Petite analyse pharmaco-clinique marrante (et simple):
Femme de 84 ans, admise pour une poussée d’insuffisance cardiaque droite sur une insuffisance tricuspide massive. Cardiopathie valvulaire probablement rhumatismale avec IT massive, insuffisances aortique et mitrale minimes. Fibrillation auriculaire chronique. La patiente est encore dyspnéique, à l’issue de mon examen clinique, je souhaite majorer ses diurétiques.
Je regarde sa biologie: sa clearance MDRD est à 37.
Je regarde son traitement, et je tombe sur cela:
Le Colchimax® a été mis récemment pour une poussée inflammatoire d’une arthropathie des mains.
L’Allopurinol® a lui aussi été instauré récemment pour une hyperuricémie secondaire au traitement diurétique majoré en phase aiguë.
Idem pour le Procoralan®, prescription récente, pour ralentir la fibrillation auriculaire.
Que vous inspire cette ordonnance? Changeriez-vous quelque chose?
(Petite note pour les dubitatifs, ce cas est un vrai cas clinique, découvert ce matin)
La terbutaline fait-elle bon ménage avec cette polypathologie cardiaque ?
Oui, c’est moyen, d’autant qu’il semble qu’ils aient eu du mal à ralentir la fréquence de son ACFA.
venlafaxine +previscan ? les ISRS ont une activité anticoagulante aprovel + Kaleorid + MDRD 37 Kaliémie ? allopurinol 300 et MDRD 37 very hot
2 produits a activité atropinique (ipatropium et hydroxyzine chez une dame de 84 ans? si elle ne pédale pas dans la semoule apres ça d’autant qu’à mon avis même si elle est asthmatique les atropiniques ont un bénéfice tres modéré ? c’est chaud-bouillant. Est elle au mois asthmatique ? je donne ma langue au chat
C’est bien de le prendre à la rigolade, mais c’est pas marrant du tout. Des ordonnances comme-ça, on en récupère parfois, et c’est un vrai casse-tête. En général, j’arrive à épurer de la moitié des médicaments, mais souvent ça demande un temps monstre, puisque la majorité des médicaments ont été instaurés à un moment donné pour répondre à une plainte du patient ou une anomalie constatée par le médecin, et qu’on a toujours la crainte de déstabiliser la patiente chaque fois qu’on diminue ou retire un de ces traitements.
La seule bonne solution est, en amont, de se poser à chaque instauration de traitement la question du rapport B/R, et à chaque renouvellement de la pertinence du maintient des traitements antérieurs.
Et puis, il y a aussi les quelques cas de patients qui soit ont un trouble de la personnalité qui les conduit à harceler leurs médecins, ou bien à les multiplier de façon à avoir toujours plus de petites pilules, soit qui ont « vraiment » besoin de tous leurs traitements (j’en ai UN comme-ça dans ma clientèle, je ne peux toucher à aucun de ses 12 médicaments sans que quelque chose se détraque)
Oui, certes, mais pour cette ordo là, tu ferais quoi? 😉
Deja colchicine avec cette creat c est chaud. Perso je l arreterai, le benefice est probablement limité.
Vi, je ferais déjà ça, mais encore…
Apres on peut se demander si ce n ‘est pas le Beta agoniste inhalé qui est à l origine de la prescription du procoralan (si c’est récent c’est a peu prêt crédible… ça se teste)
Dans la mesure où on va augmenter les diurétique je dirai qu’on peut tester d ‘arreter les aerosols -> les diurétiques limitent la gene respiratoire, l’arrêt de terbutaline permet « peut etre » d’arreter procoralan.
Après l association hydroxyzine et ipratropium ça fait un paquet d’anticholinergique (tachycardie possible aussi…) il y a d autres options pour les 2 .
Je garde que lasilix et previscan. Eviter anti cholinergique svp. Atarax et atrovent. Effexor c’est pas un bonbon non plus!!! C’est adrenergique. Ne pas donner sur cardiopathie ni hta. ( je bosse en psy). J’arrête toute les trucs pour l asthme. .je m assure si elle a un vrai asthme ou pas pour le choix du ralentisseur. Procoralan stop. Cf prescrire.
+1 en réa elle n’aurait que furo et héparine, en chonique je n’y connais rien 😉
Des ordonnances comme ça, on en voit trop souvent dans les pharmacies. A chaque fois, les bras m’en tombent, mais que faire ? Je me dis que si la patiente est là devant moi sur ses deux jambes, c’est que finalement elle supporte pas si mal le traitement, alors surtout on ne touche à rien… Appeler un de ses médecins ? Lequel ? Pour lui dire quoi ?… Il faudrait prendre du temps, beaucoup de temps, pour analyser le tout, sans doute en collaboration entre médecins, pharmacien, infirmières… Alors sur le moment, au comptoir, on demande qui prépare les médicaments (infirmière ? conjoint ? sa fille ?…), on tâche de voir s’il n’y a pas trop de confusion, on demande comment ça va, on donne deux ou trois conseils et voilà… La personne s’en va, et j’ai un sentiment de malaise, de lâcheté, de découragement même certains jours… Ah, au fait, sur cette ordonnance, il y a le smecta, là, au milieu… Avec un peu de chance, elle le prend en même temps que les autres médicaments et ça limite leur assimilation ! 😉
Bon courage, Jean-Marie !
