Je n’ai pas trouvé de sujet assez passionnant qui me sorte à lui tout seul de ma léthargie rédactionnelle actuelle, c’est pourquoi j’ai attendu d’en avoir trois ou quatre pour écrire une note.
Premier sujet qui à ma grande surprise n’a provoqué que des réactions assez éparses, alors qu’il me semble que l’enjeu est immense. Je veux parler du discours présidentiel devant le congrès de la Mutualité Française, et la volonté manifeste du pouvoir de confier aux mutuelles une partie du rôle de l’assurance maladie. C’est clair que si ce glissement s’effectue (je n’ose pas parler de privatisation), ce sera certainement bon pour le budget, mais pas pour les patients ni pour les médecins. Je n’ai pas envie d’avoir mon mur décoré des autocollants des mutuelles qui m’auront agréé, comme les garagistes, ou les spécialistes des pare-brises. Petit à petit, on se rapproche de cela. Si vous voulez tout de même rire jaune avec ce sujet, je vous propose l’excellent dessin de Martin Vidberg.
Deuxième sujet, le prasugrel, qui aimerait bien remplacer le clopidogrel, et dont j’ai déjà parlé ici. Prescrire l’a éreinté dans son numéro de juin (Rev Prescrire 2009 ; 29 (308) : 406-409) à cause notamment d’un sur-risque de saignement par rapport au clopidogrel, déjà pourvoyeur de pas mal d’accidents hémorragiques. Toute la question est de savoir si ce sur-risque est compensé par un bénéfice supérieur. Un article de theheart.org rapporte que Public Citizen a adressé à la FDA une lettre lui demandant d’arrêter l’analyse du dossier d’AMM du prasugrel en attendant le résultat d’études complémentaires fiables. La lettre est intéressante car écrite par un cardiologue qui a participé à la phase très précoce du développement du prasugrel. Il y critique non seulement des posologies qui lui semblent excessives à la vue des données initiales de pharmacocinétique, mais aussi le déroulement de l’étude principale qui a conduit à la demande d’AMM.
En tout cas, une chose est certaine, c’est que ce produit va arriver en septembre chez nous. Je mets ma main à couper que le labo va sortir de son chapeau l’argument de la « résistance » au clopidogrel pour mettre en avant cette molécule.
Pour ma part, je n’ai aucune envie de la prescrire, « primum non nocere »
Troisième sujet, une constatation que je trouve dramatiquement pathétique pour notre profession: « Exact numbers are hard to come by, but doctors involved in this movement, called “patient centered” practices, say its popularity is growing. ». Cette phrase est extraite d’un excellent article du NYT, « If All Doctors Had More time to Listen » qui encense une nouvelle approche thérapeutique ré-vo-lu-tio-nnaire: l’écoute du patient. Et oui, c’est énorme, il paraît qu’on soigne mieux en écoutantt d’abord son patient. C’est stupéfiant que l’on en soit arrivé à un tel point que de telles évidences soient présentées comme de nouvelles et fascinantes alternatives.
Quatrième sujet, encore un article du NYT, et encore une histoire de fraude scientifique. Cette fois, c’est un orthopédiste qui était médecin militaire à Walter Reed au moment des faits. Je me demande ce qui a bien pu passer par la tête de ce type, pas tellement sur les raisons de son geste, que l’article esquisse, mais sur l’énormité de ce dernier. Comment a t’il a-t-il pu imaginer que le pot aux roses resterait caché alors qu’il a impliqué des collaborateurs proches en falsifiant leurs signatures ? Dans un monde où les publications sont tellement importantes, se retrouver co-auteur d’un article dont on a jamais entendu parlé se voit tôt ou tard comme un nez au milieu de PubMed… Peut-être espérait-il la complicité passive de ses pseudos co-auteurs ?
Que de risques pour un article bidonné et une fraude grossière…