J’ai reçu ce message électronique hier:
Bonjour,
Je suis journaliste au magazine *****, où je m’occupe des questions de santé. Je me permets de vous contacter dans le cadre d’un dossier que je prépare sur les médecins : qui sont-ils? comment travaillent-ils? combien gagnent-ils? quelles sont leurs difficultés?… J’essaye de dresser un panorama assez large des médecins : le généraliste, le PH, le pédiatre, le remplaçant, le médecin scolaire, le chirurgien esthétique, le radiologue, le psychiatre, l’urgentiste…. J’aimerais discuter avec vous de la condition de cardiologue, savoir comment vous vivez personnellement votre métier, quel type d’exercice vous avez choisi, pour quelles raisons, si vous vous considérez comme un « nanti » ou si cette image qui colle à la peau des médecins est erronée…
Je vous remercie de me contacter au ******** si vous voulez bien m’en dire plus. Je pourrais moi aussi à cette occasion vous exposer plus en détails mon projet.
D’avance merci pour votre aide.
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Bon, j’ai poliment décliné en arguant que le fait de savoir ce que les gens pouvaient croire/savoir sur nous m’indifférait totalement.
En réfléchissant un peu plus, je me suis aussi fait la remarque que le terme de « nanti » pouvait peut-être donner des indications subtiles sur la façon dont serait traité ce sujet.
Je crois beaucoup en l’inconscient.
Mais enfin, ça aurait été le Figaro ou le Canard, j’aurais refusé aussi.
A midi, je déjeunais avec des confrères, dont un médecin généraliste qui m’a raconté une anecdote.
Hier, en début de consultations, il s’est rendu compte que les toilettes du cabinet (ouarff) étaient bouchées, avec les odeurs dans la salle d’attente qui vont avec. Il a appelé un plombier qui a donné un coup de tringle et a demandé entre 300 et 350€ (je ne me souviens plus exactement) pour son intervention.
Et on n’est pas à Paris, einh. Et la tringle n’était pas en or, non plus.
Quel médecin conventionné peut demander 300-350€ pour une visite à domicile ?
J’ai repensé au message en écoutant cette histoire.
Je cherche à faire pleurer personne, d’autant plus que la question d’être un « nanti » ou non me semble totalement inepte car elle introduit une notion morale qui répond déjà à la question posée.
Bien sûr que je suis un « nanti », en tout cas pour tous ceux qui verraient pas plus loin que les chiffres bruts de mes revenus.
Bien sûr que je gagne plus qu’un journaliste de la presse écrite ne travaillant pas au journal Le Monde, bien sûr que je gagne plus qu’un ouvrier ou que mon beau-frère qui est cheminot.
Je gagne bien ma vie, et irritation ultime pour les anesthésiés par le politiquement correct ou les populistes, je n’en éprouve pas la moindre honte.
Comment avoir honte quand un type qui débouche un chiotte gagne pour une intervention, certes respectable et salutaire la même chose qu’un médecin généraliste au cours de 13 à 16 consultations ?
Bon, moi, étant spécialiste, je suis un super « nanti », puisque mon CS+MPC+MCS+DEQP003 (une consultation+ECG 12 dérivations) représente le très considérable 1/7ème-1/8ème de l’intervention du plombier.
Et je vous épargne la comparaison avec Thierry Henry.
Mais c’est certain, je rends bien moins service à la communauté que lui.
Bon, je fais du populisme de droite, qui ne vole pas beaucoup plus haut que celui de gauche ou de tout autre bord d’ailleurs (il y a un populisme du centre??).
Pour ceux qui veulent savoir combien un médecin gagne en fonction de sa spécialité et de son secteur, c’est ici, page 95 (chiffres CARMF 2007).
Autres données intéressantes, mais curieusement beaucoup moins citées, juste la page d’après, la nature des affections des médecins entraînant le versement d’indemnités: regardez le pourcentage des « troubles mentaux et du comportement ».
Le populisme, c’est l’intelligence mis à la portée des caniches.
(merde, si j’ose dire, je viens de me rendre compte, que j’ai écrit exactement le genre de note que je ne voulais pas écrire. Parfois l’action précède la réflexion, le bruit et la cacophonie prennent le pas sur le silence du mépris)