L’un de vous signalait il y a quelques temps le danger de ne plus savoir ce qu’il y a dans des associations fixes qui sont une mode assez récente, et dont le nom est souvent peu évocateur.
J’ai récupéré hier une ordonnance de sortie d’une dame de 85 ans, cosignée par un cardiologue et un médecin généraliste (pas de jaloux).
Le relevé informatisé de ce qui a été prescrit et administré m’a permis de voir l’évolution en deux temps de son ordonnance.
Première ordonnance:
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vérapamil LP 120*2
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Atacand® 8*1
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Lasilix® 40*1
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Discotrine® 10 mg/24h
Sa tension ne devait pas être optimale, les médecins ont donc modifié sa prescription. Ils ont remplacé le vérapamil par du Tarka®, l’Atacand® par de l’Hytacand®, et ont gardé le lasilix® et la Discotrine®. Cela parait logique, conditionné, je dirais, on passe d’une double monothérapie à une double bithérapie.
Oui, mais l’ordonnance de sortie devient alors une terrible soupe de sorcière:
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Tarka LP®*1 (vérapamil 180+ trandolapril 2)
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Hytacand® 8/12.5*1 (candésartan 8+ hydrochlorothiazide 12.5)
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Lasilix® 40 (furosémide 40)
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Discotrine® 10 mg/24h (trinitrine)
Au total, à 85 ans, 2 diurétiques, et une association IEC + ARA2 du plus bel effet. Vous noterez pour la bonne bouche le nitré percutané que les orthopédistes adorent, les gens âgés, moins.
Elle est arrivée chez nous un peu déshydratée avec une créatininémie à 283µmol/l.
Avant la soupe de sorcière, sa créatininémie était de…133µmol/l!
Quelqu’un d’extérieur à notre métier m’a demandé très récemment comment les labos pharmaceutiques pouvaient faire passer aux médecins des messages basés sur des notions totalement erronées de pharmacologie.
Je lui ai dit que j’étais, comme les autres, assez/très mauvais en pharmacologie, parent pauvre de notre éducation médicale (jusqu’à mon époque en tout cas).
Je pensais aussi à la pharmacologie au sens large du terme, c’est à dire la connaissance du médicament.
Cette ordonnance vient très opportunément illustrer mon propos moins d’une semaine après cette conversation.
Quand je me considère, je me désole, quand je me compare, je me console…
Néphroprotection optimale pour son insuffisance rénale chronique (DFG de base à 30 ml/mn);-)
Après il faut faire attention à la déshydratation, avec ça comme ordonnance la créat monte vite, surtout si il ya des sténoses sur les Artères rénales.
Est ce qu’elle a une protéinurie?
Le furosémide comme antiHTA c’est vraiment pas top.
J’adore la soupe, mais ce type de soupe ne fait que me renforcer dans mes positions, pas de soupe médicamenteuse (pas d’association médicamenteuse) chez la personne âgée.
Cette observation est un bien bel exemple.
En parlant d’analyse d’ordonnance, sur la BCB:
HYTACAND + ESIDREX: la redondance est vue (ouf!)
LASILIX + ESIDREX: la redondance est vue (ouf!)
HYTACAND + LASILIX: la redondance n’est pas vue (zuuuuuuuuut!)
Après avoir soumis le problème à la BCB le 11/04, voilà leur réponse le 12/04:
« Nous sommes en train de travailler à parfaire notre système de détection des redondances.
Nous avons bien conscience qu’il est incomplet avec la multiplication de spécialités présentant des associations de principes actifs, notamment dans le traitement de l’hypertension.
Nous travaillons donc à une amélioration de ce système de détection des redondances et espérons pouvoir vous proposer une solution optimisée dans les meilleurs délais. »
La BCB se plaindrait presque de la multiplication des spécialités en principes actifs(« notamment dans le domaine de l’hypertension ») ce qui est symptomatique… alors vous imaginez avec les trithérapies…!!!
Si l’informatique a du mal à suivre, alors nos pauvres cerveaux d’humain risquent aussi de se tromper…. sauf si notre libre arbitre nous amène à refuser ces associations « prêtes à prescrire » qui paralysent l’intelligence et la réflexion.
Ca me rappelle les belles pages de publicité de la presse médicale gratuite (beaucoup d’associations de principes actifs): avec leurs jolies couleurs, elles ont un côté hypnotique. Docteur, laisses toi guider…
Sur la plaquette d’un nouvel antiagrégant plaquettaire on voit un homme en costume dans un aéroport avec sa valise à roulettes…
Ca pourrait être un cardiologue qui part on ne sait où… question d’interprétation bien sûr…!!! Les messages subliminaux marchent assez bien. Je dérive, je dérive…
Merci pour ton blog d’utilité publique.
J’imagine le casse-tête pour eux!
Pour la redondance entre lasilix et esidrex, c’est tout à fait discutable, ceux sont deux diurétiques qui ont leur utilité en association dans des syndromes oedémateux sévères lors de certains syndromes néphrotiques ou chez des insuffisant cardiaques. La cible moléculaire et le site d’action sont différents. Il n’y a pas forcément de redondance à les utiliser ensemble mais plutôt une complémentarité. Dans le cas de la patiente, si l’objectif est tensionnel, le lasilix en une prise est un très mauvais choix alors que l’esidrex est parfait. Le lasilix est un mauvais traitement de l’HTA en monoprise il faut plutôt fractionner.
Concernant hytacand et esidrex, redondance oui et non, car dans l’hytacand il y a seulement 12,5 mg de thiazidique qui n’est pas la dose maximum mais plutôt 25 mg. Si le médecin veut optimiser le diurétique il faudra peut être rajouter un demi esidrex pour les 25 mg.
Ce n’est pas si simple que ça la prescription.
Les associations fixes ne sont pas si mauvaise que ça si on sait ce qu’il y a dedans, pour des patients avec de nombreuses prises médicamenteuses, ça peut aider.
Ce que je crains, c’est que pour les prescripteurs en général on ouvre la porte à la multiplication des situations iatrogènes.
Vous seriez contre prescrire:
CANDESARTAN 8MG CPR
ESIDREX 25 MG ?
(Le CANDESARTAN est inscrit au répertoire des génériques et l’hydrochlorothiazide n’existe pas en générique).
Ca fait toujours deux comprimés, ça réduira le coût et on évitera l’alerte « redondance » qu’il est important de conserver face au manque de lisibilité des noms de fantaisie.