Jusqu’à ce que l’eczema vous sépare…

Je suis tombé sur un petit article sympa de fin d’année dans la section santé du WSJ.

L’auteur s’intéresse aux réactions cutanées provoquées par les bagues, notamment les alliances.

La cause principale reste l’allergie au nickel qui est assez souvent incorporé aux alliages de métaux, même précieux, notamment pour les faibles puretés (moins de 14 ct). On s’en sert pour blanchir l’or et ainsi obtenir de l’or gris qui a été créé dans les années 20-30 pour se substituer au platine, bien trop cher pour être démocratisé.

Je crois toutefois que ces alliages de nickel ont été interdits en France pour une utilisation en joaillerie.

L’allergie au nickel est extrêmement fréquente puisqu’elle touche aux EU 24% à 36% des femmes et 7% à 15% des hommes (qui ont probablement moins l’habitude de porter des babioles plus ou moins décoratives).

L’autre cause est l’irritation due à la macération, ou à la persistance de savon entre la peau et la face interne de l’alliance.

Ce n’est pas une vue de l’esprit. J’ai le souvenir d’une odeur particulièrement rance s’échappant de l’alliance d’une dame âgée qui avait un gros bras gauche et à qui on m’avait demandé de faire un doppler. L’alliance était totalement incrustée dans l’œdème. Outre que ce n’est pas hygiénique, c’est particulièrement dangereux du fait du risque d’ischémie de l’annulaire par compression artérielle et veineuse.

L’article propose de se sécher scrupuleusement les mains après chaque lavage, et d’appliquer régulièrement une crème protectrice. J’ajouterais qu’il faut prévoir à l’achat une bague d’un diamètre un petit peu plus large que son doigt, car en général, l’être humain ne va pas en s’affinant en prenant de l’âge.

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L’article du WSJ ne mentionne pas d’étiologie psychologique, dans le cas ou l’on ne supporte plus du tout son conjoint.

Est-ce que ça existe?

J’en profite aussi pour vous rappeler que le port de bagues/d’alliances nécessite d’autant plus de prudence que l’on a tendance à les oublier.

Ainsi, cette page de la Commission de Sécurité des Consommateurs fait opportunément le point sur les risques liés au port des bagues et des alliances.

Ce risque n’est pas que théorique.

Si vous avez le cœur très (j’insiste+++) bien accroché , je vous suggère de lire cet article de « The Internet Journal of Orthopedic Surgery » et cette photo particulièrement impressionnante.


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Till Dermatitis Do Us Part. By Melinda Beck. The Wall Street Journal. Health Journal. December 15, 2009

Something is rotten in the state of Denmark (2).

Mouhahahahahhahahaha, je viens de me rendre compte que la « Fédération des Spécialités Médicales » (FSM) dont le site web porte toujours une fausse certification HON (le début de l’histoire ici et ici), dénoncée par HON elle-même comme étant frauduleuse a une longue histoire de partenariat privilégié avec la HAS.

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Le faux certificat visible en bas et à gauche de la page d’accueil (copie d’écran faite le 28/12/09) du site de la FSM.


PhotobucketLe lien « En savoir plus » dirige vers une page d’informations du site de HON au sommet de laquelle la Fondation a pris le soin d’insérer un message d’avertissement dénonçant le caractère frauduleux du certificat.


Or, je vous rappelle que justement, HON a été mandatée par la HAS pour certifier les sites internet de santé en France.

La HAS et la FSM marchent pourtant fièrement main dans la main pour améliorer les pratiques professionnelles, comme l’atteste cette copie d’écran d’une page du site de la HAS qui se félicite chaleureusement d’un tel partenariat:

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C’est certain que copier/coller une fausse certification sur son site internet de santé permet considérablement de « Simplifier la politique d’amélioration (FMC, EPP, Accréditation), le rôle des Collèges professionnels » comme l’annonçait l’alléchant programme de cette table ronde qui a eu lieu en 2008.

Mais quid de la « responsabilisation des professionnels de santé« ? La FSM nous montre-elle ainsi la voie à suivre?

La Novlangue de la certification utilisée par la HAS et reprise sans retenue sur le site de la FSM prend évidemment un sens tout à fait délicieux dans ce contexte surréaliste.

