Termes médico-technocratiques (2)

Nouvelle (petite) fournée récente (les dernières ici et ici):

Sensibiliser sans cesse et auditer.

Et vice-versa…

On fait les choses, il faut formaliser ce qu’on fait.

Faire les choses ne suffit plus depuis l’ère des certifications/accréditations. Avant, ça suffisait, maintenant, non. Maintenant, il faut les « tracer », les « formaliser ». Les faire n’est que secondaire, et à la limite, on s’en fiche qu’elles soient faites. Ce qui est important pour la certification, c’est qu’on puisse les retrouver sur un bout de feuille ou dans un dossier informatique. Je pense que certains parmi vous pensent que je caricature en disant que formaliser est plus important que faire. Et bien non. Formaliser est bien plus important que faire, c’est même ce qui occupe 90% de nos réunions et entre 20 et 30% de notre « temps médical », qui porte de moins en moins bien son adjectif.


7 Replies to “Termes médico-technocratiques (2)”

  1. Ben oui… insidieusement on arrive à un système comme à l’armée, ou pire comme dans les dictatures : peu importe que le règlement soit respecté et que les actes soient efficaces, pourvu que les apparences soient là. Mon ancien patron nous enjoignait régulièrement de ne pas écrire « idées suicidaires » dans le dossier des patients vus aux Urgences, tant qu’on ne leur avait pas trouvé de lit, « pour éviter un problème médico-légal ». Mais nul conseil sur la prévention réelle du suicide chez le mélancolique quand on n’a pas de lit pour l’hospitaliser !
    Paradoxe apparent, ce sont dans ces systèmes au vernis ultra-rigides que prolifèrent toutes les tricheries, les corruptions, les désordres les plus amoraux et l’incurie la plus crasse. Le plus étonnant est que cela plait aussi bien aux hiérarques de droite (libre-machin et tout ?) que de gauche (qui avaient promis d’en finir avec les totalitarismes).
    Fichue époque…

  2. Je viens de refaire le tour des billets concernant la certification, qui m’ont bien fait rigoler…
    La certification vient de passer dans le service de cardio où je suis externe. Ouf! Je crois que ça y est, la pression qui montait doucement depuis 1 mois pour finir par toucher les sommets de l’absurdité va enfin pouvoir redescendre… La cadre qui depuis quelques temps pistait tous nos faits et gestes va pouvoir retourner oeuvrer pour les malades…
    Parmi les mesures phares en pré-certification, on note :
    -la refection de tous les écritaux mentionnant le nom d’une salle à son entrée : ils ont tous été remplacés par un nouveau panneau avec un nom dont le choix a dû nécessiter plusieurs réunions (en clair, il faut maintenant ouvrir la porte pour comprendre la fonction d’une pièce…) et un joli pictogramme accueillant (un personnage avec une grosse main tendue en avant) et la mention « entrée interdite ».
    – une grande (immense ?) réflexion concernant les noms des patients : les tableaux dans la salle de soin étant visibles depuis l’entrée, il a fallu rajouter de petits appendices pour masquer le nom de nos patients au regard d’un visiteur malhonnête qui serait venu espionner le tableau mais aurait oublié de faire le tour des chambres dont les noms des occupants sont inscrits sur la porte (ce qui ne semble déranger personne…)
    – la tenue des dossiers qui se devait d’être irréprochable

    Résultat des courses, l’équipe d’accréditation a passé 15 minutes ds le service, n’a pas ouvert un seul dossier patient et a fait deux remarques :
    – il faudra veiller à laver fréquemment les rideaux servant à séparer les patients en chambre double lors des soins ou de la visite (la cadre a tenté d’affirmer qu’ils étaient lavés tous les mois, ils n’ont pas été dupes…)
    – il faudra supprimer les noms des patients du tableau de la salle de soin… Je sens que le fait de travailler avec des initiales ou des numéros va rendre les choses assez rigolotes (pas pour les patients malheureusement…)

    No comment…

    1. On s’est assez foutu des soignants qui appelaient les patients par leurs numéros de chambre et par leur pathologie (« la hernie du 12 »), maintenant après une énorme (et méconnue) révolution collective pour les désigner ENFIN par leur nom, on devra les reconnaître sur leurs initiales… effectivement on sent bien le vent grisant du Progrès faire flotter nos cheveux à la proue du navire.

      Au fait c’est bien payé Accréditateur ? je pense à une reconversion…

      BG

    1. Tu sais, ça ne m’étonne pas du tout. C’est exactement du niveau de certaines réunions que nous avons eues!
      Il faut bien comprendre que la certification, pour une part non négligeable, se nourrit et se suffit à elle-même . Ceci explique qu’elle soit en partie coupée de la réalité. Un principe fondamental, retiens bien cela, il faut toujours avoir l’air d’y croire, et ne pas hésiter à faire de la surenchère !

  3. Les certifications type ISO 9000 permettent d’éviter le syndrome suivant, courant dans bon nombre d’entreprises : il y a un petit nombre de gens qui sont seuls à savoir faire telle ou telle chose (cela peut aller de la manipulation d’un outil informatique à l’entretien de tel ou tel matériel, en passant par la connaissance de l’endroit où les données à jour sont stockées), et quand ces gens ne sont pas ou plus là c’est le désastre. Ah, ces réponses style « M. Duschmoll est en vacances et je ne sais pas comment faire »…

    Mais évidemment, en pratique, l’exercice est totalement bureaucratique et il y a un décalage important entre ce qui est documenté et la réalité.

    (Ah, ces industriels chez qui la documentation ne correspond pas à la réalité, mais comme changer la documentation officielle demande de passer par 36 dispositifs bureaucratique, on préfère ne pas la mettre à jour..)

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