Ouaiis, bonjour, on est des jeunes diplômés d’une école de commerce, et on voudrait se lancer dans un truc internet qui intéresse les gens et génère du trafic et du cash-flow.
Les slides que tu vas voir formalisent notre business plan et sont destinées à des capital-risqueurs qui en ont (des dollars).
On a étudié plusieurs business models, l’éthique 2.0, le durable 2.0, le micro-crédit 2.0, l’éco-business 2.0, l’éco-sexe 2.0, et on s’est finalement décidé pour une thématique en plein Zeitgeist, la santé 2.0.
Le process est so easy…
Tu utilises une plateforme de blog qui coûte peanuts, et tu trouves un nom débile et/ou qui comporte le terme santé dedans. Tous ces noms de sites en santé-quelque chose, ça fait un peu restos chinois, mais c’est pas grave, ça n’empêche pas qu’on vende chaque année de plus en plus de nems et de soupes à la citronnelle.
Dans le « à propos », tu ne dis surtout pas que tu as fait ça pour des dollars, mais pour le bien de la santé de l’humanité. Si tu as beaucoup de culot, tu dis que tu fais ça bénévolement (mouhahahahaha).
Puis tu fais une revue de presse quotidienne en paraphrasant bien tout ce qu’y z’ont dit, les journalistes qui savent, parce que, vu que tu y understand nothing, il faudrait pas à faire des contre sens.
Laisse de côté les trucs trop compliqués, concentre-toi sur les trucs de nénettes, les ragnagnas, la beauté, un peu de sexo, le bien-être, les anti-oxydants, quelques sujets sur les gosses et le mal de dos…
Un peu de grippe A, c’est vendeur en ce moment.
T’inquiéte pas pour les commentaires, y en a jamais. Quand tu seras un peu plus self-confident, lance toi dans le commentaire d’articles scientifiques décryptés dans Santé Magazine. Ne cite pas Santé Magazine, dummy, mais directement la référence, ça fait top classe.
Ensuite tu dis que tu es le blog santé 2.0 le plus visité en France et en Francophonie (c’est un gros pays en Afrique), vu qu’il n’y a pas de chiffres, personne peut te contester le leaderat. Éventuellement, tu graisses un peu la patte à Google pour qu’il te fasse passer devant.
Tu crées un account sur Tweeter et Facebook pour raconter ce que tu fais en backstage et faire de la corporate communication. Ça sert à rien, mais ceux qui n’en n’ont pas sont des blaireaux 2.0.
Tu proposes à d’autres sites des échanges de liens, surtout si ils sont plus importants. Et tu insistes bien sur le fait que ça va augmenter leur trafic (plus c’est gros, plus ça marche, les cons 2.0…).
Tu colles des pubs contextuelles un peu partout, mais pas de bandeaux, ça fait trop commercial, limite tasteless. Les liens, c’est plus mieux bien. Tu cibles les assurances santé, les produits de beauté/santé-nature. Au mieux, au tout début, tu ne mets pas de pub et tu dis que tu es indépendant et impertinent (juste ce qu’il faut), que ton point de vue sur la santé 2.0 est unique et que tu n’as pas de conflits d’intérêts. Tout ça, petit, c’est ce qui est bankable ++ dans les blogs.
Plus tu seras indépendant 2.0, et plus tu seras bankable, c’est une loi physique.
Essaye d’obtenir un certificat HON, il paraît que ça fait mieux, et surtout que ça augmente la bankabilité. Si tu n’y arrives pas (par exemple, si tu ne trouves pas leur mail), « clic droit-enregistrer l’image sous » sur un logo sur un autre site, et hop, tu es certifié poulet label rouge. Personne y sait ce que c’est et encore moins y verront la différence.
Tu proposes ensuite à des agences de communication de publier leurs communiqués de presse. Vu que tu as dit que tu es le premier, ça ne peut que les intéresser, et elles vont cracher le cash.
Tu vois, Charles-Yves, la santé 2.0, c’est finger in the nose…
On se fait une bouffe et on en talk?
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« Les personnages et les sites internet de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des URL existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
L’auteur tient à remercier très chaleureusement la Supergélule qui lui a donné l’idée de cette note au cours d’un échange impromptu de tweets.