Par exemple la première des missions auxquelles s’est assignée la FSM:

« développer les relations transversales entre les différentes spécialités afin d’harmoniser la réflexion et les actions sur des sujets communs, en particulier l’Evaluation des Pratiques Professionnelles et l’Accréditation,« 

Pour les Évaluations des Pratiques Professionnelles, je ne sais pas où on en est avec la transversalité, mais pour l’accréditation (avec un A majuscule, s’il vous plait, comme les pronoms du Créateur), je dirais qu’on n’est pas vraiment dans les clous.

Mais peut-être excluaient-ils de cette mission l’accréditation des sites internet de santé pourtant tant vantée par la HAS?

L’éditorial du Président de la FSM annonce par ailleurs la hauteur des ambitions de leur nouveau site:

« Un acteur clé pour une médecine qualitative. Ce nouveau site internet de la FSM confirme son renouveau et sera sa vitrine.« 

(…)

« Emanation des structures fédératives, la FSM se veut transversale et subsidiaire. Sa transversalité permet de mener une réflexion constructive sur des thèmes communs, notamment la méthodologie et l’évaluation. »

(…)

« C’est pour cette raison que la FSM est en cours de reconnaissance d’Utilité Publique, pour améliorer encore sa lisibilité. Ce nouveau site internet s’intègre dans cette dynamique au service des professionnels et se tourne vers les autres intervenants du monde de la santé, en France, en Europe et dans le Monde. Nous comptons absolument sur vous et vos structures pour l’alimenter, le faire connaître et le développer comme vitrine du savoir et de la connaissance au service de la qualité. »


Superbe vitrine au service de la qualité, en effet ; le certificat est magnifiquement bien imité, on s’y tromperait.

Pas certain que les gens qui sont en charge de l’accréditation des sites internet de santé à la HAS, ou ceux qui travaillent à la Fondation HON rient autant que moi à la lecture de ces lignes fleuries par un langage si délicieusement médico-technocratique.

La HAS a pourtant largement mis en avant ses liens privilégiés avec la FSM, notamment dans ce diaporama, au cours de ses dernières rencontres qui ont eu lieu les 10 et 11 décembre 2009.

J’en retiens notamment cette phrase du Président de la HAS: « Dans le domaine de la qualité, pour faire en sorte qu’elle soit au cœur d’une action concertée, la HAS joue un rôle clef pour la mobilisation et la coordination des acteurs ».

Ben, pour le coup, on ne peut pas réellement parler de coordination entre HON et la FSM.

Mouhahahahahhahahaha.

Je ris quand même jaune car, ce qui est terrible dans cette farce, c’est que les acteurs sont tous honnêtes et sincères quand ils disent œuvrer pour le bien de la santé de nos concitoyens.

(L’efficacité réelle des mesures prises est un autre débat dans lequel je ne rentrerai pas.)

J’ai envisagé un instant une fraude à la petite semaine, digne des Pieds-Nickelés, mais je penche maintenant franchement pour l’incompétence d’un lampiste de la société qui a créé le site de la FSM.

Mais comme je l’ai déjà dit, cette lamentable histoire est préjudiciable à tous:


  • Pour HON que j’aime beaucoup, mais qui se retrouve à devoir faire la grosse voix (faute de mieux?) pour faire respecter une accréditation prometteuse, mais qui n’a pour l’instant trouvé sa place que dans les congrès Santé 2.0. Je l’ai déjà dit, mais la persistance du logo sur le site de la FSM est un échec en soi, car ce n’est pas le texte d’avertissement (qui n’apparait pas sur iPhone soit dit en passant) qui change quoi que ce soit à la perte de crédibilité externe engendré par une telle situation.


  • Pour la HAS par répercussion, et aussi car la FSM et HON sont quand même censées être dans son camp.


  • Pour la FSM en premier lieu, bien entendu, qui voit toutes ses belles intentions ridiculisées et décrédibilisées par la présence de cette fausse certification sur leur « vitrine du savoir et de la connaissance au service de la qualité« .

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Modifications du 28/12/09: Quelques ajouts, liens et modification stylistiques mineures.

Entrepreneuriat santé 2.0

Ouaiis, bonjour, on est des jeunes diplômés d’une école de commerce, et on voudrait se lancer dans un truc internet qui intéresse les gens et génère du trafic et du cash-flow.

