Du miracle monétaire chinois.

De la monnaie du Grand Khan.

La monnaie du Grand Khan n’est ni d’or, ni d’argent, ni d’autre métal. On se sert pour la faire de l’écorce intérieure (le liber) de l’arbre qu’on appelle mûrier, qui est celui dont les feuilles sont mangées par les vers qui font la soie. Cette écorce, fine comme papier, étant retirée, on la taille en morceaux de diverses grandeurs, sur lesquels on met la marque du prince, et qui ont diverses valeurs depuis la plus petite somme jusqu’à celle qui correspond à la plus grosse pièce d’or [1]. L’empereur fait battre cette monnaie dans la ville de Cambalu, d’où elle se répand dans tout l’empire : et il est défendu, sous peine de la vie, d’en faire ou d’en exposer d’autre dans le commerce, par tous les royaumes et terres de son obéissance, et même de refuser celle-là. Il n’est pas permis non plus à personne venant d’un autre royaume qui n’est pas sujet au Grand Khan d’apporter d’autre monnaie dans l’empire du Grand Khan. D’où il arrive que les marchands qui viennent souvent des pays éloignés à la ville de Cambalu apportent de l’or, de l’argent, des perles et des pierres précieuses, qu’ils troquent contre cette monnaie impériale ; mais, parce qu’elle n’a point cours en leurs pays, quand ils veulent s’en retourner, ils en achètent des marchandises qu’ils emportent en leurs pays. Le roi commande quelquefois à ceux qui restent à Cambalu qu’ils aient à porter leur or, leur argent et leurs pierres précieuses sans retardement entre les mains de ses officiers, et en recevoir la juste valeur en la monnaie susdite. De là il arrive que les marchands et les habitants n’y perdent rien ; et que par ce moyen le roi tire tout l’or et se fait de grands trésors. L’empereur paye aussi en cette monnaie ses officiers et ses troupes ; et enfin il en paye tout ce qu’il a besoin pour l’entretien de sa maison et de sa cour. De sorte qu’il a fait d’une chose de rien beaucoup d’argent et qu’on peut faire aussi beaucoup d’or et d’argent avec cette misérable monnaie. Ce qui fait qu’il n’y a point de roi au monde plus riche que le Grand Khan, car il amasse des trésors immenses d’or et d’argent, sans dépenser rien pour cela.

[1]Avons-nous besoin de faire remarquer qu’il s’agit d’un papier-monnaie fabriqué avec les fibres du mûrier, qui encore aujourd’hui sont particulièrement employées pour la confection du papier japonais, si recherché parmi nous ? Rubruquis (chap. XXXIX) parle aussi de ce papier-monnaie, qui avait déjà cours sous le prédécesseur de Koubilaï. M. Pauthier, qui a compulsé les anciens documents officiels, dit que sous le seul règne de Koubilaï il fut émis pour un milliard huit cent soixante-douze millions de papier-monnaie, sans que ces émissions correspondissent, bien entendu, à aucune réserve équivalente des sommes qu’elles représentaient. Système financier d’une commodité sans égale.

 

Polo M et coll. Le Devisement du Monde 1298; livre 2, chapitre 21.

Traduction et note tirées de l’édition Eugène Müller (1888)

3 Replies to “Du miracle monétaire chinois.”

  1. Ah, toi aussi, tu trouves que…
    Au fait, ça c’est terminé comment pour le papier mûrier ?

    – Je vous dois combien docteur ?
    – Deux poulets et demi
    – Vous avez la monnaie sur une dinde ?
    – Oui, voici trois oeufs.

  2. Pourquoi ce passage des lectures obligées des classes de 5° ?
    rapport avec l’or que ce font les industries pharmaceutiques ?

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