Dallas, ton univers impitoyable…

D’abord, je voudrais m’excuser auprès de tous ceux à qui ce titre pourrait rappeler des souvenirs difficiles. Comme d’habitude, si une victime, ou un ayant droit des auteurs du générique français de la série Dallas me le demande, je consentirai à changer mon titre.

En fait, nous ne sommes pas à Dallas, mais au CHU.

Mais l’ambiance est la même.

La question aujourd’hui, c’est qui a tué le gentil Bobby?

J’ai adoré le petit extrait suivant tiré d’un article du toujours excellent theheart.org:

A en croire plusieurs passages du livre d’Irène Frachon, Mediator 150 mg, les choses ne se sont pas du tout passées comme cela:

Je repense alors aux recommandations de Geneviève Derumeaux et discute avec Yannick de l’opportunité d’associer le professeur Christophe Tribouilloy, cardiologue à l’hôpital d’Amiens, à nos préoccupations.Yannick sursaute, Christophe est un ami qu’il considère comme l’un de ses Maîtres et il a l’habitude de se tourner vers lui pour des avis et des collaborations. Il me promet de l’appeler. Christophe Tribouilloy trouve nos suspicions crédibles et promet de regarder de son côté car il n’a pas entendu parler de cette toxicité potentielle jusqu’ici. Nous échangeons quelques mails pour détailler un peu le type d’atteinte de valves que nous cherchons à sélectionner et je lui adresse en pièce jointe, la totalité de mes données sous forme de diaporama : observations cliniques, échographiques, photos des valves et des analyses microscopiques. Assez vite Yannick me conseille de l’appeler pour préciser notre collaboration car Christophe travaille vite et est un redoutable « publicateur » scientifique. Il se montre plutôt circonspect et réservé vis-à-vis de notre projet d’étude cas-témoins aussi je lui propose de colliger ensemble nos observations, si tant est qu’il fasse les mêmes « trouvailles » que nous. Je m’aperçois très vite qu’il prend ses distances et ne souhaite pas poursuivre plus loin une collaboration.Dommage, je reste avec mes questions sur « le gène breton » en suspens.

J’ai adressé la veille du 7 juillet un petit mail au cardiologue d’Amiens, Christophe Tribouilloy, pour savoir si la trace du Mediator apparait sur certains dossiers de valvulopathies non expliquées. Amiens ne répond plus.

Dans le hall de l’Afssaps j’aperçois Geneviève Derumeaux qui rejoint l’équipe Servier puis vient s’assoir à mes côtés, « Bonjour Irène, j’arrive de Lyon pour présenter des résultats de l’essai Servier, je ne sais pas du tout ce que vous avez à dire mais sachez que nous ne sommes pas des adversaires ». Elle s’enquiert de mes démarches auprès de Christophe Tribouilloy et se désole de mes déboires. « Décidément, ce n’est pas simple de faire travailler les gens ensemble… ».

Le pharmacologue d’Amiens demande à son tour d’intervenir : avec son collègue Christophe Tribouilloy, il a conduit une étude ressemblant à la nôtre.Ainsi, chez les patients ayant une insuffisance valvulaire incomprise, l’exposition antérieure au Mediator est très fréquemment retrouvée alors qu’elle est quasi inexistante lorsqu’existe une cause identifiée.Une publication est soumise depuis début septembre.Heureuse de l’apprendre, exit le gène breton !

Comme nous nous y attendions, Christophe Tribouilloy, d’Amiens, nous devance en publiant très vite son travail. Découvrant l’article, j’y retrouve nos idées, nos constatations, et heureusement aussi, nos conclusions.
Geneviève Derumeaux, présidente de la Société Française de Cardiologie met en ligne, sur le site web de cette dernière, une proposition de registre afin de colliger les cas dépistés après le retrait du médicament. Elle m’en fait part, d’un mot chaleureux, par mail.

[NDLR:il s’agit du fameux registre évoqué dans le passage de theheart.org.]

