Une voix dissonante

Coup de tonnerre sur le site de theheart.org!

La toute prochaine ESC 2010 (28/08-01/09) n’a même pas encore commencé que des révélations fracassantes viennent troubler le monde de la cardiologie.

Un éminent cardiologue français qui a des liens financiers avec Servier, qui connait donc bien le sujet et qu’on ne peut pas taxer d’hostilité à ce laboratoire, vient de déclarer publiquement sur theheart.org que:

L’étude BEAUTIFUL n’a pas été un succès complet puisque l’objectif primaire n’a été atteint que pour des groupes de patients. Mon hypothèse, pour expliquer ce résultat, était que l’étude avait inclus des patients avec des fractions d’éjection basses. Quand on diminue la fréquence cardiaque de quelqu’un avec une fraction d’éjection basse, on supprime un facteur compensateur pour maintenir le débit cardiaque. Or dans SHIFT, on intervient dans une population avec une dysfonction systolique importante. On peut se demander si on ne va pas retrouver les mêmes problèmes que dans BEAUTIFUL. On va donc voir ce qui se passe : ou bien l’hypothèse de l’échec de BEAUTIFUL va se vérifier ou bien elle sera totalement contredite, tout est possible en médecine !

Pas été un succès complet!

C’est énorme, et en contradiction totale avec ce que j’avais lu dans la presse médicale que je reçois gratuitement presque tous les jours qui clamait haut et fort que Beautiful était un succès total et indiscutable. Pourtant, tout était étayé par des tas d’experts tout à fait respectables.

C’est difficile et très courageux de discuter ce qui est devenu un dogme médical, respect.

Bon, certes, nous sommes encore loin d’apercevoir le seuil de la vérité car la première phrase est fausse, puisque le critère primaire n’a jamais été atteint, même dans le groupe des FC>70. Je ne prends bien évidemment pas en compte l’analyse post-hoc publiée dans l’Eur Heart J un an après celle de Beautiful dans le Lancet. On ne va pas mélanger torchons et serviettes et commencer à prendre une analyse post-hoc pour autre chose qu’un moyen pour élaborer des hypothèses.

Cette approximation ne doit pourtant pas éclipser le fond de cette révélation.

L’ivabradine serait, pourrait-être, on ne peut pas exclure l’hypothèse, une molécule pas miraculeuse.

On respire enfin à Lourdes et Fatima.

J’ai bien aimé l’explication sur le succès relatif (je frémis quand j’écris cela) de Beautiful, c’est à dire sur la suppression du phénomène compensateur de la fréquence cardiaque chez les fractions d’éjections basses.

Je pense que la partie scientifique de l’entretien n’a pas été imprimée correctement car il me semble bien que les bêta-bloquants sont des bradycardisants c’est à dire qu’ils suppriment eux aussi ce fameux phénomène compensateur et qu’ils ont pourtant révolutionné la prise en charge des insuffisants cardiaques depuis pas mal d’années (milieu des années 70 en Scandinavie). Les inhibiteurs calciques bradycardisants (diltiazem et verapamil), eux, restent contre-indiqués chez les patients insuffisants cardiaques, alors qu’ils sont, tout comme les bêtabloquants inotropes négatifs. La digoxine, elle aussi bradycardisante (mais pas inotrope négative) a été beaucoup remise en cause par les études DIG. En fait, les bêtabloquants exercent leurs bénéfices par leur action sur le système neuro-hormonal. Les inhibiteurs calciques ne font à ma connaissance rien de tout cela, de même que la digoxine et…l’ivabradine. Ce sont les propriétés annexes de ces bradycardisants (action neurohormonale pour les bêtabloquants, inotrope négative pour les inhibiteurs calciques bradycardisants, pro-arythmique de la digoxine) qui expliquent leurs effets chez les insuffisants cardiaques. Or, l’ivabradine n’est que bradycardisante.

La diminution de la fréquence cardiaque n’est donc vraisemblablement ni une explication au non-succès relatif de Beautiful (Stupeur et Tremblement) ni une raison suffisante pour induire à elle seule une diminution de mortalité des patients insuffisants cardiaques.

On verra cela le 31/08, jour où les résultats de SHIFT seront présentés.

Je vais faire un pronostic très peu scientifique.

Je crois que l’étude sera négative:

  • parce que l’ivabradine n’est que bradycardisante et a déjà montré l’étendue de ses bénéfices dans Beautiful.
  • parce que je trouve que le labo ne fait pas trop de battage autour de cette ESC qui est pourtant importante pour lui.
  • parce qu’il est possible que cet entretien à theheart.org soit inconsciemment ou consciemment un début de justification anticipée à un succès relatif.

Mais Tout est possible en médecine!


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Dr Catherine Desmoulins. L’étude SHIFT est un « pari risqué » pour l’ivabradine . theheart.org. [International Editions > Édition française > Sections > Actualités > Insuffisance cardiaque]; 26 août 2010. Consulté à http://www.theheart.org/article/1113227.do le 27 août 2010




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