Passer après une pierre

Un cardiologue a récemment pris sa retraite.

Retraite bien méritée après des années de bons et loyaux services envers la science et les patients. Ce grand homme n’était rien moins qu’un phare pour l’ensemble de l’université française en général et la cardiologie en particulier.

Sa carrière a d’ailleurs été récompensée par la plus haute distinction.

Ce qui l’a conforté dans la très haute opinion qu’il a de lui même.

Il y a peu, j’ai croisé une de ses patientes.

Elle a fait un angine de poitrine en 1998 qui a bénéficié de l’implantation (un peu délicate) d’un stent. Il lui faisait l’honneur de la suivre depuis, car le mari de cette dame avait eu la chance d’être dans la même classe que lui à l’école primaire.  Je demande à la patiente de quand date sa dernière épreuve d’effort (elle est parfaitement capable de pédaler). Euh, jamais. Dernière échographie cardiaque? Euh jamais. Dernier doppler carotidien? Euh, jamais…

Tout à la clinique, ma brave dame!

Je me souviens aussi d’un staff au cours duquel il avait dit à un agrégé de chirurgie vasculaire médusé qu’il suivait ses patients diabétiques uniquement par l’auscultation carotidienne.

Je me souviens enfin de la fois ou il avait contesté l’implantation d’un stimulateur cardiaque chez une patiente âgée, suggérée par un ami confrère. Il avait éreinté mon ami devant la famille. Et quand la dame est décédée brutalement moins de 8 jours après, dans la soupe qu’elle mangeait, il avait alors lancé un définitif « Elle n’est pas morte du cœur!« . De vieillesse aiguë, alors ?

Il a rendu la fin de mon assistanat un peu pénible.

Quand il sera enterré, espérons que cela soit le plus tard possible maintenant qu’il ne peut plus nuire, je présume que ce sera à la lecture d’une élégie magnifique et totalement dénuée de vérité.

Mobilité (2)

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Je vais un peu vous parler des applications médicales de iphone (les fameuses « apps ») que j’ai pu essayer depuis 1 semaine.

Tout d’abord, je n’ai pas (encore) déboursé 1 centime pour les utiliser. Je suis parti du principe de n’explorer en tout cas dans un premier temps, que les appications gratuites que l’on peut trouver dans l’App Store de iTunes.

Je suis aussi parti de l’excellent iPhone112 dont j’avais déjà parlé, mais se confirme être une référence en la matière. Je n’ai pas trouvé beaucoup mieux ailleurs, même chez les anglophones. Je vous conseille cependant ces sites qui me semblent intéressants à visiter:

Regardons la partie de mon bureau réservée aux applications médicales:


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Première application qui n’en est pas une, le Vidal qui est en fait un raccourci vers un site internet optimisé pour l’iphone, qui vous donne accès gratuitement à l’intégralité du Vidal 2008 médicaments:


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Bon, rien à dire de particulier, c’est du classique. Je remercie « Monsieur Vidal » (Vincent Bouvier), si il passe encore par là pour cet accès gratuit (pourvu que ça dure…).

Neph Calc, Card Calc et MedCalc sont trois applications qui permettent facilement de calculer des scores ou des valeurs à l’aide de formulaires.

Par exemple, pour MedCalc, le score CHADs2 du risque thrombo-embolique de la fibrillation auriculaire non valvulaire non anticoagulée, et le débit de filtration glomérulaire selon la formule MDRD:


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Le i en haut et à droite ouvre sur un autre écran comportant la formule en clair et souvent une référence bibliographique.

En milieu de semaine, je me demandais avec une consœur généraliste si nous allions instaurer un traitement par HBPM à une petite dame à la fonction rénale « limite ». Sans accès à un PC, j’ai calculé le débit de filtration en 15 secondes. La réponse était non.

Med Calc comporte des dizaines de formules dans 11 spécialités. Il y a même une section EBM qui permet notamment de calculer le NNT (Number needed to Treat):

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Cardio Calc et Neph Calc sont plus spécialisés en néphro et en cardio. Il existe d’autres versions en obstétrique, gastro et hématologie.

Grosso modo, les trois calculateurs se valent.

Epocrates et Pepid ont des ambitions plus vastes, une version gratuite et une version payante, et ne sont pas adaptés au marché français. Ils sont en effet destinés à des utilisateurs américains. Ce sont à la base des bases de connaissance sur la pharmacopée, avec notamment un système de contrôle des interactions médicamenteuses. Par exemple, dans epocrates:

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Il faut donc faire attention quand on associe de la coumadine et du naproxène…

Epocrates a aussi un système de moteur de recherche en fonction de la forme de la pilule, pour les patients adeptes du « Ben si, Docteur, vous savez, la petite pilule bleue avec des pois rouges…« . Par exemple, le clopidogrel ressemble à ça aux États-Unis:

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Ça pourrait être intéressant d’avoir un tel répertoire iconographique des comprimés en France…

Pepid et epocrates possèdent leurs  propres calculateurs, avec d’autres dizaines de formules.

Enfin, ces deux applications donnent accès à d’autres bases de données, mais souvent payantes (par exemple des conduites à tenir…) ou que je n’ai pas encore explorées….

