cette beauté, je cherchais désespérément des toilettes, parce que, ben, j’étais un peu chiffon. Traverser la Tamise sur le Tower Bridge, longer Westminster et tourner devant Big Ben, arriver devant Buckingham Palace, c’était… magique.

C’est la ferveur populaire et le nombre de gens venus nous encourager sous la pluie qui m’ont le plus impressionné. Trois rangs de spectateurs hurlants sur presque tout le parcours, c’est quand même dingue. Paris est une ville magnifique, mais il n’y a aucune ferveur avant le Trocadéro. Berlin est une belle ville, moins indifférente que Paris, mais Londres, c’est vraiment un autre niveau.

L’immense majorité des coureurs (hors Élites) porte les couleurs d’une œuvre de charité. Cette année, le marathon de Londres a permis de lever un peu plus de 59 millions d’euros. Chaque coureur est donc un héros qui court sous la pluie une distance déraisonnable, certes, mais surtout va permettre de récolter de l’argent pour un hôpital, la recherche scientifique, la protection des animaux, pour lutter contre une maladie qui leur a enlevé un être cher…

J’ai croisé un coureur portant un frigo de 26 kg, et j’ai cherché des infos sur lui après la course. Son exemple résume très bien ce qu’est Londres.

Un homme a couru avec un déguisement de rhinocéros, j’ai trouvé ça drôle. Un autre en os, j’ai aussi trouvé ça drôle jusqu’à ce que je lise sur la diaphyse que son petit frère a été emporté par un ostéosarcome, et que c’est pour réunir des fonds en faveur de la recherche qu’il court. Pour qu’à l’avenir moins de petits frères meurent.

Évidemment, quand on ne court que par la grâce de son portefeuille et pour personne d’autre que soi-même, on se sent très inutile et très con sous la pluie. Je suis parti avec une agence de voyages spécialisée, seul moyen « simple » d’avoir un dossard. Il suffit de payer. J’ai redécouvert à cette occasion, comme à Berlin le monde un peu curieux des coureurs globe-trotters. Des retraités, plutôt, qui parcourent le monde pour décrocher les 6 (bientôt 7) étoiles, c’est à dire terminer les 6 auto-proclamés World Marathon Majors. Attrapez-les tous! Ils se croisent régulièrement et finissent par se connaître, au moins se repérer car ils portent souvent des vestes de course en polyester qui immortalisent leurs exploits. Ils ne parlent que de courses, passées ou futures. je les ai consciencieusement évités. Dans un coin sombre de mon esprit, j’ai lu que j’avais déjà 2 étoiles sur 6 (bientôt 7).

La seule chose que j’ai vraiment détestée à Londres était l’expo où l’on devait retirer son dossard. Rien ne nous oblige à aller voir les stands, mais on se laisse toujours tenter, pour une expérience toujours misérable. À Berlin, j’avais détesté l’immense magasin éphémère Adidas, la foule s’arrachant presque des mains des T-shirts moches. À Londres, c’était New Balance, tout était aussi très moche, vert kaki, ou jaune pisseux. Une musique boum-boum à fond et une foule surexcitée ont achevé de me dégoûter. On aurait dit une séquence filmée par Terry Gilliam sous acide pour critiquer la consommation de masse hystérique d’un monde à l’agonie. Mais là c’est la vraie vie et ce n’est pas beau à voir. Mais on plante des arbres, on recycle nos tenues en polyester, sans rire, donc tout va bien, on est presque trop verts.

Un coin très calme de la gigantesque expo

Après la course, je me suis trainé à la National Gallery qui était toute proche. J’avais sélectionné 3 œuvres que je voulais absolument voir, et l’une rappellera des souvenirs à mes plus anciens lecteurs.

J’ai aussi découvert cette œuvre de Akseli Gallen-Kallela que j’aime beaucoup:

Puis après, ça été la débauche de gras et de calories dans un excellent Fish & Chips (The Fish House sur Pembridge Road).

Quelques photos en vrac de Londres:

Presque un général de l’armée rouge ou nord-coréenne…

Marathon de Paris 2023

Hier, j’ai couru mon second Marathon, et c’était celui de Paris.

