On s’associe?

Je ne suis pas un grand fanatique de l’aliskiren, (Rasilez®) ce n’est pas un secret (comme je ne l’étais pas de l’ivabradine jusqu’il y a 45 minutes…), mais je suis néanmoins son actualité.

L’aliskiren est une molécule anti HTA innovante (premier inhibiteur de la rénine à obtenir une AMM) sortie aux EU en mars 2007 et chez nous depuis août 2007.

Son caractère innovant et sa puissance, qui auraient dû révolutionner le traitement de l’HTA selon Paris-Match, devraient donc logiquement largement suffire en monothérapie.

Pourtant, le laboratoire qui le commercialise a déjà demandé et obtenu 3 AMM aux EU et 1 en Europe pour des associations comportant cette molécule:

  • aliskiren+hydrochlorothiazide (Rasilez HCT ® en Europe)
  • aliskiren+valsartan
  • aliskiren+amlodipine

Cette dernière association vient tout juste d’être approuvée aux EU.

Étonnante, quand même, cette frénésie d’association, trois en trois ans, un peu comme si l’aliskiren n’était pas très efficace en monothérapie (je n’ose l’envisager).

J’ai jeté un coup d’œil au RCP et je suis tombé sur des résultats d’études qui ont permis d’obtenir cette AMM.

Ces études sont assez intéressantes.

Il suffit de démontrer que l’association A+B est plus efficace sur la tension artérielle que A et B en monothérapie et qu’un placebo pour obtenir une AMM.

Simple comme bonjour.

Prenons une courbe au hasard (page 3):

Photobucket

En ordonnée, la probabilité d’atteindre une pression systolique inférieure à 140 mm Hg. En abscisse, la pression artérielle initiale.

Bien entendu, plus la TA de départ est élevée, et plus la probabilité d’atteindre l’objectif tensionnel est faible. Par ailleurs, l’ association de 300 mg d’aliskiren+ 10 mg d’amlodipine fait mieux que 300 mg d’aliskiren, 10 mg d’amlodipine isolément et mieux que le placebo.

Mais ce qui est drôle, c’est que sur cette courbe, et sur toutes les autres, l’amlodipine 10 mg fait systématiquement mieux que l’aliskiren 300 mg. Ces doses sont les posologies maximales usuelles de ces deux molécules.

L’amlodipine a obtenu sa première AMM le 21/08/1990, 17 ans avant l’aliskiren, et est actuellement génériquée.

Le coût mensuel d’un traitement par amlodipine 10mg est de 8.82€, celui de l’aliskiren 300 est de 24.67€ soit environ 2.8 fois plus.

Je vous rappelle par ailleurs que la HAS a logiquement publié en septembre 2009 une fiche de bon usage du médicament peu glorieuse pour l’aliskiren.

Méditons encore une fois sur les fortes paroles de Christian Lajoux:

«Enfin, Christian Lajoux, président du Leem (Les Entreprises du médicament), interrogé par notre confrère « le Quotidien du Pharmacien », estime que l’attitude de « Que choisir » constitue «un rejet de l’innovation thérapeutique qui revient à considérer qu’il faut traiter les patients avec des médicaments d’occasion».


SHIFT

Mouhahahaha, gros gadin, ma carrière de Madame Irma en cardiologie vient de s’arrêter net à la publication des premiers résultats de SHIFT à l’ESC 2010.

Photobucket

Contrairement à ce que j’avais pronostiqué dans ma note précédente, l’ivabradine diminue la morbi-mortalité des patients insuffisants cardiaques dans cette étude faite sur plus de 6500 patients plutôt sévères:

The SHIFT trial, conducted in 37 countries, randomized >6500 patients with NYHA class 2-4 heart failure, an LVEF <35%, and a heart-failure hospitalization within the previous year to receive either placebo or ivabradine at a starting dose of 5 mg twice daily, with adjustments to achieve a resting heart rate of 50 to 60 bpm. All patients had entered with a resting heart rate >70 bpm and were on standard heart-failure medications according to guidelines, including include ACE inhibitors or angiotensin-receptor blockers, beta blockers, aldosterone antagonists, and diuretics.

Over a mean follow-up of 23 months, patients taking ivabradine showed an 18% reduction (p<0.0001) in the hazard ratio for cardiovascular death or hospitalization for worsening heart failure, compared with the control group, and a 26% reduction in hazard ratios for the individual secondary end points of death from heart failure and hospitalization for worsening heart failure.

L’article de theheart.org devrait être mis à jour régulièrement dans la journée avec l’arrivée d’informations nouvelles.

A suivre, donc…

°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°


Steve Stiles. SHIFT: Adding HR-slowing agent ivabradine to HF meds cuts mortality, hospitalization . theheart.org. [Clinical Conditions > Heart failure > Heart failure]; Aug 29, 2010. Accessed at http://www.theheart.org/article/1113883.do on Aug 29, 2010.

Les diapositives des présentations de SHIFT sont ici.

Une voix dissonante

Coup de tonnerre sur le site de theheart.org!

La toute prochaine ESC 2010 (28/08-01/09) n’a même pas encore commencé que des révélations fracassantes viennent troubler le monde de la cardiologie.

