J’ai récemment vu une patiente venue demander un deuxième avis au CHU.
Son cardiologue lui a annoncé qu’il fallait qu’elle se fasse opérer de sa valvulopathie, sans trop lui donner de détails, ni répondre à ses questions. Il lui a pris un rendez-vous d’échographie trans-œsophagienne (ETO) « en pré-opératoire » dans une structure privée.
Comme il lui avait fait le coup il y a 4 ans, et que le deuxième avis, déjà demandé à l’époque au CHU avait récusé l’indication opératoire, elle revient et tombe sur moi.
Elle est au bord des larmes et exige une échographie cardiaque sur-le-champ.
Oulllààà, on est au CHU (le délai d’attente est de 15 jours à 3 semaines), réfléchissons un peu et reprenons ce dossier tranquillement.
Elle est en effet malade du cœur depuis une quinzaine d’années.
On ne peut pas dire qu’il ne la suit pas, puisqu’il la voit tous les trois mois. Tous les trois mois pour une maladie chronique stable, le confrère doit avoir plusieurs pensions alimentaires à payer, ou la Cayenne consomme plus que ce qu’il avait prévu…
Malgré ces (très, trop) nombreuses visites, il n’a pas pris le temps de lui expliquer ce qu’elle avait vraiment. Je suis stupéfait de me rendre compte qu’elle ne sait strictement rien de sa maladie et de son histoire naturelle. Quand je dis rien, c’est vraiment rien. Pourtant, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne se prive pas de poser des questions, et qu’elle est parfaitement capable de comprendre les réponses. A croire qu’il l’a laissée dans l’ignorance pour mieux la contrôler. A ce point, ce n’est ni de la négligence, ni du mépris, ne de la flemme, c’est un calcul froid.
Je lui demande à voir l’échographie cardiaque qui a déclenché la nouvelle poussée de il-faut-vous-tailler-tout-de-suite-à-l’instant-pas-de-question-au-suivant. Pas un chiffre, pas une donnée, pas une mesure, rien.
Dans ces cas là, il n’y a que deux options. Pas trois, deux.
Soit le cardio est très très fort, un véritable maître en échographie qui ne se trompe jamais, un équivalent de Yoda pour la Force (j’en connais un), soit une brêle lamentable en échographie (j’en connais quelques-uns).
Je penche plutôt vers le deuxième groupe.
Tous les autres (dont je fais partie), qui vont des moyens mauvais aux moyens bons font des mesures. Pour vous donner une idée de ce qu’est une brêle en échographie j’avais connu un attaché en 1998 qui concluait ses comptes-rendus par un énigmatique mais définitif « Patient peu échogène ce jour, à refaire demain« . Comme si la couverture nuageuse pouvait gêner la réalisation d’une échographie….
Autre signe évocateur: le fait qu’il demande une ETO pour confirmer l’indication opératoire sur une mitrale. Dans le cas de cette dame, l’ETO est de toute évidence totalement superflue, mais c’est un moyen d’avoir un deuxième avis sans perdre la face. Ce qui montre d’ailleurs qu’il est parfaitement conscient de ses qualités d’échographiste. Sur une sténose aortique, il aurait demandé un cathétérisme de contrôle.
Pourquoi continue t’il donc à faire des échographies cardiaques?
Une échographie cardiaque trans thoracique, c’est DZQM006=95.66€, une consultation c’est CS+MPC+MCS+DEQP003=41.52€, CQFD.
J’ai donc pris le temps d’expliquer à la patiente ce qu’elle avait (ce qui est le minimum), je lui ai pris rendez-vous avec le Maître Yoda de l’échographie (plus d’un mois de délai) et lui ai donné les coordonnées d’un excellent et adorable cardiologue libéral qui consulte à une encablure de chez elle. Je l’ai appelé devant elle pour lui expliquer la situation.
J’ai aussi précisé à la patiente deux choses fondamentales.
La première est qu’elle est libre de changer de cardiologue pour aller voir qui elle veut (celui que je lui ai indiqué, ou un autre). Je lui ai bien précisé que mon coup de fil ne l’engageait à rien.
La seconde est que je ne lui ai jamais conseillé de changer de cardiologue.
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