Et avec un diurétique en plus?

Je viens de recevoir au courrier une plaquette m’informant de la mise sur le marché de trois associations fixes d’aliskiren+hydrochlorothiazide:

  • Rasilez HCT® 150 mg/12.5 mg
  • Rasilez HCT® 300 mg/12.5 mg
  • Rasilez HCT® 300 mg/25 mg

Je me suis toujours demandé pourquoi on commercialisait plus ou moins rapidement (ici rapidement) après la sortie d’un nouvel anti-hypertenseur censé révolutionner la prise en charge de la tension artérielle, une ou plusieurs associations fixes avec un diurétique.

Je m’étais déjà fait la remarque pour les ARA2. Ils ont été lancé avec une telle fanfare que j’ai été surpris qu’il puisse encore y avoir des HTA, résistantes sous ARA2, nécessitant l’adjonction d’un diurétique. Je pensais au contraire que les labos allaient plutôt proposer au patients des pantalons anti-G tellement leur efficacité a été vantée.

Treize ans après la première AMM de l’irbésartan (Aprovel® 75 mg), et oui, ça passe vite, est donc sorti le merveilleux aliskiren, puis ses associations fixes.

L’histoire se répète donc, la dernière merveille ne fait pas mieux que les autres et le nombre de patients non stabilisés est suffisant pour justifier la commercialisation d’une association fixe.

Voici un schéma simple pour recadrer le problème:

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Ce schéma est tiré de EUROASPIRE et je l’avais déjà évoqué ici.

Que voit-on? Qu’il y a au fil du temps de plus en plus de coronariens (ici européens) traités pour une hypertension, mais sans amélioration sensible sur le contrôle de cette dernière.

Depuis 1995, de plus en plus de patients sont traités avec des molécules censées être de plus en plus efficaces (révolutionnaires). Logiquement, le nombre de patients dont l’HTA est contrôlée devrait être beaucoup plus important, non?

Le problème est ailleurs, probablement en partie au niveau des apports sodés et de l’activité physique.

Ça bouge beaucoup  en ce moment Outre-Atlantique sur ce sujet (ici, ici, ici…).

Bon, cette association n’a pas fait rêver non plus la HAS malgré un prix de vente relativement modéré (24,67€ la boite de 30, tous dosages confondus):

ll existe de nombreuses alternatives médicamenteuses ayant montré un impact en termes de réduction de la morbi-mortalité : diurétiques, bêtabloquants, antagonistes des canaux calciques (dont l’amlodipine) ou autres antagonistes du système rénine-angiotensine.

Le service médical rendu* par RASILEZ HCT est important.

Les spécialités RASILEZ HCT 150 mg /12,5 mg, 150 mg / 25 mg, 300 mg / 12,5 mg et 300 mg / 25 mg, associations fixes d’aliskiren 150 ou 300 mg et d’hydrochlorothiazide 12,5 ou 25 mg, n’apportent pas d’amélioration du service médical rendu** (ASMR V) par rapport à l’utilisation conjointe de chacun de leurs composants pris séparément.

* Le service médical rendu par un médicament (SMR) correspond à son intérêt en fonction notamment de ses performances cliniques et de la gravité de la maladie traitée. La Commission de la transparence de la HAS évalue le SMR, qui peut être important, modéré, faible, ou insuffisant pour que le médicament soit pris en charge par la solidarité nationale.
** L’amélioration du service médical rendu (ASMR) correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament par rapport aux traitements existants.
La Commission de la transparence de la HAS évalue le niveau d’ASMR, cotée de I, majeure, à IV, mineure. Une ASMR de niveau V (équivalent de « pas d’ASMR ») signifie « absence de progrès thérapeutique ».

L’efficacité de l’association aliskiren + HCTZ a été démontrée sur un critère de substitution, la réduction de la pression artérielle diastolique mais elle n’a, à ce jour, pas été démontrée sur un critère clinique de morbimortalité.