Un éminent cardiologue français qui a des liens financiers avec Servier, qui connait donc bien le sujet et qu’on ne peut pas taxer d’hostilité à ce laboratoire, vient de déclarer publiquement sur theheart.org que:

L’étude BEAUTIFUL n’a pas été un succès complet puisque l’objectif primaire n’a été atteint que pour des groupes de patients. Mon hypothèse, pour expliquer ce résultat, était que l’étude avait inclus des patients avec des fractions d’éjection basses. Quand on diminue la fréquence cardiaque de quelqu’un avec une fraction d’éjection basse, on supprime un facteur compensateur pour maintenir le débit cardiaque. Or dans SHIFT, on intervient dans une population avec une dysfonction systolique importante. On peut se demander si on ne va pas retrouver les mêmes problèmes que dans BEAUTIFUL. On va donc voir ce qui se passe : ou bien l’hypothèse de l’échec de BEAUTIFUL va se vérifier ou bien elle sera totalement contredite, tout est possible en médecine !

Pas été un succès complet!

C’est énorme, et en contradiction totale avec ce que j’avais lu dans la presse médicale que je reçois gratuitement presque tous les jours qui clamait haut et fort que Beautiful était un succès total et indiscutable. Pourtant, tout était étayé par des tas d’experts tout à fait respectables.

C’est difficile et très courageux de discuter ce qui est devenu un dogme médical, respect.

Bon, certes, nous sommes encore loin d’apercevoir le seuil de la vérité car la première phrase est fausse, puisque le critère primaire n’a jamais été atteint, même dans le groupe des FC>70. Je ne prends bien évidemment pas en compte l’analyse post-hoc publiée dans l’Eur Heart J un an après celle de Beautiful dans le Lancet. On ne va pas mélanger torchons et serviettes et commencer à prendre une analyse post-hoc pour autre chose qu’un moyen pour élaborer des hypothèses.

Cette approximation ne doit pourtant pas éclipser le fond de cette révélation.

L’ivabradine serait, pourrait-être, on ne peut pas exclure l’hypothèse, une molécule pas miraculeuse.

On respire enfin à Lourdes et Fatima.

J’ai bien aimé l’explication sur le succès relatif (je frémis quand j’écris cela) de Beautiful, c’est à dire sur la suppression du phénomène compensateur de la fréquence cardiaque chez les fractions d’éjections basses.

Je pense que la partie scientifique de l’entretien n’a pas été imprimée correctement car il me semble bien que les bêta-bloquants sont des bradycardisants c’est à dire qu’ils suppriment eux aussi ce fameux phénomène compensateur et qu’ils ont pourtant révolutionné la prise en charge des insuffisants cardiaques depuis pas mal d’années (milieu des années 70 en Scandinavie). Les inhibiteurs calciques bradycardisants (diltiazem et verapamil), eux, restent contre-indiqués chez les patients insuffisants cardiaques, alors qu’ils sont, tout comme les bêtabloquants inotropes négatifs. La digoxine, elle aussi bradycardisante (mais pas inotrope négative) a été beaucoup remise en cause par les études DIG. En fait, les bêtabloquants exercent leurs bénéfices par leur action sur le système neuro-hormonal. Les inhibiteurs calciques ne font à ma connaissance rien de tout cela, de même que la digoxine et…l’ivabradine. Ce sont les propriétés annexes de ces bradycardisants (action neurohormonale pour les bêtabloquants, inotrope négative pour les inhibiteurs calciques bradycardisants, pro-arythmique de la digoxine) qui expliquent leurs effets chez les insuffisants cardiaques. Or, l’ivabradine n’est que bradycardisante.

La diminution de la fréquence cardiaque n’est donc vraisemblablement ni une explication au non-succès relatif de Beautiful (Stupeur et Tremblement) ni une raison suffisante pour induire à elle seule une diminution de mortalité des patients insuffisants cardiaques.

On verra cela le 31/08, jour où les résultats de SHIFT seront présentés.

Je vais faire un pronostic très peu scientifique.

Je crois que l’étude sera négative:

  • parce que l’ivabradine n’est que bradycardisante et a déjà montré l’étendue de ses bénéfices dans Beautiful.
  • parce que je trouve que le labo ne fait pas trop de battage autour de cette ESC qui est pourtant importante pour lui.
  • parce qu’il est possible que cet entretien à theheart.org soit inconsciemment ou consciemment un début de justification anticipée à un succès relatif.

Mais Tout est possible en médecine!


°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°


Dr Catherine Desmoulins. L’étude SHIFT est un « pari risqué » pour l’ivabradine . theheart.org. [International Editions > Édition française > Sections > Actualités > Insuffisance cardiaque]; 26 août 2010. Consulté à http://www.theheart.org/article/1113227.do le 27 août 2010




Dissection carotidienne

Dans une note précédente, un commentateur m’a demandé ce que donnait une dissection carotidienne au doppler.

Le plus souvent, les images sont assez décevantes, car on ne voit qu’exceptionnellement le flap intimal typique, par exemple, des dissections aortiques. Le plus souvent, on observe un aspect d’hématome de paroi.

Dans: Wouter I. Schievink. Spontaneous Dissection of the Carotid and Vertebral Arteries. N Engl J Med 2001; 344:898-906.

Voila ce que donne une dissection de la carotide interne (A carot.), qui a malheureusement conduit à une thrombose totale (Thr.):

Donc rien de bien spécifique, hormis, quand même la notion classique que ces dissections touchent principalement des zones assez distales de la carotide interne.