Impressive, most Impressive

Aujourd’hui et demain se déroule l’audition de la FDA sur l’Avandia® (rosiglitazone).

Vous pouvez la suivre en direct sur le site internet de CNN ou sur Twitter (#Avandia).


Le débat est technique, mais je le trouve très impressionnant sous bien des angles.

Tout d’abord, ce sont les meilleurs experts du monde qui s’écharpent en direct. On peut bien penser ce que l’on veut des experts, mais quand Steve Nissen est dans la salle et alimente le débat sur la rosiglitazone, celui-ci ne peut pas être médiocre. Le niveau est énorme et il n’y a pas de langue de bois. L’intelligence nait de ce genre de confrontations, malheureusement soit trop rares, soit à la diffusion trop restreinte.

Les enjeux financiers et sanitaires sont gigantesques, ce qui explique probablement pourquoi CNN le retransmet en direct.

Je trouve cette idée merveilleuse.

Primo car un tel débat ne peut que rendre meilleur l’auditeur et notamment aiguiser son sens critique. Secundo, la diffusion de ces réunions qui se font le plus souvent à huis-clos affute les participants qui n’ont pas d’autre option que d’être brillants, sans fard ni artifice.

On monte sur le ring et on donne tout en laissant titres et oripeaux au vestiaire. On donne des coups et on en prend, mais dans les deux cas on devient meilleur et on apprend à l’auditeur mieux que n’importe quel TP/TD/cours magistral /EPU ne pourrait le faire.

On lui apprend l’intelligence.

Je rêve que de telles auditions qui se tiennent à l’Afssaps/HAS/EMA soient retransmises.

Mais le fossé culturel me semble tellement immense.

Ici, envisager de se remettre en question publiquement n’est même pas imaginable.

Pourtant, les conséquences d’un tel système de pensée indolent sont visibles tous les jours.

J’écoute Steve (Nissen), puis je lis ça, et je pleure de rire ou d’apitoiement, selon l’humeur du jour.

Par ailleurs, dans ce cas particulier, la transparence permise par la retransmission de cette audition me paraît avoir un rôle réellement positif, notamment sur la compréhension de phénomènes complexes qui découle de l’analyse d’un tel débat. J’oppose cette « transparence intelligente » au rôle habituel de flicage à laquelle ceux qui lavent plus blanc que blanc la cantonnent habituellement.

Enfin, mais c’est presque secondaire, et je ne suis pas objectif (je n’ai jamais aimé cette molécule), mais la rosiglitazone me semble bien proche du KO.

D’un autre côté, cela fait des années qu’elle flirte avec la ligne rouge…

Il y a des alternatives bien plus sûres, voire bénéfiques. Je ne regretterais donc pas sa disparition.

Pour quelques patients de plus…

Je suis tombé via @cardiobrief sur un article du Journal Sentinel qui s’intéresse à la dronédarone (Multaq®) et à l’étude ATHENA en particulier.

L’article est très critique et tire à boulets rouges sur cette molécule et Sanofi.

Bon, il y en a à prendre et à laisser.

J’ai trouvé deux choses dignes d’intérêt.

La première, la transcription de la réunion d’une commission de la FDA qui a statué sur la demande d’AMM de la dronédarone aux États-Unis le 18 mars 2009.

Bon, il y a 334 pages (j’en ai lues quelques unes) et c’est parfois très technique, d’autant plus que les participants discutent de diapos que l’on ne voit pas. Mais cette réunion a rassemblé des sommités en cardiologie et les quelques échanges que j’ai lus sont instructifs et vifs.

Je rêve d’une telle retranscription pour des réunions semblables en France.

L’article mais aussi la transcription du débat (ça commence à la page 254, mais ça devient torride à la page 257) m’ont fait découvrir un détail assez étonnant sur ATHENA.

Un des critères secondaires positifs  dans la publication du NEJM fut la mortalité cardiovasculaire:

There were 63 deaths from cardiovascular causes (2.7%) in the dronedarone group and 90 (3.9%) in the placebo group (hazard ratio, 0.71; 95% CI, 0.51 to 0.98; P=0.03)

La dronedarone peut ainsi s’attribuer une diminution de 29% de la mortalité cardio-vasculaire.

Mais en fait, au cours d’une analyse intermédiaire faite sur 4300 patients (analyse avouée du bout des lèvres page  258), ce critère secondaire était négatif:

And for cardiovascular death, it is 0.747, with boundaries of 0.54 and 1.04.

Le comité de pilotage de l’étude a décidé de prolonger la durée d’inclusion, ce qui a permis de rajouter 337 patients de plus, et la différence de mortalité cardio-vasculaire est devenue significative.

Strictement rien ne permet de penser que Sanofi était au courant de ces résultats intermédiaires.

