La dronédarone (MULTAQ®) est donc commercialisée depuis quelques semaines en France, et je commence à en voir passer sur les ordonnances.
Si l’on met de côté le problème de son efficacité, reste celui des nombreuses interactions médicamenteuses, et c’est pas de chance, avec des médicaments usuels en cardiologie.
Que dit la section 4.5 du RCP?
La dronédarone est principalement métabolisée par le CYP3A4 (voir rubrique Propriétés pharmacocinétiques). En conséquence, les inhibiteurs et les inducteurs du CYP3A4 peuvent potentiellement agir sur la dronédarone. La dronédarone est un inhibiteur modéré du CYP3A4, un inhibiteur faible du CYP2D6 et un inhibiteur puissant de la glycoprotéine P (P-gp). La dronédarone peut donc potentiellement interagir sur les médicaments substrats des glycoprotéines P, du CYP3A4 ou du CYP2D6.
La dronédarone n’est pas un inhibiteur potentiellement significatif des CYP1A2, CYP2C9, CYP2C19, CYP2C8 and CYP2B6.
Une interaction pharmacodynamique potentielle peut aussi être observée avec les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques et les digitaliques.
Médicaments induisant des torsades de pointes
Les médicaments induisant des torsades de pointes tels que les phénothiazines, le cisapride, le bépridil, les antidépresseurs tricycliques, certains macrolides oraux, la terfénadine et les antiarythmiques de classe I et III, sont contre-indiqués en raison du risque arythmogène potentiel (voir rubrique Contre-indications). De plus, la co-administration de bêtabloquants ou de digoxine doit être réalisée avec précaution.
Effets d’autres médicaments sur MULTAQ
Inhibiteurs puissants du CYP3A4
L’administration de doses répétées de 200 mg par jour de kétoconazole a entrainé une exposition à la dronédarone augmentée de 17 fois. En conséquence, l’utilisation concomitante du kétoconazole, ainsi que d’autres inhibiteurs puissants du CYP3A4 tels que l’itraconazole, le voriconazole, le posaconazole, le ritonavir, la télithromycine, la clarithromycine ou la néfazodone, est contre-indiquée (voir rubrique Contre-indications).
Inhibiteurs modérés/faibles du CYP3A4: inhibiteurs calciques
Les inhibiteurs calciques, le diltiazem et le vérapamil sont des substrats et/ou des inhibiteurs modérés du CYP3A4. De plus, en raison de leur propriétés bradycardisantes, le vérapamil et le diltiazem peuvent potentiellement interagir avec la dronédarone sur un plan pharmacodynamique. Des doses répétées de diltiazem (240 mg deux fois par jour), de vérapamil (240 mg une fois par jour) et de nifédipine (20 mg deux fois par jour) ont entrainé une augmentation de l’exposition à la dronédarone respectivement de 1,7; 1,4 et 1,2 fois. La dronédarone (400 mg deux fois par jour) a également augmenté l’exposition aux inhibiteurs calciques (1,4 fois pour le vérapamil et 1,5 fois pour la nisoldipine). Dans les études cliniques, 13% des patients ont reçu des inhibiteurs calciques en association avec la dronédarone. Il n’y a pas eu d’augmentation du risque d’hypotension, de bradycardie et d’insuffisance cardiaque.
En général, en raison du risque d’interaction pharmacocinétique et d’une possible interaction pharmacodynamique, les inhibiteurs calciques avec effets dépresseurs sur le noeud sinusal et le noeud auriculo-ventriculaire tels que le vérapamil et le diltiazem, doivent être utilisés avec prudence en cas d’association avec la dronédarone. Ces traitements doivent être débutés à faible dose et toute augmentation doit être réalisée uniquement après évaluation de l’ECG. Chez les patients déjà sous inhibiteurs calciques au moment de l’introduction de la dronédarone, un ECG doit être réalisé et la posologie de l’inhibiteur calcique doit être adaptée, si besoin (voir rubrique Mises en garde et précautions d’emploi).
D’autres inhibiteurs modérés du CYP3A4 tels que l’érythromycine sont aussi susceptibles d’augmenter l’exposition à la dronédarone.
