J’ai retenu un texte dans le numéro de décembre de la Revue Prescrire que je viens de recevoir.
Ce texte fait partie du « Forum », c’est à dire du courrier des lecteurs et porte la signature du Dr Jean-Luc Ansieux, Médecin généraliste en Belgique.
L’auteur se demande si ceux qui ont choisi d’avaler la pilule rouge, c’est à dire ceux qui ont décidé de s’extraire du monde merveilleux créé par les firmes pharmaceutiques n’ont pas eux-même des conflits d’intérêts quand ils analysent l’efficacité d’un médicament. Si leur analyse n’est pas brouillée, orientée par leur « idéologie ». Ce dernier mot est peut-être un peu fort, mais il ne l’est pas pour certains.
L’idée est très iconoclaste pour ceux qui ont choisi la pilule rouge, notamment les lecteurs de la revue Prescrire et évidemment totalement délirante pour les autres.
Et c’est pour cela que j’ai beaucoup aimé cette « pierre dans le jardin de Prescrire« , comme le dit joliment l’auteur. Pour cela et aussi car je me pose souvent la même question que lui.
On va reprendre depuis le début.
Depuis le berceau du bébé médecin, les firmes l’entourent d’informations rassurantes et de petits cadeaux à tel point qu’elles font parties du décor de sa formation professionnelle, et que cela ne choque absolument personne.
Pourtant, qui serait assez fou ou naïf pour acheter une voiture en se fiant uniquement aux publicités dans les médias ou aux conseils du concessionnaire?
Pourtant, c’est ce que font des tas de médecins tous les jours. Ils prescrivent car ils ont reçu une information de tel ou tel laboratoire pharmaceutique, et ils ne la remettent pas en doute un seul instant. Ils la prennent pour argent comptant et ne vont pas chercher au-delà.
Ce n’est pas qu’ils manquent d’intelligence, c’est tout simplement que depuis le berceau, ils entendent la petite musique rassurante des firmes. Certains feignent le cynisme et profitent du système, mais en fait ils ne sont pas moins influencés que les autres. D’autres profitent du système, point.
Puis un jour, certains, à cause d’un évènement précis, ou comme cela, se retrouvent devant le choix de la petite pilule.
Ils découvrent alors avec horreur ce que Jean-Luc Ansiaux résume très bien, que la firme qui les informait et les dorlotait « cache les informations, invente des maladies nouvelles et lucratives, pousse à restreindre les limites de la normalité, manipule les médecins et les associations de patients…« .
Vous trouverez quelques exemples dans la catégorie « Optimiser les ventes« .
Et là, bien entendu, le réveil est brutal. D’autant plus que les scandales sont nombreux, tangibles, et qu’il en sort constamment. De façon très humaine, on devient « noniste », « pas-d’accordiste », et on ne croit plus en rien. Certains arrivent même au point où il « faut » que les autres ne croient plus non plus, et ils se mettent à jeter des anathèmes.
L' »éveil » qui induit l’obscurantisme, il n’y a rien de pire.
J’essaye donc de lutter contre mon naturel qui me pousse à être un « pas-d’accordiste », un « c’était-mieux-avantiste » lorsque je dois analyser le pour et le contre d’une nouvelle molécule, ou même plus simplement d’une prescription de tous les jours.
Idéalement, il me faudrait lire pour chaque molécule le/les articles princeps, l’éditorial si il y en a un, les commentaires faits par des gens intelligents non englués dans des conflits d’intérêts, l’article de Prescrire, et enfin faire la synthèse de tout cela sans a priori, ni biais.
Bref, « idéalement », le patient est déjà sorti depuis 48 heures du cabinet quand on pose la pointe de son stylo sur l’ordonnance.
Pas facile à faire, en pratique…
Mais le faire, même partiellement vaudra toujours mieux que d’écouter le chant des firmes pharmaceutiques.
Revenons à l’article de Prescrire.
On peut être d’accord ou non avec l’idée qu’il véhicule, dans tous les cas il fait réfléchir. Je pense que les réactions qu’il va susciter seront passionnées.
Presque plus important, trouver ce texte dans Prescrire est un signe de bonne santé de la Revue qui reste ouverte et suscite la réflexion plutôt qu’elle ne l’impose.
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Ansiaux JL. Conflits d’intérêts, oui mais lesquels ? Rev Prescrire 2009 ; 29 (314) : 952.
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