Qui a raison, qui a tort?

A la limite cela n’a pas d’importance.

Dommage qu’ils n’aient pas travaillé ensemble, on aurait peut-être gagné quelques semaines.

CHU, ton univers impitoyâââble…

°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°

Mediator 150 mg, sous titre censuré

Irène Frachon

Editions-dialogues.fr

(Pages citées: 90, 94, 109, 111 et 127)

 

10 Replies to “Dallas, ton univers impitoyable…”

  1. heureusement que les bretons sont plus calmes que les corses! je connais au moins un autre cas ou un résultat majeur de la cardiologie française a été largement volé par un relecteur,le découvreur étant ensuite perdu parmi les auteurs de l étude coopérative faussement dite princeps

  2. C’est comme la mutation jak2 v617f (découverte de la décennie probablement en hématologie) publiée par l’équipe de Vainchenker (cocorico)… et 3 autres équipes en même temps… Certains pensent qu’un des reviewers a bloqué la publication française le temps de faire le travail de son côté et d’en parler à un collègue américain qui lui aussi s’y est mis… Du coup, y’a eu un Nature, un Lancet et un NEJM quasiment en même temps sur la découverte de la même mutation… Quelle coïncidence…

  3. qu’est ce qu’on fait avec nos vieux parents à qui leur MG leur en a fait avaler depuis des lustres et qui sont incapables de faire quelque chose « ha bon , j’ai plus les mêmes médicaments qu’avant ? »
    y-a-il une fiche guide quelque par sur le net qu’on doit leur faire suivre ?

  4. mm question que mnl
    vu ce matin un vieux patient 70 ans tjrs sous mediator depuis 2009
    géné de lui dire de poser la question à son généraliste (un copain qui j’espère le restera) sur les autres possibilités
    mm en essayant de faire soft j’ai un peu l’impression de m’immiscer dans le TT alors que je ne comprends plus grand chose au problème (je survole le sujet grâce à vous mais je manque de temps pour l’étudier à fond)

    1. A 70 ans, on n’est pas vieux! si vous me permettez de le dire. Mais comme vous, Zigmund, je ne comprends pas pourquoi ce médicament est devenu un problème de santé, au bout tant d’années . L’explication de Jean-Marie Vailloud était/ est très bien, mais lors des essais (avant l’autorisation et sa mise sur le marché ) n’y avait-il pas des indices que cette maladie peut apparaitre? est-ce que cela veut-il dire que tout ces essais ne valent pas grand chose sur le long terme? On peut aller plus loin, quel médicament n’aura pas un jours la surprise d’être la source d’une maladie grave? Qui encore croire sur les effets bénéfiques et les effets indésirables?
      Je me souviens bien du Médiator, mon père le prenait pendant des années, avec un autre pour le diabète.

      Bonne soirée

  5. certains lecteurs cardiologues de cet excellent blog ont probablement assisté à des videotransmissions de post AHA ou post ESC ces dernières années. Essayez de vous rappeler le sponsor. Vous comprendrez sans doute mieux quelques retards à l’allumage et quelques explications médiatiques du genre ‘de totes façons, les valves des diabétiques c’est deja abimé’

  6. la SFC se vautre avec les labos ,le CNCF itou , je ne serais pas étonné que le père SERVIER soit le premier sponsor sur le long cours pouvant etre dépassé ponctuellement ( tout gros lancement de produit imposant un arrosage large l’année de la sortie)
    ,si l’on considère le publi-commentaire des études Servier dans la presse gratuite en particulier cette année au moins une douzaine d’agrégés semblent très mouillés
    bon dossier dans le Monde mais ils arrivent après la bataille les commentaires sur le procès perdu sur le sous titre n’ont guère été suivi d’articles de fond…
    honte à moi aussi un correspondant m’a rappelé que nous n’avions pas fait la déclaration de pharmacovigilance sur un cas possible il y a quelques années imputation évidente pour 2 vieux lecteurs de Prescrire

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