À Berlin, tout n’était que marathon les 2 jours précédents la course et bien entendu le jour J. La ville s’était mise à vivre pour nous. Des coureurs venus du monde entier, de partout, reconnaissables à leur allure physique et leurs vêtements techniques aux couleurs criardes ont littéralement pris la place des berlinois, comme si ces derniers avaient été enlevés par des extra-terrestres. À Paris, ce n’était pas du tout ça. Il y avait pourtant autant de compétiteurs, mais la ville les a engloutis, intégrés, presque snobés. Nous nous sommes tous retrouvés, un peu surpris d’être là, presque par hasard, pour prendre part à une grande course qui n’intéressait que nous.

La veille, j’ai trouvé l’expo au Parc des expositions de la Porte de Versailles vraiment très impressionnante par sa surface, le nombre de stands et le monde qui faisait la queue pour y accéder samedi après-midi. Mais finalement, l’accès puis le retrait des dossards se sont faits assez rapidement et sans encombre. Pas grand chose de fou à l’expo, je ne me suis pas vraiment forcé pour ne rien acheter. Le T-shirt finisher de cette année est vert (toutes les années, il est vert, c’est la couleur du sponsor principal), ça participe à l’illusion que nous sommes éco-responsables, malgré les tonnes de produits carbonés que nous consommons pour nous habiller ou nous rendre à ces grand-messes. J’ai fait les attractions habituelles: les jeux (j’ai gagné un bon d’achat de 50 €), voir la médaille, trouver son nom sur le mur…

Le matin de la course, je me suis religieusement habillé, comme chaque fois, en vérifiant que rien ne frottait, que j’avais le bon nombre de gels, que je n’aurais ni trop froid ni trop chaud… J’aime bien ces moments d’angoisse, d’excitation, de concentration quand on revêt son habit de lumière polyester.

C’est un cliché, mais Paris c’est Paris, et courir dans cette ville a été pour moi une grande expérience. C’est débouler sur la Place Vendôme qui m’a le plus impressionné. Mais voir le donjon du Château nous attendre au bout d’une route dans le Bois de Vincennes, ou encore la descente de l’avenue Paul Doumer sur le Trocadéro étaient aussi de grands petits moments. Par contre, je n’ai rien vu, RIEN, en courant sur les bords de Seine, j’étais bien trop occupé à ne pas sombrer totalement. RIEN, mais je sais parfaitement ce que j’aurais dû voir. J’aurais dû voir défiler à mon allure l’histoire de France, j’aurais dû courir dans ses méandres, ses grands moments, ses tragédies, mais j’étais bien trop focalisé sur ma propre micro-tragédie du jour: arriverais-je à suivre le type lambda, roux et blanc comme seuls les britanniques peuvent l’être, que j’avais choisi comme bouée de sauvetage? Réponse: non. C’est une bonne métaphore de la vie, nous sommes tellement hypnotisés par notre nombril que nous ne voyons pas les évènements immenses qui se déroulent autour de nous. Nous, plutôt nos descendants ne le verront que bien plus tard dans les livres d’histoire, ou dans une vidéo Youtube. Dis papy, tu étais où juste avant que le monde s’effondre? Moi, j’essayais de suivre un rouquin inconnu dans le tunnel du pont de l’Alma.

J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de monde pour nous applaudir le long du tracé, surtout à partir du Trocadéro, j’ai trouvé que c’était de la folie. À Berlin, il y avait beaucoup de monde, mais il était tenu à distance respectueuse par les barrières. Sur la place du Trocadéro, j’ai eu l’impression d’être englouti dans la foule comme le peloton du Tour de France dans un grand col. J’ai un souvenir assez flou, mais j’ai trouvé ça fou.

Je suis parti trop confiant, trop vite, et les bosses du bord de Seine et des 6 derniers km ont fini de m’achever. Mais j’ai amélioré mon temps de Berlin de 2 minutes 30 et surtout je suis passé sous la barre des 4h, c’était l’objectif principal. J’ai joué et j’ai perdu, mais je ne regrette pas d’avoir essayé, d’avoir été pour une fois peu irréfléchi. C’est tellement pas moi.

