Entre deux tartines de marmelade d’orange sur tranche de pain des sportifs (hier, on a redit la valeur nutritionnelle des noix/noisettes/amandes), je suis tombé sur cet article sympa de Medscape. Le contexte est très américain, mais la réflexion est intéressante. Passons rapidement sur la relation médecin/patient, car il me semble qu’en France très peu de patients auraient l’idée de m’appeler par mon prénom. Quoique, c’est arrivé récemment.
Dans l’immense majorité des cas, le vouvoiement est naturel et bilatéral. J’appelle les patients Madame/Monsieur, et les patients me donnent du Docteur. Certains m’appellent Monsieur avant de se reprendre, Docteur. Je leur dis que je suis les deux, et que cela ne me gène pas. Avec les rares enfants que je vois passer, j’hésite entre le vouvoiement et le tutoiement. Je ne tutoie que quelques patients qui sont souvent des membres du personnel de la clinique. Je crois que le tutoiement bilatéral ne concerne qu’une patiente, qui bizarrement, un jour a décidé que nous devions ab-so-lu-ment nous tutoyer, car nous l’avions fait à la dernière consultations (ah?). J’ai un peu de mal, mais pourquoi pas?
Le tutoiement et s’appeler par son prénom ne sont pas synonymes d’irrespect, comme le vouvoiement n’implique pas le respect. Durant des années, j’ai gardé à distance un fâcheux pour lequel je n’avais que peu de respect professionnel en refusant systématiquement ses demandes de tutoiement.
Avec le personnel soignant, mon regard a inconsciemment changé avec le temps. Avant de poursuivre, je veux être clair sur un point. Je n’ai aucune vanité particulière, que ce soit sur mon métier ou en dehors. La seule chose, je dis bien la seule, dont j’ai été vraiment très fier a été mon titre d’interne de cardiologie. Autre point important, je n’ai aucun sentiment de supériorité par rapport aux autres professions médicales ou paramédicales.
Donc pendant très longtemps, tutoiement bilatéral de rigueur. pas 1968, mais presque. Puis, à partir du moment ou j’ai pris un poste à responsabilité, je me suis moins laissé tutoyé. En y pensant, l’évolution a été insidieuse. Je n’ai jamais fait de remarque sur un tutoiement indésirable, mais au fil des années, j’ai de moins en moins insisté pour qu’un soignant me tutoie. Je le fais encore un peu, mais cela devient rare. En analysant un peu, l’ensemble du staff de direction se tutoie, à l’exception du directeur que nous vouvoyons tous (et qui nous vouvoie tous). J’attribue donc plus le vouvoiement à la responsabilité qu’à mon métier de médecin.
L’utilisation du tu/vous représente un des grands mystères de l’univers pour nos amis anglo-saxons qui s’intéressent à notre langue: un classique du NYT Mastering the Unmasterable:A French Puzzle, cet article québecois et le fameux algorithme du LA Times:
Mon premier patron exigeait que les médecins, internes compris, et les soignants se vouvoient. Évidemment, personne ne suivait ses consignes. Un jour, je me suis fait prendre. J’ai eu droit à un petit sermon et cette phrase mythique: Hein, tu vois, tu vois, les infirmières, tu peux coucher avec, mais pas les tutoyer (petit rire), tu vois?
Mon père ( tutoyé !) disait : la vieillesse, c’est quand tu tutoierais tout le monde, alors que plus personne n’ose le faire envers toi !
Et, effectivement cet arbre décisionnel est plein d’humour et de sagesse !!
Bien à toi !
( Par ce que j’ai eu du plaisir à tutoyer…ton père !!)
Je commence à être vieux! Merci pour le commentaire!
Comme ancien médecin militaire, il m’a été dit que le tutoiement était réciproque ou n’existait pas au sein de l’armée régulière. Dans la Légion Etrangère il me semble que le tutoiement est la règle pour les subordonnés. Quant à mes collègues ou mes subordonnés médecins je les tutoyais par esprit de corps. Maintenant avec les internes de médecine générale je continue à les tutoyer, évidemment j’ai des cheveux blancs et ils ont bien du mal à me tutoyer… Mais c’est une question évoquée régulièrement en groupe de pair ou lors des rencontres dans le cadre du tutorat de 3° cycle, certains préfèrent éviter un tutoiement , par respect ou bien par peur de perdre une once d’autorité, personnellement je ne pense pas que le tutoiement fasse perdre le peu d’autorité qu’il y a en jeu dans ce compagnonnage. J’ai beaucoup aimé l’organigramme! Je vais diffuser le lien vers mes camarades maîtres de stage .
Quant aux patients que je suis depuis la petite enfance et qui deviennent adultes je leur demande, et le plus souvent à leurs réponses je comprends qu’ils préfèrent que je continue à les tutoyer. Je vois cela comme la conservation d’une proximité rassurante.