Bon, bah, dans ce cas, autant donner à nos patients des conseils hygiéno-diététiques pour diminuer l’apport sodé quotidien, se lever le derrière du canapé et prescrire des médicaments qui ont démontré à ce jour qu’ils prolongent et améliorent la vie, non?

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RASILEZ HCT (aliskiren et hydrochlorothiazide), association d’antihypertenseurs. Pas d’avantage clinique démontré de l’association fixe par rapport à la prise séparée de ses deux composants. (Synthèse de l’avis de la HAS )

Avis de la commission de transparence du 27/05/2009.

Le sel beuuuurrrrkkkk!

Bon, le message est simpliste, mais il a le mérite d’être court.

Je dois présenter un petit diaporama au public potentiel qui se présentera à la journée portes ouvertes de la clinique où je travaille.

Comme je suis en phase maniaque en ce moment, je l’ai fait dans la foulée de l’autre, et vous pourrez le consulter ici.

La diapo 12 comportera un film publicitaire bien connu pour le jambon cité dans lequel joue une mignonne petite fille. Je compte exploiter sans vergogne la réaction outragée de la foule que ne manquera pas de susciter l’information glaçante qui suit: si elle mange les 4 tranches du paquet de 120g elle va se prendre 4.56 g de sel dans la tête.

(alors que ce jambon est 25% moins salé que les autres, justement pour les enfants)

A vos fourches!

J’ai vidé les placards de la cuisine et une partie du frigo pour lire avec fébrilité la composition en sel de tout ce qui me tombait sous la main en marmonnant le chiffre magique « 2.54 ».

Bref, un grand fou, malgré la tranquille et belle journée de dimanche.

Ce soir, il y a de la soupe au pistou hyposodée faite maison .

Miamm!


Le paradoxe de l’HTA

Le NEJM de cette semaine publie une « lecture » très intéressante sur l’histoire et l’évolution des traitements antihypertenseurs depuis 60 ans, et surtout leur efficacité.

L’auteur arrive à la conclusion que malgré des avancées spectaculaires dans le traitement de l’HTA (peut-être pas ses dernières années, mais le petit historique qu’il fait permet de s’en rendre compte), il y a de plus en plus d’hypertendus non contrôlés.

Il fait la même constatation que le programme EUROASPIRE sur les coronariens européens.

Le « plus de traitement » est contre-balancé par « plus de sel », « plus de gras », « plus de sédentarité »…

PhotobucketMiam miam, plus de noisettes, plus de sel, plus de gras, plus de sucre, plus de sédentarité,

pour devenir grassouillet et rougeaud comme toi…


« Le plus de sel » me semble être particulièrement dramatique dans notre pays, où l’obésité n’est pas encore un problème majeur.

La consommation quotidienne de sel dans les pays développés est très largement supérieure aux 2.9-3.8 g recommandés par l’Institute of Medecine. En effet, on se rapproche plutôt des 10 g.

Petite parenthèse, la recommandation citée donne des tables de conversion bien pratiques pour passer d’une quantité de sodium en mmol à une quantité de sel en g  qui me semble bien plus parlante:


mmol de sodium*23=mg de sodium

mmol de sodium*58.5=mg de sel

Je vous rappelle aussi l’existence de ce fabuleux travail du service de pharmacie du CHG de Béthune qui recense la quantité de sodium et de sel contenue dans 87 médicaments usuels.

Bref, non seulement nous devons prendre notre bâton de pèlerin pour inciter nos patients à moins se gaver de sel, mais nous devons aussi faire attention à nos prescriptions.

J’insiste très lourdement sur le régime hyposodé (qui est en fait physiologiquement normosodé, voire hypersodé) et sur la nécessité d’une activité physique régulière.

Je prends le temps d’expliquer ce graphique que j’ai tiré de EUROASPIRE pour leur faire comprendre que le traitement n’est rien sans l’amélioration du mode de vie:

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Je leur précise bien que les patients de ce programme sont européens, et qu’ils sont tous coronariens, c’est à dire surveillés comme le lait sur le feu par un généraliste, 1 voire 2 cardiologues, éventuellement un endocrinologue…

Évidemment, ce n’est pas simple, car si vous le demandez à vos patients, personne, je dis bien personne ne sale (en dehors des régions où règne sans partage le beurre salé).

