Son corps est couvert de poils
sa chevelure est celle d’une femme
les touffes de ses cheveux
poussent comme des épis de blé.
Il est vêtu comme le dieu Soumouqan.
Il ne connaît ni les hommes ni les pays
sa seule compagnie est l’animal
avec les gazelles il broute l’herbe
avec les hardes il s’abreuve aux points d’eau.
Auprès des sources, en compagnie des bêtes sauvages
son cœur se réjouit.
Un jour, un chasseur le rencontre à l’abreuvoir
un deuxième, puis un troisième jour.
En le voyant le chasseur se trouble
son visage pâlit.
Il retourne chez lui avec les bêtes,
la peur est entrée dans son cœur,
son visage est semblable
au visage de celui qui fit un lointain voyage.
Le chasseur va vers son père
il ouvre la bouche et dit :
« Mon père, j’ai vu un homme étrange venu des collines,
il est le plus fort dans le pays et d’une grande vigueur.
Sa vigueur et sa force sont comme celles d’Anou.
Il parcourt les plaines et les collines
il broute l’herbe avec la harde,
avec elle il s’abreuve aux points d’eau.
J’ai eu peur et je n’ai pas osé m’approcher de lui.
Il a recouvert les trappes que j’ai creusées
il a détruit les filets que j’ai tendus
il a aidé les bêtes à s’échapper de mes mains.
Il me prive de la chasse. »
On pourrait imaginer que la rencontre entre les homo sapiens et leurs cousins, les néandertaliens se soit passée ainsi. La durée qui sépare l’extinction de ces derniers (-35000) et la rédaction de l’Épopée de Gilgamesh (-1700) rend quand même peu probable la persistance dans la mémoire humaine d’une telle rencontre.
L’exposition qui se tient actuellement au Musée de l’Homme jusqu’au 07/01/19 tente de rapprocher nos deux espèces en soulignant leurs similitudes. Les néandertaliens pouvaient probablement communiquer, ils gravaient les roches, enterraient leurs morts et se soignaient. L’exposition tente de nuancer l’image de brute sauvage poilue que nous avons tous dans notre imaginaire.
Le « clou » de l’exposition est une représentation d’une femme néandertalienne, Kinga, habillée par agnès b.
Cette reconstitution se veut être la plus juste possible, et il est vrai que dans une foule, personne la remarquerait.
Entre 1,5 et 2,1% de notre génome est d’origine néandertalienne, non seulement car nous avons un ancêtre commun, mais aussi car les néandertaliens et les H. sapiens se sont multipliés ensemble, se retrouvant en quelque sorte après une première divergence. La disparition des néandertaliens reste un mystère. Les avons-nous fait disparaître sciemment ou non? Intégrés? Les avons-nous contaminés avec des maladies contre lesquelles ils n’étaient pas protégés?
J’ai trouvé l’exposition un peu trop orientée vers les enfants. Je suis resté un peu sur ma faim, notamment sur ce point:
Comment sait-on que les Néandertaliens se soignaient?
Twitter m’a donné un premier élément de réponse, certains primates se soignent actuellement:
Puis, en faisant quelques recherches, j’ai trouvé la façon dont les scientifiques ont élaboré cette hypothèse: ils ont analysé le tartre des dents des néandertaliens. Ce tartre montrait une alimentation volontiers végétale avec pour certains individus par ailleurs « malades » la présence de plantes médicinales comme le peuplier (précurseur de l’aspirine), ou même un peu de penicillinum. C’est dommage, j’aurais bien aimé retrouver cette info dans l’exposition (je l’ai peut-être loupée).
Neanderthals Self-Medicated? (National Geographic)
Neanderthals had Medicinal Remedies (labroots.com)
Prehistoric ‘Aspirin’ Found in Sick Neanderthal’s Teeth (National Geographic)
J’imagine la surprise des scientifiques qui dans 35000 ans vont analyser notre tartre et en déduire qu’on se soignait avec du sucre. Ils vont peut-être en déduire une des raisons de notre disparition.
Je vous conseille aussi de lire cet excellent article du Guardian qui balaye en peu de lignes les connaissances actuelles sur notre cousin et ancêtre.
The ingrained notion – that there has only ever been one species of human being, Homo sapiens – is a latterday fiction born of our own self-important view of ourselves. Think instead of the bar scene from Star Wars with all those various people playing and drinking, says the Israeli palaeontologist Yoel Rak. That gives a far better flavour of our evolutionary past.
Pourquoi je suis allé voir cette exposition, alors que je n’ai pas de passion dévorante pour la Paléoanthropologie?
Il y a des années, j’ai lu un mauvais plagiat des déjà très mauvais Dan Brown, La Nostalgie des Dragons de Démosthène Kourtovik que je ne peux que vous conseiller de ne pas lire. L’histoire qui se déroule à notre époque décrit la lutte sans merci de plusieurs organisations pour la possession d’une mystérieuse momie découverte par des nazis (et oui..). L’une de ces organisations est en fait un groupe de néandertaliens vivant discrètement parmi nous…
Le roman est donc mauvais, mais j’avais beaucoup aimé l’idée de ces néandertaliens survivant à notre époque.
Et des années plus tard, je croise Kinga dans un article parlant de l’expo…
Une hypothèse pour comprendre comment ce cousin aurait pu disparaitre http://perruchenautomne.eu/wordpress/?p=5394