La gestion des patients âgés.
Dans le JAMA de cette semaine, je suis tombé sur un article de synthèse qui part d’un cas clinique précis, exercice difficile dans lequel ce journal est presque aussi bon que les somptueux « Case Records of the Massachusetts General Hospital » du NEJM (c’est dire).
Ici, que du très trivial en apparence: un patient âgé de 83 ans qui a des problèmes de motricité qui le font chuter, et qui doit s’occuper de sa femme de 20 ans de moins mais qui a une maladie d’Alzheimer (échec!).
Le médecin du patient (un gériatre) et l’auteur de l’article font la revue de ses problèmes et recherchent des solutions adaptées à son espérance de vie, ses souhaits et qui sont validées scientifiquement.
Et c’est là que le bât blesse:
« Insufficient Evidence. The evidence base guiding the management of many conditions affecting older persons is insufficient, especially for those aged 80 years or older. Older individuals and those with comorbidities are often excluded from clinical trials, and some conditions are difficult to study or have not received priority for research. Consequently, treatment recommendations often must extrapolate beyond the evidence base. »
Par exemple, dans SENIORS qui s’intéressait spécifiquement à l’insuffisance cardiaque du sujet âgé, l’âge moyen n’était « que » de 76 ans. Et que dire de l’exemple récent de RE-COVER dont les patients ont un âge médian de 55 ans, alors que la thrombose veineuse est particulièrement une maladie du sujet âgé ?
Puis ensuite la discussion devient passionnante sur les solutions à apporter en fonction de l’espérance de vie du patient et de ce que dernier désire faire.
J’ai retenu notamment cette série de recommandations américaines qui permettent d’estimer le risque de chute à domicile et de le prévenir dans des proportions tout à fait considérables.
(Je crois qu’un de vous est gériatre -PH gériatrie?-. Il existe des textes similaires en France?)
L’article propose aussi des outils plus anecdotiques qu’utiles, en tout cas pour nous, européens:
- L’espérance de survie en fonction de l’âge et du sexe.
- Les recommandations américaines interactives sur les actions de dépistage.
En lisant ce papier, j’ai pensé très très fort à mon (« notre« ) vieux pharmacien. Je suis allé le voir en fin de matinée avec le « Canard » du jour (à 90 ans, il n’en avait jamais ouvert un!).
Il est entre les mains d’une très bonne équipe et de quelqu’un d’humain, d’attentif et de compétent.
Je suis content qu’il ait finalement consenti à la dialyse.
Pas pour moi, pas pour la science, mais pour lui.
Tant-pis si ce n’est que pour quelques semaines, quelques mois.
J’ai toujours respecté le désir de mourir de mes patients, et je ne regrette aucune des morphines que j’ai poussées, ni des défibrillateurs que je n’ai pas fait mettre car chacun mérite de mourir humainement.
Son cas, comme tous, est particulier.
A 90 ans, il a toujours soif de vivre, mais il se refusait à une thérapeutique lourde et astreignante.
Il a résisté à la dialyse et est allé plus loin que je n’aurais imaginé, avec un courage et un entêtement rares.
Imaginez-vous ce qu’est de s’étouffer et de glouglouter au moindre effort, à la première marche d’escalier, pendant des mois ?
Cet homme a rendu service à la communauté et a fait le bien toute sa vie, avec modestie.
Même en faisant abstraction de cela, il mérite de la finir en ne s’étouffant pas et avec plus d’autonomie qu’en ce moment.
Il fallait simplement le laisser murir et avancer dans sa réflexion, sans le forcer, à son rythme d’homme qui a vu passer devant ses yeux 90 ans de vies humaines.
Qui suis-je, à 37 ans?
Stéphane a cité le grand, l’immense William Osler.
Je vais rester aussi très classique en citant Hippocrate:
« La vie est courte, l’art est long, l’occasion est prompte [à s’échapper], l’empirisme est dangereux, le raisonnement est difficile. Il faut non seulement faire soi-même ce qui convient; mais encore [être secondé par] le malade, par ceux qui l’assistent et par les choses extérieures »
« Être secondé par le malade », ça parait si facile, dit comme ça, mais il n’y a rien de plus difficile dans notre beau, notre merveilleux métier.
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David B. Reuben. Medical Care for the Final Years of Life « When You’re 83, It’s Not Going to Be 20 Years ». JAMA. 2009;302(24):2686-2694.
Jusqu’à ce que l’eczema vous sépare…
Je suis tombé sur un petit article sympa de fin d’année dans la section santé du WSJ.
L’auteur s’intéresse aux réactions cutanées provoquées par les bagues, notamment les alliances.
La cause principale reste l’allergie au nickel qui est assez souvent incorporé aux alliages de métaux, même précieux, notamment pour les faibles puretés (moins de 14 ct). On s’en sert pour blanchir l’or et ainsi obtenir de l’or gris qui a été créé dans les années 20-30 pour se substituer au platine, bien trop cher pour être démocratisé.
Je crois toutefois que ces alliages de nickel ont été interdits en France pour une utilisation en joaillerie.
L’allergie au nickel est extrêmement fréquente puisqu’elle touche aux EU 24% à 36% des femmes et 7% à 15% des hommes (qui ont probablement moins l’habitude de porter des babioles plus ou moins décoratives).
L’autre cause est l’irritation due à la macération, ou à la persistance de savon entre la peau et la face interne de l’alliance.
Ce n’est pas une vue de l’esprit. J’ai le souvenir d’une odeur particulièrement rance s’échappant de l’alliance d’une dame âgée qui avait un gros bras gauche et à qui on m’avait demandé de faire un doppler. L’alliance était totalement incrustée dans l’œdème. Outre que ce n’est pas hygiénique, c’est particulièrement dangereux du fait du risque d’ischémie de l’annulaire par compression artérielle et veineuse.
L’article propose de se sécher scrupuleusement les mains après chaque lavage, et d’appliquer régulièrement une crème protectrice. J’ajouterais qu’il faut prévoir à l’achat une bague d’un diamètre un petit peu plus large que son doigt, car en général, l’être humain ne va pas en s’affinant en prenant de l’âge.
L’article du WSJ ne mentionne pas d’étiologie psychologique, dans le cas ou l’on ne supporte plus du tout son conjoint.
Est-ce que ça existe?
J’en profite aussi pour vous rappeler que le port de bagues/d’alliances nécessite d’autant plus de prudence que l’on a tendance à les oublier.
Ainsi, cette page de la Commission de Sécurité des Consommateurs fait opportunément le point sur les risques liés au port des bagues et des alliances.
Ce risque n’est pas que théorique.
Si vous avez le cœur très (j’insiste+++) bien accroché , je vous suggère de lire cet article de « The Internet Journal of Orthopedic Surgery » et cette photo particulièrement impressionnante.
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Till Dermatitis Do Us Part. By Melinda Beck. The Wall Street Journal. Health Journal. December 15, 2009