Inducteurs du CYP3A4
La rifampicine (600 mg une fois par jour) diminue l’exposition à la dronédarone de 80% sans modifications majeures sur son métabolite actif. En conséquence, la co-administration de la rifampicine et d’autres inducteurs puissants du CYP3A4 tels que le phénobarbital, la carbamazépine, la phénytoïne ou le millepertuis, est déconseillée car ils diminuent l’exposition à la dronédarone.
Effets de MULTAQ sur d’autres médicaments
Interactions avec les médicaments métabolisés par le CYP3A4
• Statines
La dronédarone peut augmenter l’exposition aux statines qui sont des substrats du CYP3A4 et/ou de la P-gp.
La dronédarone (400 mg deux fois par jour) a augmenté respectivement par 4 et 2 fois l’exposition à la simvastatine et à la simvastatine acide. On peut s’attendre à ce que la dronédarone augmente également l’exposition à la lovastatine et l’atorvastatine dans la même proportion que la simvastatine.
L’interaction de la dronédarone avec les statines transportées par l’OATP, telles que la fluvastatine et la rosuvastatine, n’a pas été étudiée. Dans les essais cliniques, il n’y a pas de signal suggérant un problème de tolérance lors de la co-administration de la dronédarone avec des statines métabolisées par le CYP3A4.
Les statines à doses élevées augmentant le risque de myopathie, la co-administration des statines doit être réalisée avec précaution. Une posologie initiale et d’entretien plus faible doit être considérée en fonction du résumé des caractéristiques du produit en vigueur des statines avec une surveillance pour détecter l’apparition éventuelle de signes cliniques de toxicité musculaire (voir rubrique Mises en garde et précautions d’emploi).
• Inhibiteurs calciques
L’interaction de la dronédarone avec les inhibiteurs calciques est décrite ci-dessus (voir rubrique Mises en garde et précautions d’emploi).
• Sirolimus, tacrolimus
La dronédarone pourrait augmenter les concentrations plasmatiques du tacrolimus et du sirolimus. La surveillance de leurs concentrations plasmatiques et un ajustement approprié de leur posologie est recommandée en cas de co-administration avec la dronédarone.
• Contraceptifs oraux
Aucune diminution de l’éthinylestradiol et de lévonorgestrel n’a été observée chez les sujets sains recevant de la dronédarone (800 mg deux fois par jour) et sous contraceptif oral.
Interaction avec les médicaments métabolisés par le CYP2D6 : bêtabloquants, antidépresseurs
• bêtabloquants
La dronédarone peut augmenter l’exposition aux bêtabloquants métabolisés par le CYP2D6. De plus, les bêtabloquants peuvent interagir avec la dronédarone sur un plan pharmacodynamique. La dronédarone à la posologie de 800 mg par jour a augmenté l’exposition du métoprolol de 1,6 fois et celle du propranolol de 1,3 fois (soit un niveau bien inférieur que la différence de 6 fois observée entre les patients métaboliseurs lents et rapides du CYP2D6). Dans les essais cliniques, il a été observé une fréquence des bradycardies plus élevée lors de la co-administration de la dronédarone avec des bêtabloquants.
En raison de l’interaction pharmacocinétique et d’une possible interaction pharmacodynamique, les bêtabloquants doivent être utilisés avec précaution lors de la co-administration avec la dronédarone. Ces médicaments doivent être instaurés à faible dose et une augmentation posologique doit être réalisée seulement après une évaluation de l’ECG. Chez les patients déjà sous bêtabloquants au moment de l’initation de la dronédarone, un ECG doit être réalisé et la posologie de bêtabloquant doit être ajustée si nécessaire (voir rubrique Mises en garde et précautions d’emploi).
• Antidépresseurs
La dronédarone étant un faible inhibiteur du CYP2D6 chez l’homme, une interaction limitée sur les antidépresseurs métabolisés par le CYP2D6 est attendue.
