Bon, je vais essayer de faire la critique du livre de Irène Frachon que j’ai terminé hier au soir.
Ce n’est pas très simple, car des tas d’interférences viennent un peu troubler ce que je peux en penser.
Hors postface et glossaire, il fait 129 pages que j’ai dévorées en deux courtes soirées.
Le texte est bien écrit et les phrases courtes font l’économie de circonvolutions qui pourraient nuire à la compréhension d’une histoire pas simple à appréhender, avec de multiples intervenants et rebondissements.
Au début, j’ai eu un peu de mal à m’adapter à ce récit d’une quête scientifique pointue écrit avec les tripes. Surtout que les personnes et les lieux dont l’auteur parle sont réels. Puis après quelques pages, on se laisse happer.
Globalement, ce récit est quand même plus écrit pour des professionnels de santé que pour le grand public. Et parmi les professionnels, ceux qui connaissent les lieux et les personnes vont bien évidemment accéder encore à une dimension supplémentaire.
J’ai adoré le non-dit accusateur contre un cardiologue d’Amiens bien connu.
J’ai aimé la référence à Dominique, et plus largement la façon dont elle a utilisé la toile pour avancer:
Au milieu des ces échanges, bruissant de rumeurs, fausses certitudes et mauvais tuyaux, je note l’intervention d’un médecin, administrateur de l’excellent site Atoute.org : « Le Mediator contient du benfluorex, écrit le docteur Dominique Dupagne dès 2004. C’est un médicament assez étrange, essentiellement coupe-faim par action proche des amphétamines. Il a échappé à la charrette du marché concernant ses cousines. Son positionnement est subtil, uniquement dans le cadre du diabète et de l’excès de triglycérides. En fait, il est largement utilisé comme coupe-faim en dehors de ses indications officielles. Comme les amphétamines, il est excitant et peut provoquer un excès de nervosité.Tout accident survenant dans cette situation non prévue par la loi engage donc la responsabilité du prescripteur ». Et Dupagne de conclure « Je ne serais pas surpris en effet qu’il soit retiré du marché à court ou moyen terme ». Seul et dernier rescapé du nettoyage après l’interdiction de toutes les amphétamines, on se l’arrache.
Bon bouquin, donc.
A lire pendant que l’affaire du Médiator® est encore chaude, pour se faire sa propre opinion.
Lorsque je lis les récits de médecins sur leur difficultés à élaguer les ordonnances de certains patients, je me demande comment dans ma pratique courante je peux en tant que pharmacien contribuer à faire baisser les prescriptions de ce genre de produit. Parce qu’ils sont inutiles et / ou surtout dangereux (dans leur AMM ou en dehors), j’aimerai bien pouvoir y faire quelque chose. Parce que même si je lis Prescrire avec intérêt, ça me fait une belle jambe si un jour l’idée suicidaire me venait d’appeler le prescripteur pour chaque ordonnance avec ce genre de produit (même avec la biblio à l’appui). Refuser la délivrance ou déconseiller fortement l’utilisation va semer la confusion dans l’esprit du patient et le paniquer : qui croire ? Pourquoi ne lui a t-on jamais rien dit avant ? que penser du médecin ? dois-je changer de médecin ? Dans tout les cas on risque de s’attirer le courroux de tout les médecins du coin. Délivrer parce que le médecin l’a prescrit et que l’AMM est respectée est peut être suffisant pour la loi mais pas pour la conscience. J’espère naïvement que cet épisode changera quelque chose et qu’un tri dans les médicaments sera fait (spéciale dédicace au père noël).
C’ est mille fois vrai.
Dans une vie antérieure, à maintes et maintes reprises, j’ ai été confronté à des situations qui dépassaient l’ entendement. Je cite en vrac (toute ressemblance avec des cas connus est bien réelle) :
– le courroux d’ un patient à qui on refuse un médicament (qu’ il n’ a jamais eu) soumis à prescription ;
– l’ indignation du médecin parce qu’ on a dépanné un chronique avec une plaquette d’ amlodipine (qu’ il prend depuis sept ans – le patient, pas le médecin -). En arrière fond, on entend « exercice illégal de la médecine ») ;
-le commentaire désobligeant du même médecin parce qu’ on a refusé un antibiotique au quidam qui se plaignait d’ un mal de gorge (c’ est ce qu’ il me prescrit toujours dans ce cas). C’ est à peine si on ne va pas vous faire un procès pour non-assistance à personne en danger.
– la risée du patient qui a sollicité un conseil et qui se voit proposer un produit efficace (mais avec le défaut majeur d’ être bon marché) : « comment cela peut-il faire de l’ effet à ce prix-là);
Encore une (pour les pharmaciens, celle-là) puis j’ arrête :
Je reçois un jour une prescription pour une préparation magistrale carrément impossible à réaliser (en gros, il fallait incorporer cinq grammes d’ un principe actif dans un suppositoire qui, excipient compris, fait trois grammes). Coup de fil au toubib pour lui exposer l’ impossibilité de la chose.
Et bien j’ ai passé pour un con parce que : » Monsieur, cela fait des années que je prescris cette préparation et votre confrère X ne m’ a jamais fait ce genre de remarque ».
A votre avis, il foutait quoi, le confrère X ?
Tout ceci n’ est qu’ une infime portion de la partie visible de l’ iceberg.
Un jour, peut-être, j’ écrirai un livre.
Et je ne suis pas tellement sûr qu’ on croira tout ce qui y figurera.
Le titre :
« Il ne faut pas nécessairement être fou pour exercer la profession de pharmacien mais, avouons-le, ça aide ».
sans doute suis je bien naïf mais je n’imaginais pas qu’un pharmacien pouvait entrer en « conflit » avec un médecin sur une prescription
(peut être aussi parce que j’ai de bons rapports avec les pharmaciens alentour)
les seuls rares bugs concernent le refus de délivrance préalable de skiacol’ normal mais lourd parce qu’il faut que le patient se déplace 2 fois ce qui n’est pas simple
pour les renouvellements,( vu notre délai de RDV) je suis plutôt reconnaissant au pharmacien qui avance un flacon de collyre pour « faire la jonction »
et comme mes souvenirs de médecine générale sont lointains, c’est au pharmacien que je demande conseil pour traiter certains bobos familiaux ‘pour éviter d’enquiquiner le copain géneraliste surbook
mais soit je suis naïf, soit je vis dans un coin de bisounours
Avant que mon intervention fasse partir le fil de message dans le hors sujet, je recadre un peu mon souhait : j’aimerai une amélioration de la pratique médicale ou le médecin et le pharmacien travaillent plus de concert pour améliorer la prise en charge du patient. J’étais passé dans un coin ou médecins et pharmaciens se réunissaient de temps en temps pour faire un bilan des dysfonctionnement et partager l’information médicale. Je n’ai pas revu de telles initiatives ailleurs et je trouve ça dommage. Je pense que ça serait un plus pour limiter la propagation de traitement douteux.
@Aléatoire là il faudrait déjà que les « médecins du coin » aient envie de se réunir et partagent la même éthique de prescription et de formation…
Aujourd’hui je reçois mon numéro mensuel de La Recherche… il est accompagné d’un supplément, ma foi pas mal fait, intitulé « Le savoir du corps / Réflexions croisées sur le soin ». Ce supplément, oh coïncidence, est signé… « Servier/La Recherche » ;->
j’allais le dire! avec une interview du pdg croustillante dans le contexte…. Servier est le sponsor du prix biologie dudit journal toujours excellent par ailleurs