Les slides que tu vas voir formalisent notre business plan et sont destinées à des capital-risqueurs qui en ont (des dollars).

On a étudié plusieurs business models, l’éthique 2.0, le durable 2.0, le micro-crédit 2.0, l’éco-business 2.0, l’éco-sexe 2.0, et on s’est finalement décidé pour une thématique en plein Zeitgeist, la santé 2.0.

Le process est so easy…

Tu utilises une plateforme de blog qui coûte peanuts, et tu trouves un nom débile et/ou qui comporte le terme santé dedans. Tous ces noms de sites en santé-quelque chose, ça fait un peu restos chinois, mais c’est pas grave, ça n’empêche pas qu’on vende chaque année de plus en plus de nems et de soupes à la citronnelle.

Dans le « à propos », tu ne dis surtout pas que tu as fait ça pour des dollars, mais pour le bien de la santé de l’humanité. Si tu as beaucoup de culot, tu dis que tu fais ça bénévolement (mouhahahahaha).

Puis tu fais une revue de presse quotidienne en paraphrasant bien tout ce qu’y z’ont dit, les journalistes qui savent, parce que, vu que tu y understand nothing, il faudrait pas à faire des contre sens.

Laisse de côté les trucs trop compliqués, concentre-toi sur les trucs de nénettes, les ragnagnas, la beauté, un peu de sexo, le bien-être, les anti-oxydants, quelques sujets sur les gosses et le mal de dos…

Un peu de grippe A, c’est vendeur en ce moment.

T’inquiéte pas pour les commentaires, y en a jamais. Quand tu seras un peu plus self-confident, lance toi dans le commentaire d’articles scientifiques décryptés dans Santé Magazine. Ne cite pas Santé Magazine, dummy, mais directement la référence, ça fait top classe.

Ensuite tu dis que tu es le blog santé 2.0 le plus visité en France et en Francophonie (c’est un gros pays en Afrique), vu qu’il n’y a pas de chiffres, personne peut te contester le leaderat. Éventuellement, tu graisses un peu la patte à Google pour qu’il te fasse passer devant.

Tu crées un account sur Tweeter et Facebook pour raconter ce que tu fais en backstage et faire de la corporate communication. Ça sert à rien, mais ceux qui n’en n’ont pas sont des blaireaux 2.0.

Tu proposes à d’autres sites des échanges de liens, surtout si ils sont plus importants. Et tu insistes bien sur le fait que ça va augmenter leur trafic (plus c’est gros, plus ça marche, les cons 2.0…).

Tu colles des pubs contextuelles un peu partout, mais pas de bandeaux, ça fait trop commercial, limite tasteless. Les liens, c’est plus mieux bien. Tu cibles les assurances santé, les produits de beauté/santé-nature. Au mieux, au tout début, tu ne mets pas de pub et tu dis que tu es indépendant et impertinent (juste ce qu’il faut), que ton point de vue sur la santé 2.0 est unique et que tu n’as pas de conflits d’intérêts. Tout ça, petit, c’est ce qui est bankable ++ dans les blogs.

Plus tu seras indépendant 2.0, et plus tu seras bankable, c’est une loi physique.

Essaye d’obtenir un certificat HON, il paraît que ça fait mieux, et surtout que ça augmente la bankabilité. Si tu n’y arrives pas (par exemple, si tu ne trouves pas leur mail), « clic droit-enregistrer l’image sous » sur un logo sur un autre site, et hop, tu es certifié poulet label rouge. Personne y sait ce que c’est et encore moins y verront la différence.

Tu proposes ensuite à des agences de communication de publier leurs communiqués de presse. Vu que tu as dit que tu es le premier, ça ne peut que les intéresser, et elles vont cracher le cash.


Tu vois, Charles-Yves, la santé 2.0, c’est finger in the nose…

On se fait une bouffe et on en talk?


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« Les personnages et les sites internet de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des URL existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »

L’auteur tient à remercier très chaleureusement la Supergélule qui lui a donné l’idée de cette note au cours d’un échange impromptu de tweets.

Adaptabilité (2)

Dans cette note, je me demandais comment on soignait le « pouls lent permanent » avant que les stimulateurs cardiaques existent.