Interaction avec les substrats de la P-gp
• Digoxine
La dronédarone (400 mg deux fois par jour) a augmenté l’exposition à la digoxine de 2,5 fois par inhibition du transporteur gp-P. De plus, les digitaliques peuvent potentiellement interagir avec la dronédarone sur un plan pharmacodynamique. Un effet synergique sur la fréquence cardiaque et la conduction auriculo-ventriculaire est possible. Dans les essais cliniques, une élévation des taux de digitaliques et/ou des troubles gastro-intestinaux, indiquant une toxicité des digitaliques ont été observés lors de la co-administration de la dronédarone avec les digitaliques. La dose de digoxine doit être diminuée d’environ 50%, la digoxinémie doit être étroitement surveillée, un suivi clinique et électrocardiographique est recommandé.
Interaction avec la warfarine et losartan (substrats du CYP2C9)
La dronédarone (600 mg deux fois par jour) a augmenté de 1,2 fois la S-warfarine sans changement sur la R-warfarine avec seulement une augmentation de l’INR d’un facteur 1,07.
Aucune interaction n’a été observée entre la dronédarone et le losartan et une interaction entre la dronédarone et les autres ARAII (inhibiteurs des récepteurs à l’angiotensine II) n’est pas attendue.
Interaction avec la théophylline (substrat du CYP1A2)
La dronédarone 400 mg deux fois par jour n’augmente pas la concentration à l’équilibre de la théophylline.
Autre information
Le pantoprazole (40 mg une fois par jour), un médicament augmentant le pH gastrique sans aucun effet sur le cytochrome P450, n’a pas modifié de façon significative la pharmacocinétique de la dronédarone.
Jus de pamplemousse (inhibiteur du CYP3A4)
Des doses répétées de 300 ml de jus de pamplemousse trois par jour ont augmenté de 3 fois l’exposition à la dronédarone. En conséquence, les patients traités par la dronédarone devront être informés d’éviter de prendre des boissons à base de jus de pamplemousse (voir rubrique Mises en garde et précautions d’emploi).
Elle dit donc beaucoup de choses…
Pour résumer en trois mots: prudence, prudence, prudence.
D’autant plus que j’ai testé aujourd’hui BCB Hôpital et la base Thériaque, qui sont deux systèmes répandus d’analyse d’ordonnances et ils n’ont pas détecté ces interactions, même les contre-indications.

(Capture d’écran BCB Hôpital, tous les voyants sont verts)
(Par contre, la BCB iPhone les signale, va comprendre, Charles…. Sur Vidal Expert®, ça donne quoi?)
(capture d’écran BCB iPhone, là, le voyant est rouge…)
L’Afssaps a répercuté un « Plan de Gestion des Risques » européen au niveau français. Les professionnels de Santé ont donc reçu un courrier qui est aussi disponible sur un site administré par Sanofi-Aventis (uhmmmm…).
Donc malgré l’existence d’un système de transmission/échange de données qui fonctionne pas trop mal en 2010, je parle d’internet, il est toujours peu commode à un professionnel de Santé français de déclarer un effet indésirable grave ou inattendu:
L’Afssaps rappelle que tout effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être lié à l’utilisation de Multaq® doit être déclaré par les professionnels de santé au CRPV de rattachement géographique (coordonnées disponibles sur le site Internet de l’Afssaps http://www.afssaps.fr ou dans les premières pages du Dictionnaire Vidal ®).
Toujours pas de déclaration en ligne (surtout pour l’initier, en fait), pas d’adresse unique…
Back to The Trees!
On peut quand même trouver un formulaire de déclaration ici, et là les coordonnées des centres français de pharmacovigilance.
Même sur le site internet de l’Afssaps, le rédacteur de la page concernant la déclaration, probablement désabusé, a fait un lapsus révélateur (dans Comment déclarer):
Il est recommandé de transmettre ces informations par écrit ou au moyen du après contact téléphonique préalable le cas échéant.
Au moyen du quoi?
- télégraphe Chappe?
- message par signaux de fumée?
- télégraphe sans fil?
- pigeon réglementaire de l’Armée de Terre?
- fax?
Et pendant ce temps, en Grande-Bretagne, la NHS permet aux professionnels de santé et aux patients de faire des e-déclarations sur cette page.
Sancta Simplicitas…
43.297612
5.381042
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