En fait, l’immense majorité du sel est caché dans l’alimentation, notamment industrielle. On en trouve aussi beaucoup dans les aliments sucrés, car c’est (malheureusement) un excellent exhausteur de goût.

Personne ne sale, mais tout le monde se prend 10 g de sel par jour, telle est la principale difficulté de la prévention…

Idéalement, il faudrait bannir tout ce qui n’est pas frais, et tout ce qui est préparé par autrui.

Pas simple, d’autant plus que c’est une alimentation de riche et qui demande du temps.

Autre paradoxe, chez nous, ce sont souvent les « pauvres » qui sont gras, suralimentés et sédentaires. Bref, ce qu’étaient les riches goûteux d’il y a plusieurs siècles.

En conclusion, l’auteur, comme tant d’autres milite pour une amélioration de notre mode de vie afin d’enrayer ce fléau qu’est l’HTA. A ma connaissance, c’est le seul état pathologique pour lequel nous ayons des traitements efficaces, mais que notre mode de vie rend de plus en plus incurable.

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L’article est en libre accès:

Aram V. Chobanian. The Hypertension Paradox — More Uncontrolled Disease despite Improved Therapy. N Engl J Med 2009 361: 878-887



Je me demande ce que sont devenus les deux protagonistes de la publicité.

Le cuisinier a développé un diabète, une HTA et une néphropathie mixte. Avant de mourir l’an dernier d’un accident vasculaire cérébral, il a bénéficié un pontage aorto-coronarien vers le milieu des années 90. On a envisagé à un moment de lui faire une réduction gastrique, avant de reculer devant le risque opératoire déraisonnable.

« Monsieur Plus » a poursuivi ses études de médecine qu’il a financées grâce aux cachets publicitaires. Il est un cardiologue respecté par ses patients, ses pairs, son épouse, ses enfants et ses maîtresses (et leurs enfants). Il n’a pas changé de costume qui est toujours aussi tendance parmi ses pairs. Son tic l’a rapidement fait abandonner la carrière de coronarographiste qu’il avait un moment envisagée, à cause d’accidents regrettables et particulièrement dramatiques. Les jaloux disent qu’il a toujours appliqué la ligne de vie qui l’a rendu célèbre: « Toujours plus! ». Ce qui expliquerait à la fois sa très nombreuse clientèle et la quasi ferveur qu’il suscite parmi tous les visiteurs médicaux.


HTA, douleur et alcool.

Un couple d’une cinquantaine d’années se présente à la consultation. Le monsieur est trachétomisé depuis plusieurs années, et là il revient en bilan pré-opératoire d’une tumeur de langue (qui de l’aveu de l’interne est déjà probablement dépassée et inopérable).

Problème: il a 170 mm Hg de systolique en plateau depuis son admission, alors qu’il est normotendu à la maison.

Solution?

J’ai proposé à l’interne deux hypothèses.

La première, il est sevré en alcool depuis son admission, et tremble comme une feuille.

La seconde, il prend huit Efferalgan codéinés par jour. Or, dans chaque comprimé effervescent, il y a 380 mg de sodium sous diverses formes, soit 965.20 mg de sel par comprimé. Il se prend donc environ 7.7 g de sel par jour.

J’ai proposé de reprendre l’alcool qui sera un excellent anti-hypertenseur d’action rapide dans son cas, et d’essayer de trouver un autre antalgique (ce ne sera pas simple). Comme je suis un peu obsessionnel, j’ai rajouté un esidrex 25 mg pour faire bonne mesure.


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Vous trouverez dans ce poster très utile un tableau qui indique la quantité de sel par unité de prise pour 87 médicaments particulièrement riches en sel.

La fosfomycine est la reine incontestée de la catégorie avec 3378.2 mg de sel par unité thérapeutique, et une posologie de 2 à 4 unités thérapeutiques par jour!