Paris. Mon allure (en bleu) s’effondre à partir de 3h-3h05 quand ça commence à monter (le profil en vert). Mais c’est en partie une excuse, j’étais bien cuit aussi.
Berlin. Allure stable, sauf à la fin où j’étais cuit.

J’ai bien mieux encaissé, j’ai fini beaucoup moins cuit qu’à Berlin. Je me souviens encore très bien de la torture pour descendre les escaliers du métro berlinois, après la course, pas vraiment de leurs homologues parisiens. 24h après, j’ai des courbatures, mais ça va (il ne faut pas que je ramasse un truc par terre, ni que je me lève d’une chaise, ni que je marche trop vite, mais ça va bien, sinon).

Je me suis entraîné plus qualitativement que la première fois, j’ai beaucoup travaillé sur l’alimentation, et à moins d’arrêter mon activité professionnelle, je ne m’améliorerai pas beaucoup plus que ça. Mais que m’importe, c’est la philosophie qui me plait.

La philosophie et la médaille aussi car je suis un peu resté un grand gamin. J’ai compris que la médaille du Marathon de Paris, c’est toujours un peu stupeur et tremblements avant sa présentation quelques jours avant l’épreuve.

La médaille 2019 reste a priori dans de nombreuses mémoires de coureurs.

Incroyable comme chaque médaille est le reflet de son pays d’origine. La médaille allemande fait très allemande, et la française… très française. J’aime beaucoup les deux, je ne fais même pas semblant d’en être détaché.

Petite illusion d’optique, elles ont exactement le même diamètre et presque le même poids (114g pour Berlin, 106g pour Paris). Seule petite remarque, le ballon métallique avec sa petite valve au dos me rappelle quand même beaucoup le travail de Jeff Koons.

Pour moi la médaille ne représente pas tant la course, que les 3 mois de discipline et d’obstination qui l’ont précédée. On devrait nous la donner au départ 🙂 . D’ailleurs, encore une fois, c’est impressionnant comme 3h58 (pas 4h, j’y tiens) passent vite. On me demande souvent si ce n’est pas trop long, si je ne m’ennuie pas pendant 3h58 sur de l’asphalte. Et bien pas du tout, le temps a passé comme l’éclair et de retour à l’hôtel, j’avais de la peine à croire que je venais de courir 3h58 (et pas 4h…) et terminé un cycle de 3 mois durant lequel j’ai mis ma vie entre parenthèses.

Le 23/04, dans 19 jours exactement je devrais prendre le départ du marathon de Londres. Encore un truc irréfléchi… Je vais essayer de gérer au mieux ces 3 semaines pour arriver à Londres pas trop défraichi. Une semaine complète de repos, beaucoup de protéines, du fractionné et ça devrait aller… Wait and See.

Avec le recul…

J’ai discuté avec pas mal de gens, la plupart non coureurs, mais parfois oui de mon expérience sur le marathon de Berlin. Avec le recul, et en réfléchissant sur leurs remarques, je vais essayer de résumer ce que j’en ai tiré.

Évidemment, nous sommes tous différents, chaque course est différente, et surtout c’est ma seule et unique. Donc je vais vous donner mes impressions de la considérable hauteur de mon unique expérience. 🙂

« Il doit falloir une force mentale extraordinaire pour courir 42 km »

Bof, je n’ai pas trouvé. Ça tire un peu à la fin, mais je me suis jamais dit que j’allais abandonner entre le 38ième et le 42.195ième kilomètre. Je n’ai jamais « souffert ». La force mentale, il faut l’avoir pendant l’entrainement, pas pendant la course (sauf pépin physique, ou conditions météorologiques extrêmes j’imagine). J’ai plus tiré la langue pendant le semi de Nice que pendant ce marathon.

« Maintenant que tu as couru le marathon, tu dois trouver toutes les autres courses simples ».

