Déprimant, le papier publié le 14 mars dans le Lancet….
Il compare les résultats de trois questionnaires réalisés à plusieurs années de distance sur une population de patients européens de 70 ans et moins, moins de 6 mois après une angioplastie coronaire ou un pontage aorto-coronarien.
Autrement dit, des patients à très haut risque, dont la prise en charge des facteurs de risque est primordiale.
Or, cette dernière est tout sauf optimale, et ce malgré l’augmentation des prescriptions médicamenteuses entre les périodes 1995-1996 (Euroaspire I), 1999-2000 (Euroaspire II) et 2006-2007 (Euroaspire III)
Je tire de cette étude la conclusion suivante:
- Ce n’est pas le médicament qui prime dans la prévention. Cependant, je suis persuadé que l’étude sera présentée comme « vous ne traitez pas assez vos patients », alors que de toute évidence, l’inflation des prescriptions, notamment des anti-hypertenseurs, n’améliore pas la prise en charge des facteurs de risque.
Tous les indicateurs se dégradent (diabète et obésité) ou ne s’améliorent pas (HTA et tabac), sauf l’hypercholestérolémie qui s’améliore.
Autrement dit, on est loin d’être optimal dans la prise en charge des facteurs de risque de nos patients… Il va donc nous falloir faire d’énormes efforts sur l’éducation, et ne pas nous reposer uniquement sur des petites pilules.
Voici quelques graphiques que j’ai faits à l’arraché pour illustrer le propos. Les ordonnées sont en %. Les données sont dans le résumé, ou disponibles sur demande:
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Kotseva K, Wood D, De Backer G, De Bacquer D, Pyörälä K, Keil U, for the EUROASPIRE Study Group. Cardiovascular prevention guidelines in daily practice: a comparison of EUROASPIRE I, II, and III surveys in eight European countries. Lancet 2009; 373: 929–40.
Une étude qualitative a été faite sur la prise en charge de l’IDM en France en CHU. Je ne sais pas si elle est publiée ou pas. Le résultat est fascinant. Plus de 95% des patients avaient une ordonnance de sortie optimale. Ce qui est un bon résultat. Par contre sur le tabac et les régles hygiéno diététiques, c’est mauvais 20 à 30% des patients sortent avec une prescription et des conseils optimaux.
Est ce étonnant?
Non.
Pourquoi? le temps ma bonne dame, le temps, la durée d’hospitalisation en phase aiguë devient de plus en plus courte , cette phase que certains dits cathartiques, le moment où les bonnes résolutions s’ancrent par la peur.
Il faut du temps de médecins formés, d’infirmières, de diététiciennes etc pour expliquer, apprendre aux gens à modifier leur comportement.
Ces temps et ces pratiques sont difficiles à évaluer, nécessité d’enquête qualitative type EuroAspire (qui je le rappelle est largement sponsorisé par l’industrie)qui coutent très chéres.
Nous préférons et nos tutelles préfèrent se concentrer sur des pratiques faciles à évaluer et rentables pour un acteur économique au moins l’industrie pharmaceutique.
Il ne faut pas oublier que le patient y trouve aussi son compte. Il est plus facile de prendre des petites pilules que de changer son comportement en profondeur, que ce soit l’habitus tabagique ou nutritionnel. Les hypercholestérolémiques se reconnaitront.
L’éducation diététique est une étape essentielle, mais peu valorisée, car non porteuse de richesse dans notre imaginaire, mais plutôt vu uniquement sous l’angle de la contrainte.
Il faut repenser en profondeur notre système basé sur le productivisme, mais c’est pas d’actualité.
J’ai remarqué aussi qu’une grande partie de l’industrie avait participé à l’étude…
C’est pour cela que je pense que « la bonne parole » qui va être diffusée risque d’être différente de nos conclusions.
une seule solution le rabachage dans le suivi
Étude tout à fait passionnante, sponsorisée par les labos, ce qui explique que les commentaires soient surtout à la gloire de la prescription des statines…Les tableaux de « Grange Blanche » sont très éclairants. L’exercice physique quotidien, l’arrêt du tabac, le contrôle du poids sont à promouvoir pour tout un chacun, pour éviter la survenue de maladies cardio-vasculaires, et bien sur pour les sujets à risque.J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le livre de Pierre MENETON, « le sel, un tueur caché », un plaidoyer pour une faible utilisation du sel, et un changement des usages de l’industrie agro-alimentaire. Pour ma part, je fais depuis plusieurs années mon pain avec de la farine bio type 80 et peu de sel (7,5 g de NaCl pour un kg de farine).
À propos du cholestérol, et du régime méditerranéen, un détour par le blog du Dr Michel de Lorgeril s’impose.
Que pense mon confrère cardiologue de la destruction du dogme du cholestérol par cet auteur ? J’avoue que je suis convaincu après avoir lu son dernier livre.
J’essaye de promouvoir la prévention avec le réseau des associations d’éducation pour la santé (FRAES à Lyon). Les financements se restreignent chaque année, alors que la T2A a un effet inflationniste sur les actes ded soins, et que l’on continue à dépenser des sommes folles pour des médicaments à l’intérêt discutable (les statines représentent Plus de 800 millions d’euros par an, une somme que l’on pourrait utiliser de façon plus intelligente, comme le montre cette étude un peu désespérante !).
Je ne me suis pas concentré sur les statines, mais le « lower is better » me choque de plus en plus.