De passage dans la maison maternelle pour les fêtes, j’ai déniché dans la bibliothèque familiale un « Traité de thérapeutique clinique » de Paul Savy,  Masson et Cie Éditeurs, millésime 1940 pour remonter à l’époque du « avant ».

« Aspect clinique de la bradycardie ventriculaire. Il est habituellement très caractéristique. Le pouls est en général très lent, car le centre spécial propre au ventricule et qui commande son automatisme en cas de block total engendre un rythme qui oscille autour de 30 pulsations par minute et qui est permanent.

(…)

Des symptômes nerveux graves peuvent apparaitre qui résultent d’une irrigation cérébrale insuffisante lorsque se produit le stoppage ventriculaire, c’est-à-dire lorsque la lésion atteint la partie inférieure du faisceau de His au dessous du centre d’automatie du ventricule, coupant ainsi les communications entre ce centre et la cavité qu’il commande. Si l’arrêt est inférieur à dix secondes, le malade peut être simplement obnubilé; au delà, il perd connaissance; et, si le ventricule reste plus de trente à soixante secondes sans battre, surviennent des accès de convulsions. Rien de plus impressionnant que ces crises nerveuses du Stokes-Adams: brusquement, le sujet perd connaissance; il devient d’une pâleur extrême; le médecin qui palpe le pouls surprend son arrêt prolongé, attendant, dans l’anxiété, la reprise des pulsations. Subitement cesse le paroxysme; le sang, accumulé dans les ventricules par les contractions auriculaires, est lancé à nouveau dans le système artériel, et la rougeur soudaine du visage traduit le phénomène. La mort d’ailleurs peut survenir.

(…)

Traitement des crises syncopales du pouls lent. C’est la thérapeutique de la syncope: tête basse, flagellation, inhalation de vinaigre, d’éther ou même de nitrite d’amyle.

On pourrait, au besoin, pratiquer une injection d’éther, de caféine ou d’atropine, mais la courte durée de l’accident ne le permet guère en général, le malade revenant à lui avant qu’aient pu être réalisées des dispositions thérapeutiques autres que les pratiques banales et courantes que l’entourage met automatiquement en jeu, pendant les quelques secondes que dure la perte de connaissance.

La syncope peut être mortelle: on épie anxieusement le retour des pulsations radiales, la coloration du visage, la reprise brutale de la respiration, mais le temps s’écoule et l’état de mort apparente persiste. Alors tout doit être mis en jeu, bien que tout espoir soit souvent perdu: on injecte un demi milligramme d’adrénaline sous la peau, ou même un milligramme, et la rinçure de la seringue peut être introduite dans les veines. »

La description de la scène, au delà de la simple clinique est particulièrement frappante.

J’imagine parfaitement le médecin au chevet d’un patient d’âge moyen (la syphilis était à l’époque une grande pourvoyeuse de blocs auriculo-ventriculaires précoces) dans une chambre surchauffée et sombre, sentant le camphre et le moisi, dans un appartement de la Presqu’île. La famille terrifiée et éplorée se répartit dans les pièces selon le gradient des lien de chacun avec l’agonisant. Dans le salon, un groupe fait le partage à voix basse en fumant nerveusement. Tous veillent toutefois à ne pas faire craquer le parquet en marqueterie de chêne. Dans tout l’appartement, seul un sanglot isolé s’élève des communs. C’est Claudine, la bonne. Un grand crucifix d’ivoire partage les murs de la chambre avec quelques photos piquées. Sur une vaste commode un Imari ébréché laisse la préséance à un bouquet de mariée, décati malgré son dôme de verre. Par symétrie, de l’autre côté de la pièce, la seconde commode de la paire porte une pendulette Napoléon III aux colonnettes torsadées noires et or. Elle aussi est sous un dôme de verre qui pourtant n’a jamais arrêté le passage du temps. Son lourd tic tac entre en compétition avec les syncopes incessantes, autant de fausses délivrances, pour scander la stupeur d’un malade qui n’en finit pas de mourir.

Les quelques pages sur l’infarctus du myocarde et l’endocardite infectieuse aiguë sont, elles aussi, assez terribles de résignation savante.

« L’horreur ! L’horreur !« 

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