Le matin, quand je me lève, je consulte mes messages électroniques, ceux qui m’annoncent de nouveaux commentaires et le sommaire des revues auxquelles je suis abonné.
Ce matin, je suis tombé de haut (en fait pas tout à fait, mais c’est pour la rhétorique).
Dans le NEJM du jour, 3 articles ont retenu mon attention.
D’abord les deux sur le dépistage du cancer de la prostate et leur éditorial, puis une « perspective » sur le désengagement de Pfizer de la recherche sur les pathologies cardiovasculaires.
Le dépistage systématique du cancer de la prostate permet de diagnostiquer bien plus de cancer que l’absence de dépistage (encore heureux), mais in fine, ne permet d’améliorer que peu ou pas la mortalité à 10 ans. L’étude européenne est légèrement plus favorable au dépistage, mais à peine. L’éditorial, lui, est finalement le plus favorable, mais ce n’est qu’un éditorial. On pourra discuter sans fin du verre à moitié vide ou à moitié plein, mais permettre au grand maximum d’éviter quelques décès, malgré un taux élevé de diagnostics de cancers de la prostate est déjà une capitulation en rase campagne pour la stratégie de dépistage systématique. Finalement, je vois cela comme une victoire de l’intelligence sur l’obscurantisme du systématique cher à nos technocrates de la santé (et aux groupes sous influence).
En pratique, cela me touche peu, hormis que je suis porteur depuis la naissance d’une prostate. Tout de même, je suis étonné du nombre étonnant de dosages de PSA que je trouve à la fin des ionogrammes sanguins que m’apportent les patients. Beaucoup de généralistes (je ne fréquente pas/peu les urologues) sont accros aux PSA. Et les gynécos, Thétis, le sont-ils aussi ??
Je recommande très chaudement de lire le « Touche pas à ma prostate » de Dominique Dupagne (déclaration de conflit d’intérêts: je lui dois un déjeuner).
Autre sujet, Pfizer se désengage de la recherche et développement dans le domaine cardio-vasculaire.
Là aussi, ce n’est pas une surprise complète, mais plutôt une piqure de rappel sur la colossale hypocrisie des firmes pharmaceutiques qui veulent nous faire croire à coups de photos de beaux papys souriants et toniques en pull pastel en laine mérinos qu’elles luttent de toutes leurs forces pour le bonheur de l’humanité souffrante. Et bien non.
Autre journal, autre article que je n’ai pas lu entièrement, n’ayant ni les connaissances, ni les outils pour l’interpréter. Mais je pense avoir compris le message général en lisant le résumé. Il s’agit de PLoS One, et d’un article sur l’effet placebo dans le traitement de la dépression sévère. A la fin de l’article, les auteurs concluent que l’effet placebo est très variable en fonction des études et des caractéristiques de la dépression, ce qui in fine peut « rendre » un traitement étudié actif ou non et proposent de comparer un placebo-comprimé à un placebo-appareillage dans une étude pour faire avancer le schmilblick.
Je crois avoir globalement compris que c’était un nième coup de canif dans l’oreiller des anti-dépresseurs (ici, ici et ici pour lire nos discussions préalables, et ici chez Yann).
Oulàà, c’est compliqué la dépression, je suis content de ne pas être psychiatre. Yann ou les autres, vous pourriez un peu me synthétiser l’article, pour que je m’endorme moins bête ce soir ?
Une prévention qui ne prévient rien, des firmes pharmaceutiques qui ne seraient pas humanistes, un placebo à l’effet tellement variable qu’il devient difficile d’analyser des études d’efficacité et qu’on envisage de le tester contre un autre placebo…
Y a-t’il des choses simples en médecine?
Le Père Noël existe quand même, oui?
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Schroder, Fritz H., Hugosson, Jonas, Roobol, Monique J., Tammela, Teuvo L.J., Ciatto, Stefano, Nelen, Vera, Kwiatkowski, Maciej, Lujan, Marcos, Lilja, Hans, Zappa, Marco, Denis, Louis J., Recker, Franz, Berenguer, Antonio, Maattanen, Liisa, Bangma, Chris H., Aus, Gunnar, Villers, Arnauld, Rebillard, Xavier, van der Kwast, Theodorus, Blijenberg, Bert G., Moss, Sue M., de Koning, Harry J., Auvinen, Anssi, the ERSPC Investigators, Screening and Prostate-Cancer Mortality in a Randomized European Study. N Engl J Med 2009;360:1320-8.
Andriole, Gerald L., Grubb, Robert L., III, Buys, Saundra S., Chia, David, Church, Timothy R., Fouad, Mona N., Gelmann, Edward P., Kvale, Paul A., Reding, Douglas J., Weissfeld, Joel L., Yokochi, Lance A., Crawford, E. David, O’Brien, Barbara, Clapp, Jonathan D., Rathmell, Joshua M., Riley, Thomas L., Hayes, Richard B., Kramer, Barnett S., Izmirlian, Grant, Miller, Anthony B., Pinsky, Paul F., Prorok, Philip C., Gohagan, John K., Berg, Christine D., the PLCO Project Team. Mortality Results from a Randomized Prostate-Cancer Screening Trial. N Engl J Med 2009;360:1310-9.
Barry, Michael J. Screening for Prostate Cancer — The Controversy That Refuses to Die. N Engl J Med 2009;360:1351-1354.
Rob Stein. Prostate Cancer Screening May Not Reduce Deaths Studies Cast Doubt on Usefulness of Common Test for Disease. The Washington Post, Thursday, March 19, 2009; Page A02.
Gina Kolata. Prostate Test Found to Save Few Lives. The New York Times, published March 19, 2009.
Garber, Alan M. An Uncertain Future for Cardiovascular Drug Development? N Engl J Med 2009 360: 1169-1171.
Brunoni AR, Lopes M, Kaptchuk TJ, Fregni F (2009) Placebo Response of Non-Pharmacological and Pharmacological Trials in Major Depression: A Systematic Review and Meta-Analysis. PLoS ONE 4(3): e4824. doi:10.1371/journal.pone.0004824