Michaela, pharmacienne remplaçante dans différentes pharmacies
Si j’ai beaucoup de choses à dire sur la pertinence de chaque produit prescrit, je vais laisser cela à d’autres qui se feront une joie de tailler les médicaments. Je vais néanmoins revenir sur un point qui me tient à coeur : l’observance. Et j’espère vous montrer le problème d’une telle ordonnance. Rédiger ce type d’ordonnance montre que le médecin oublie complètement qu’il s’adresse à un individu. Il prescrit, ordonne mais ne se soucie en aucun cas de son exécution.
Alors pour que vous puissiez vous faire une idée, j’ai effectué un exercice que TOUT médecin devrait faire avant de s’amuser à prescrire 10 médicaments à la suite : le synopsis de la journée du patient. Je vous la reconstitue :
Le patient se réveille à 7h pour prendre :
1 dose de Terbutaline
Puisqu’il est levé, autant qu’il enchaine avec les prises du matin. Les voici :
½ comprimé Colchimax
½ comprimé Isoptine
1 gélule de Venlafaxine
½ comprimé d’Hydroxyzine
1 dose d’Ipatropium
1 comprimé de Lasilix
1 comprimé de Procoralan
2 sachets de Smecta
1 comprimé
Le patient doit gérer le matin 10 spécialités avec des demi-comprimés à stocker, 2 sachet à dissoudre. Notez que le médecin n’indique pas les moments de prise. Cela aurait ajouté du sel à ce jeu. Laissons le pharmacien s’amuser avec cela.
Le Midi (à 12h ?) :
1 comprimé d’Allopurinol
½ comprimé de Lasilix
2 sachets de Smecta
Le patient déjeune à Midi. Il doit encore gérer des demi-comprimés. En fin de repas, on peut imaginer qu’il enchaine à 13h avec :
1 dose de Terbutaline
A 17h
1 dose de Terbutaline
Ne pas oublier son minuteur chaque jour, hein.
Le Soir (20h ?), rebelotte, le patient a le droit à :
½ comprimé Colchimax
½ comprimé Isoptine
1 Aprovel
2 sachets de Smecta
¼ de comprimé de Previscan
Donc, le patient de 81 ans, continue de gérer des 1/2 et des 1/4 de comprimés. Certainement un patient fan de mathématiques.
A la fin du repas, pas le droit de s’endormir à 22 h. Non!!!!
Le patient doit attendre 23h pour sa dose de Terbutaline. Et puisqu’après, on peut supposer qu’il ira se coucher, il prendre à nouveau : ½ comprimé d’hydroxyzine
Si vous êtes médecin et que vous imaginez qu’un patient de 81 ans va suivre à la lettre un tel synopsys, désolé, mais vous êtes à côté de votre plaque. Vous vous êtes fait plaisir en lui prescrivant pleins de trucs (certainement utile…ou pas), mais à aucun moment vous n’avez pensé à la VIE REELLE.
La gestion des demi-comprimés est déjà un cauchemar. les 1/4 de comprimés, je n’en parle même pas. Mais pour respecter votre traitement, le patient doit vivre avec un minuteur.
Alors s’il vous plait, avant de prescrire une liste de course, faites le synopsis, mettez vous à la place du patient pour savoir si vous pourriez tenir ce rythme sur 1 mois.
Ce simple exercice vous ramènera à la réalité et vous obligera à faire des choix.
Tout à fait juste, Hygie. Plusieurs publications ces dernières années se penchent sur la notion de « fardeau de la maladie ». Quelqu’un s’est amusé à faire le calcul du temps qu’un patient diabétique consacrerait par jour à son traitement s’il suivait réellement toutes les préconisations de son médecin – je ne me souviens plus du chiffre exact, mais il est de plusieurs heures.
Et nous avons de plus en plus de patients – comme cette dame – polypathologiques !
La première chose que je ferai, c’est de me poser avec la patiente, et de lui demander (en espérant qu’elle s’en souvient, ce qui peut-être très hypothétique) qui lui a prescrit quel médicament et pourquoi.
Ensuite, négocier petit à petit chaque traitement, tenter la diminution avant l’arrêt et évaluer la réponse. Il lui a fallu des années pour arriver à une telle ordonnance, il me semble qu’il faudrait au moins quelques mois pour l’élaguer sans danger, et avec l’agrément de la patiente (sinon elle ne mettra pas très longtemps à trouver des médecins qui lui rempliront de nouveau son panier).
Certains services de gériatrie font des hospitalisations destinées à diminuer la longueur de l’ordonnance, ça pourrait être une bonne solution pour cette dame.
Je suis bien conscient de ne pas jouer le jeu que tu nous proposes, Jean-Marie, mais j’ai beaucoup de mal à penser une ordonnance indépendamment de la personne à qui elle est adressée.
bon et avec tout ça, est-ce que quelqu’un va me dire si le bumétanide a vraiment un intérêt complémentaire sur l’HTAP par rapport au furo ? #sodomiedediptère