D’autres applications peuvent être utiles pour notre pratique quotidienne, par exemple les « Pages Jaunes » pour trouver un patient ou un confrère:

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On pourra aussi utiliser le mode « plan », éventuellement couplé à « Google street view » pour trouver un patient au cours d’une visite à domicile (je n’en fais pas).


Mais il existe bien d’autres applications actuelles qui méritent d’être connues (par exemple OsiriX ou ici), et surtout les potentialités pour le futur donnent véritablement le tournis (ici, ici et ici), à défaut de savoir si elles seront vraiment utiles.


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Cause/conséquence?

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Ceci explique celà ?

Curieux qu’on en ait finalement peu parlé…..

Les entrées.

Voir les patients à l’entrée dans un établissement a toujours quelque chose d’inattendu, un peu comme Forrest Gump et sa boite de chocolats: « My momma always said, « Life was like a box of chocolates. You never know what you’re gonna get. »« .

Récemment, j’ai eu deux chocolats consécutifs assez étonnants.

Le premier est un ancien patient que je suivais à l’hôpital depuis des années en compagnie de son épouse. 84 ans, mauvais caractère mais attachant. L’an dernier, je lui découvre des lésions tritronculaires sévères d’indication chirurgicale. Il voit l’anesthésiste, le chirurgien, la date d’admission est programmée. Puis le chirurgien m’appelle car le patient n’est pas entré à la date prévue. Je le fais appeler par une des infirmières, un peu par lâcheté car je me doutais un peu du pourquoi de sa défection.

En fait, il m’en voulait de ne pas avoir prévenu son médecin traitant. Je ne vais pas me trouver de fausses excuses, j’ai essayé de l’appeler une demi-douzaine de fois, sans jamais tomber sur lui. J’aurais pu lui laisser un message, j’aurais pu, mais je ne l’ai pas fait, et je me sentais un peu coupable de ne pas avoir insisté. Bref, le patient ne voulait absolument plus entendre parler de moi, tout en sachant ce que cela signifiait pour sa santé. Je pense surtout qu’il avait une trouille bleue de l’intervention, et qu’il l’a transformée en colère contre moi (analyse psy personnelle à 2 balles).

Il a néanmoins continué consciencieusement à accompagner sa femme à ma consultation. il me disait bonjour, restait un peu renfrogné pendant la consultation, puis nous nous saluions. Je faisais la bise à son épouse en les raccompagnant. La situation était curieuse, je sentais une discrète tension, mais nous n’avons jamais parlé de lui au cours des consultations.

Je ne suis pas jaloux, j’ai toujours accepté que « mes » patients (qui ne m’appartiennent pas) aillent voir ailleurs. Mais c’est vrai que cette rebuffade aussi violente qu’en grande partie inattendue m’avait laissé quand même une petite once de ressentiment. J’étais embêté pour son avenir. Mais le bonhomme est têtu, et je ne voulais pas remettre cette histoire sur la table en pleine consultation avec son épouse. C’est vrai aussi que je n’ai jamais pris contact avec son généraliste à la suite de cet incident, ce qui, avec le recul, était une erreur. Je me suis quand même demandé si il voyait « quelqu’un d’autre », en espérant bien que oui.

La relation médecin malade est un vaste océan parfois calme, parfois non, mais toujours animé de courants ocultes puisants et parfois contradictoires.

Et voilà t’y pas que je le reçois, tout récemment ponté. On s’est fait tous les trois la bise, et ils m’ont raconté. Ce qui était prévisible est advenu: nouveau syndrome coronarien, et pontage en urgence. Il a vu sa vie défiler devant ses yeux. Il n’a vu personne depuis 1 an. Je lui ai demandé malicieusement qui il voulait que je prévienne comme cardiologue traitant: « Ben vous, voyons!« . Je lui ai bien précisé que je ne lui mettais aucune pression, et qu’il était libre de son choix. Il n’ a pas changé d’avis. Par contre il va changer son généraliste, qu’il juge « trop vieux ».

Deuxième patient, une patiente.

De tonnes de soucis médicaux.

D’abord une grosse dépression pendant 10 ans, puis des tas de problèmes « organiques »: diabète, coronaropathie, insuffisance rénale…

J’avoue que j’ai décroché pendant 2 à 3 secondes, jusqu’à ce que j’entende un « Heureusement que j’ai rencontré #@$¤ù il y a 10 ans!« 

Pardon, qui ? Untel ? (son médecin traitant)

Non, Christ!

Ah!

Ensuite, j’ai eu droit à Christ-miséricordieux-ressuscité-descendu-de-sa-Croix-qui-pardonne-tous-les-pêchés qui a guérit sa dépression en 10 secondes.

Quand je suis sorti de sa chambre, elle clamait encore ses louanges.

A priori le petit Jésus n’est pas généraliste, mais spécialiste avec un DES de psychiatrie. En tout cas, il n’est ni cardiologue (je suis déçu), ni néphrologue, ni endocrinologue, parceque pour la coronaropathie, l’insuffisance rénale, et le diabète, il est vraiment nul.

Petite remarque annexe: quand les gens disent « Christ », sans article (« Le Christ »), une petite lumière rouge (pas celle du tabernacle) s’allume instantanément dans mon esprit: attention, grave!