Ben non. Chaque distance a ses spécificités, et courir 42 km une fois n’est pas un diplôme permettant de courir 5, 10, 20, 21 km les doigts dans le nez ensuite. Dans 2 jours je cours le Marseille-Cassis et je n’ai quasiment pas couru depuis mi-septembre (10-15 jours avant Berlin). Je pense que ça va être compliqué, mais je ne me mets aucune pression. Je vais courir tranquillement et faire ce que je peux. j’espère simplement que le physique ne va pas gâcher mon plaisir de faire cette belle course.

« Ça t’a changé? »

Non plus, je ne l’ai pas vécu comme une expérience métaphysique. Physiquement, oui, je me suis affiné et musclé, mais psychologiquement, non. Quand je le veux je suis rigoureux et méthodique. Je l’étais avant, je le reste. Je n’ai pas changé ma vie, je n’ai pas vu la lumière ou le petit-Jésus, rien de tout cela. Je suis très content de l’avoir fait, je suis très content de croire que j’ai appréhendé la chose, mais sans plus. « Avant », je n’arrivais pas à prendre dans mes mains le concept de courir 42.195 km, je n’arrivais pas à imaginer. Maintenant, j’ai l’impression de comprendre (je reste très prudent): il faut énormément travailler, et le travail paye. Par contre, en effet, durant la préparation, je ne pensais qu’à ça, et je ne concentrais mon énergie que sur ça. Là, en effet, j’étais « différent ». J’ai laissé de côté pas mal de choses dans ma vie durant tous ces mois.

« Le marathon de New-York, ça se passe à New-York? »

Et oui, j’ai eu la remarque… Les non coureurs ont du mal avec le concept de marathon. Ce n’est pas une course dont la distance est variable. un marathon de 10km, ça n’existe pas. Le marathon ce n’est pas non plus du trail ou de l’ultra-trail. un semi-marathon n’est pas un marathon, ce n’est pas non plus moitié-bien, c’est totalement autre chose. J’ai eu aussi droit à un « je fais de la course d’endurance environ un quart d’heure par jour ».

« Tu es devenu accro? C’est souvent le cas chez les coureurs! »

Non plus, j’entends souvent la remarque. Je ne cours donc quasi plus depuis mi-septembre, et je n’ai aucun signe de manque. Je n’ai plus envie de me forcer pour courir. Je cours si j’ai envie, et pour le moment pas plus que ça. Je vais m’y remettre, je n’en ai aucun doute, mais pour l’instant je fais une pause. Sinon, une fois passés les premiers mois où courir est quand même très aride, voire pénible, voire douloureux, c’est quand même très agréable de prendre régulièrement sa dose d’endorphines. Tu prends tes chaussures de course, tu cours, tu relativises tous tes problèmes et quand tu reviens, une bonne douche chaude, un canapé profond, et un bon thé, et c’est le Nirvana au milieu d’un océan d’endorphines. Courir, c’est quand même un peu une religion. Il suffit d’en regarder ses adorateurs, les coureurs. Il faut passer par des épreuves difficiles avant d’avoir son bain d’endorphines, « l’illumination », comme dans toutes les religions. On peut comparer le « flow » à une expérience métaphysique. On peut comparer les grandes courses à des offices religieux… Mais il faut être franc, la course ne serait pas la course si il n’y avait pas la traversée du désert, le coté aride, qui caractérise sa pratique, puis l’expérience du bain d’endorphines.

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Message de service.

Après toutes ces années, je vais suspendre mon « abonnement premium » à WordPress. Je vais garder la propriété du nom de domaine, mais dans 48h ce blog ne sera plus ce qu’il a été. Je ne sais pas exactement ce qu’il va devenir, je verrai bien!

Dossards solidaires

Je me suis inscrit pour le prochain marathon de Paris et je me suis dit que ça pourrait être sympa de courir pour une bonne cause, comme ça se fait beaucoup dans les pays anglo-saxons.

J’ai opté assez logiquement pour l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque, dont je me sens très proche, et qui fait un travail formidable depuis 1996. Durant mes gardes en réanimation de chirurgie cardiaque sur St Joseph, j’ai vu passer quelques enfants opérés grâce à eux.

Si vous souhaitez contribuer, vous pouvez le faire sur cette page.

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