Un patient m’a déprimé récemment.
La cinquantaine, je le connais depuis des années, et comme pour certains de mes patients, nous sommes passés ensemble par des phases difficiles.
Je l’aime beaucoup.
Un épisode aigu il y a 4 ans, chirurgie cardiaque, stent (sans rapport avec l’épisode aigu), re-chirurgie cardiaque et depuis, il végète.
Pendant 2 ans, nous nous sommes battus pour que son affection soit reconnue comme étant imputable à son travail, échec, et pour obtenir une mise en invalidité, succès.
Il a même une excellente pension. Son épouse est invalide, elle aussi.
Depuis son accident, et ses deux CEC, il a perdu tout élan vital, toute confiance en lui. Il n’ose plus rien commencer de peur de ne pas pouvoir le finir.
Il pourrait voyager. Même pas, car ils ont peur que quelque chose leur arrive hors de France.
Depuis 1 an, il a le kiki qui ne monte plus, même quand il en a envie.
Bref, la loose totale.
Il a un antidépresseur, mais les résultats ne sont pas probants.
D’un point de vue cardiovasculaire, je le sens précaire. Il s’est flingué une partie de rein à la suite d’une occlusion artérielle, et il a toujours dans la carcasse une aorte qui ne demande qu’à faire parler d’elle. Et je lui trouve 160/90 de tension. Il me dit que c’est parce que je suis « chat noir » et que chez son généraliste il a 120/80. Je ne demande qu’à le croire. Son LDL n’est pas optimal: « J’ai fait la fête la veille« , et ses gamma GT sont à 270 « J’avais un copain, un marin, qui ne buvait pas une goutte et qui les avaient au plafond« . Ben voyons, un marin, en plus.
Je modifie un peu ses traitements pour que le kiki remonte, et je lui donne un régime hyposodé (j’en ai récupéré un assez récemment sous forme de tableau, et je commence à le donner systématiquement chez les hypertendus).
En me quittant, il m’a achevé.
« Je vais faire un dernier barbecue avec les copains ce week-end, après je serai sage!« .
Je n’ai rien dit.
Je n’ai jamais été adepte du coup de revolver dans un cancer.