Ce qui m’a impressionné dans cette histoire, c’est qu’il faut bien peu de choses pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre du 1 et qu’il faut donc toujours se méfier des intervalles de confiance qui frôlent de trop près cette limite qui fait qu’un traitement est efficace ou non.

En effet, l’article du Journal Sentinel parle de 5 décès dans le groupe placebo et de 1 dans le groupe dronédarone, survenus chez les patients inclus grâce à cette prolongation.

La commission a néanmoins tiqué sur ce point précis et a décidé de ne pas indiquer dans les RCP de la dronédarone qu’elle permettait de diminuer la mortalité cardio-vasculaire:

MULTAQ is an antiarrhythmic drug indicated to reduce the risk of cardiovascular hospitalization in patients with paroxysmal or persistent atrial fibrillation (AFib) or atrial flutter (AFL), with a recent episode of AFib/AFL and associated cardiovascular risk factors (i.e., age >70, hypertension, diabetes, prior cerebrovascular accident, left atrial diameter ≥50 mm or left ventricular ejection fraction [LVEF] <40%), who are in sinus rhythm or who will be cardioverted.

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Hohnloser, Stefan H., Crijns, Harry J.G.M., van Eickels, Martin, Gaudin, Christophe, Page, Richard L., Torp-Pedersen, Christian, Connolly, Stuart J., the ATHENA Investigators, Effect of Dronedarone on Cardiovascular Events in Atrial Fibrillation. N Engl J Med 2009 360: 668-678.

Doctors’ role in drug studies criticized Some recommend drugs, vouch for studies but don’t see raw numbers. By John Fauber of the Journal Sentinel. Posted: May 30, 2010.

FDA Center for Drug Evaluation and Research. Cardiovascular and Renal Drugs Advisory Committee NDA 22-425, dronedarone 400 milligrams oral tablets. Wednesday, March 18, 2009 7:59 a.m.

Lost in Transmission

J’ai trouvé un article assez caustique sur le NEJM de ce jour.

Enfin une causticité feutrée et retenue, à la façon NEJM, qui n’est ni Prescrire, ni le Canard.

Cet article, disponible librement en ligne avant publication, constate dans 3 cas précis que des informations émises par la FDA disparaissent avant d’avoir pu atteindre le public.

Ces informations, contenues dans les dossiers d’AMM, sont synthétisées et condensées pour pouvoir constituer les notices que l’on trouve dans les boites de médicaments.

Le problème, et c’est assez curieux, c’est que ce processus de sélection est confié aux firmes pharmaceutiques, puis après négociation et approbation avec la FDA, la notice est diffusée.

Et là, très curieusement, certaines informations « gênantes » disparaissent au cours de ce processus au nez et à la barbe des experts de la FDA.

Ces informations ne sont pas anodines, puisqu’il s’agit de données de mortalité (dans 1 cas) et d’efficacité (dans les 2 autres cas).

Étonnant, non?


Il faut faire confiance à l’industrie pharmaceutique.

L’industrie pharmaceutique nous veut du bien.

Il faut faire confiance à l’industrie pharmaceutique.

L’industrie pharmaceutique nous veut du bien.

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L.M. Schwartz and S. Woloshin. Lost in Transmission — FDA Drug Information That Never Reaches Clinicians. (10.1056/NEJMp0907708)

Nouveau, oui, mais meilleur?

Le NEJM a publié ce mercredi un petit article général mais qui résume bien la situation sur l’information donnée par la FDA sur l’efficacité des nouvelles molécules par rapport aux anciennes.

En fait, la situation peut être résumée en une phrase: il n’y en a pas, sauf en cas de demande urgente d’AMM pour les maladies graves.

La FDA demande deux choses: qu’une nouvelle molécule soit non nocive, et qu’elle soit plus efficace qu’un placebo.

Cela peut paraître le minimum, mais à mon avis, on en est loin.

« Despite the potential usefulness of labeling information for controlling the unnecessary growth of expenditures, the FDA does not require the inclusion of statements regarding a product’s comparative effectiveness. As a result, drug labels may create confusion, as manufacturers strive to insulate their products from price competition through differentiation that is unrelated to health outcomes. »

Ainsi, les auteurs de l’article proposent d’apposer sur la boite un message indiquant si le nouveau médicament est plus efficace que ses prédécesseurs bien moins chers dans l’immense majorité des cas.

« Marketing aimed at consumers and physicians creates brand-name awareness and facilitates product selection that is not based on outcomes. »

Ils soulignent les difficultés de mise en place de cette idée, mais aussi des bénéfices considérables, en terme de santé et en terme financier qu’une telle mesure pourrait induire.

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L’article est disponible gratuitement, profitez-en!

Randall S. Stafford, M.D., Ph.D., Todd H. Wagner, Ph.D., and Philip W. Lavori, Ph.D. New, but Not Improved? Incorporating Comparative-Effectiveness Information into FDA Labeling.
NEJM. DOI: 10.1056/NEJMp0906490. August 12, 2009