Une ESC saignante (1).

En ce moment se déroule à Barcelone le congrès européen de cardiologie.

Deux études, publiées en avance et en même temps dans le NEJM font déjà beaucoup parler d’elles.

La première, PLATO semble consacrer la supériorité d’un nouvel antiagrégant plaquettaire, le ticagrelor sur le clopidogrel. Le ticagrelor est un inhibiteur direct et réversible du récepteur plaquettaire P2Y12 de l’adénosine diphosphate.

« Direct et réversible » représentent une grande nouveauté par rapport aux thiénopyridines comme le clopidogrel, et plus récemment le prasugrel.

Qu’est-ce que cela signifie?

« Direct », car le ticagrelor se fixe directement sur le récepteur P2Y12, contrairement aux thiénopyridines qui nécessitent au préalable une hydrolyse puis une oxydation dans le foie pour le prasugrel et deux oxydations successives dans le foie, là aussi, pour le clopidogrel. Ces oxydations qui rendent le clopidogrel et le prasugrel actifs se font via le biais de cytochromes P450, notamment le 2C19 qui a le mauvais goût de pouvoir être inhibé par d’autres substances, notamment les IPP et d’avoir une variabilité génétique non négligeable (Cf. cette note).

Pour le ticagrelor, c’est direct, donc au moins intellectuellement, on peut supposer un moindre risque d’interactions et de variabilités.

« Réversible », car contrairement aux thiénopyridines, la fixation du ticagrelor sur son récepteur est réversible dans le temps. Ce qui signifie qu’à l’arrêt du traitement, l’agrégation plaquettaire va revenir bien plus rapidement à la normale. C’est très bien en cas de geste invasif programmé, c’est moins bien si le patient est peu compliant ou qu’il oublie son traitement.

Tout le monde attendait donc PLATO avec impatience pour savoir si ces intérêts théoriques allaient se traduire par un meilleur rapport bénéfice/risque que le clopidogrel chez le patient ayant présenté un syndome coronarien aigu (SCA), en association avec l’aspirine.

Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais après un an de suivi, le ticagrelor fait diminuer de 16% le critère principal combiné mort de cause vasculaire+IDM+accidents vasculaires cérébraux dans une population étudiée de près de 18624 patients.

L’étude n’a pas été faite pour cela, mais les auteurs ont aussi constaté une diminution significative de la mortalité globale à 1 an (4.5% contre 5.9%, p<0.001). En terme de saignement, majeur, globalement, le ticagrelor ne fait pas mieux ni pire que le clopidogrel: 11.6% contre 11.2% respectivement.

(petite remarque, ça fait quand même beaucoup de saignements majeurs, quelque soit le groupe)

Si l’on exclut les saignements au cours des pontages aortocoronariens, le ticagrelor fait quand même moins bien: 4.5% de saignements majeurs contre 3.8%. Notamment, il y a pas mal plus d’hémorragies intra-cérébrales fatales avec le ticagrelor:11 patients contre 1 dans le groupe clopidogrel. Étant donné la taille de la population étudiée, ça reste quand même assez marginal, mais je pense qu’il faut garder cette notion dans le fond de son esprit.

Des effets secondaires assez peu typiques des antiagrégants sont plus fréquents avec le ticagrelor:

– dyspnée (13.8% contre 7.8%, dans 0.9% des cas cette dyspnée a fait arrêter le traitement, contre 0.1% dans le groupe clopidogrel)

– augmentation de la créatininémie au cours du traitement

Globalement, en comparaison avec le clopidogrel, le ticagrelor permet d’améliorer le pronostic à 1 an des patients ayant présenté un SCA récent, sans que cela se paye d’une augmentation rédhibitoire du risque hémorragique.

Les commentaires sont plutôt élogieux sur cette molécule, malgré quelques petites remarques ça et là: on aimerait tant être certain qu’elle fasse baisser la mortalité globale, sans oublier le risque d’hémorragies intra-cérébrales et les effets secondaires « atypiques » à surveiller.

Je ne suis pas certain que le clopidogrel, installé depuis longtemps et en passe d’être génériqué, souffre beaucoup de ce nouveau concurrent.

Par contre, le prasugrel me semble bien mal parti.

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Texte disponible librement:

Wallentin L, Becker RC, Budahj A, et al. Ticagrelor versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. N Engl J Med 2009; DOI:10.1056/NEJMoa0904327.

Schömig A. Ticagrelor—is there need for a new player in the antiplatelet-therapy field? N Engl J Med 2009; DOI:10.1056/NEJM e0906549.

Lisa Nainggolan. PLATO shows benefits of ticagrelor over clopidogrel. theheart.org. [Clinical Conditions > Acute Coronary Syndromes > Acute coronary syndromes]; Aug 30, 2009. Accessed at http://www.theheart.org/article/995621.do on Aug 30, 2009

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