Le NEJM de cette semaine publie une « lecture » très intéressante sur l’histoire et l’évolution des traitements antihypertenseurs depuis 60 ans, et surtout leur efficacité.
L’auteur arrive à la conclusion que malgré des avancées spectaculaires dans le traitement de l’HTA (peut-être pas ses dernières années, mais le petit historique qu’il fait permet de s’en rendre compte), il y a de plus en plus d’hypertendus non contrôlés.
Il fait la même constatation que le programme EUROASPIRE sur les coronariens européens.
Le « plus de traitement » est contre-balancé par « plus de sel », « plus de gras », « plus de sédentarité »…
Miam miam, plus de noisettes, plus de sel, plus de gras, plus de sucre, plus de sédentarité,
pour devenir grassouillet et rougeaud comme toi…
« Le plus de sel » me semble être particulièrement dramatique dans notre pays, où l’obésité n’est pas encore un problème majeur.
La consommation quotidienne de sel dans les pays développés est très largement supérieure aux 2.9-3.8 g recommandés par l’Institute of Medecine. En effet, on se rapproche plutôt des 10 g.
Petite parenthèse, la recommandation citée donne des tables de conversion bien pratiques pour passer d’une quantité de sodium en mmol à une quantité de sel en g qui me semble bien plus parlante:
mmol de sodium*23=mg de sodium
mmol de sodium*58.5=mg de sel
Je vous rappelle aussi l’existence de ce fabuleux travail du service de pharmacie du CHG de Béthune qui recense la quantité de sodium et de sel contenue dans 87 médicaments usuels.
Bref, non seulement nous devons prendre notre bâton de pèlerin pour inciter nos patients à moins se gaver de sel, mais nous devons aussi faire attention à nos prescriptions.
J’insiste très lourdement sur le régime hyposodé (qui est en fait physiologiquement normosodé, voire hypersodé) et sur la nécessité d’une activité physique régulière.
Je prends le temps d’expliquer ce graphique que j’ai tiré de EUROASPIRE pour leur faire comprendre que le traitement n’est rien sans l’amélioration du mode de vie:
Je leur précise bien que les patients de ce programme sont européens, et qu’ils sont tous coronariens, c’est à dire surveillés comme le lait sur le feu par un généraliste, 1 voire 2 cardiologues, éventuellement un endocrinologue…
Évidemment, ce n’est pas simple, car si vous le demandez à vos patients, personne, je dis bien personne ne sale (en dehors des régions où règne sans partage le beurre salé).
En fait, l’immense majorité du sel est caché dans l’alimentation, notamment industrielle. On en trouve aussi beaucoup dans les aliments sucrés, car c’est (malheureusement) un excellent exhausteur de goût.
Personne ne sale, mais tout le monde se prend 10 g de sel par jour, telle est la principale difficulté de la prévention…
Idéalement, il faudrait bannir tout ce qui n’est pas frais, et tout ce qui est préparé par autrui.
Pas simple, d’autant plus que c’est une alimentation de riche et qui demande du temps.
Autre paradoxe, chez nous, ce sont souvent les « pauvres » qui sont gras, suralimentés et sédentaires. Bref, ce qu’étaient les riches goûteux d’il y a plusieurs siècles.
En conclusion, l’auteur, comme tant d’autres milite pour une amélioration de notre mode de vie afin d’enrayer ce fléau qu’est l’HTA. A ma connaissance, c’est le seul état pathologique pour lequel nous ayons des traitements efficaces, mais que notre mode de vie rend de plus en plus incurable.
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L’article est en libre accès:
Aram V. Chobanian. The Hypertension Paradox — More Uncontrolled Disease despite Improved Therapy. N Engl J Med 2009 361: 878-887
Je me demande ce que sont devenus les deux protagonistes de la publicité.
Le cuisinier a développé un diabète, une HTA et une néphropathie mixte. Avant de mourir l’an dernier d’un accident vasculaire cérébral, il a bénéficié un pontage aorto-coronarien vers le milieu des années 90. On a envisagé à un moment de lui faire une réduction gastrique, avant de reculer devant le risque opératoire déraisonnable.
« Monsieur Plus » a poursuivi ses études de médecine qu’il a financées grâce aux cachets publicitaires. Il est un cardiologue respecté par ses patients, ses pairs, son épouse, ses enfants et ses maîtresses (et leurs enfants). Il n’a pas changé de costume qui est toujours aussi tendance parmi ses pairs. Son tic l’a rapidement fait abandonner la carrière de coronarographiste qu’il avait un moment envisagée, à cause d’accidents regrettables et particulièrement dramatiques. Les jaloux disent qu’il a toujours appliqué la ligne de vie qui l’a rendu célèbre: « Toujours plus! ». Ce qui expliquerait à la fois sa très nombreuse clientèle et la quasi ferveur qu’il suscite parmi tous les visiteurs médicaux.