Le grand bond en avant.

Je viens de reprendre la lecture de mon « Mao« , interrompue durant les fêtes, parce que le matérialisme dialectique, c’est quand même un peu lourd à digérer avec le chocolat.

Je viens juste d’achever la période du « Grand Bond en Avant » (1958-1962) qui a conduit à la mort par dénutrition près de 30 millions de chinois.

Au début du chapitre, je ne comprenais pas comment tout cela avait pu arriver.

En fait, ce n’est pas que l’auteur est médiocre, bien au contraire, mais c’est qu’il n’y a rien à comprendre.

Tout n’a été que folie humaine.

Mao a voulu donner corps à une utopie, et le centralisme démocratique, la veulerie ou le carriérisme des cadres locaux du Parti ont fait le reste.

Le but initial était de se démarquer de l’URSS, et d’accélérer l’accession de la Chine au communisme (alors qu’elle en était toujours au stade du socialisme). Tout cela dans un contexte de compétition économique avec le grand frère soviétique et les pays capitalistes.

Mao voulait multiplier par un facteur de 3, 4, voire 5 la production de céréales, d’acier, et de biens industriels en regroupant la paysannerie dans des « communes populaires » où non seulement la propriété serait abolie, mais qui seraient autosuffisantes. Bien entendu, le surplus de production, « nécessaire » conséquence de cette organisation serait versé à l’État chinois.

Le contexte idéologique en cette Chine de la fin des années 50 tendait vers le rejet des experts, souvent formés dans des écoles étrangères, donc à ce titre issus de la classe honnie de la bourgeoisie dans la majorité des cas.

La ligne de masse, c’est à dire la masse populaire pouvait se passer d’experts. L’ouvrier devait être interchangeable avec le paysan, et s’autoréguler sans contremaître ni ingénieur.

Par exemple, chaque commune avait son « petit haut fourneau » qui devait lui permettre de fabriquer son acier. Bien entendu, sans ingénieur, 90% de cet acier était parfaitement inutilisable. Par ailleurs, Mao avait négliger un détail important, celui du transport de cet acier en dehors de la commune.

Malgré ce rejet des intellectuels et des techniciens, Mao s’était entiché des théories de Lyssenko, qui pensait pouvoir obtenir du coton rouge en hybridant un plant de coton et un plan de tomate. Ça vous paraît risible, mais Lyssenko a dominé la biologie soviétique durant 30 ans et a conduit nombre de « vrais » scientifiques au Goulag.

La tragédie commence par des résolutions prises au sommet, résolutions répercutées dans les communes par les secrétaires du Parti.

Donc l’acier est inutilisable, de même que les hybrides de Lyssenko, et les paysans ne cultivent plus car ils font de l’acier ou travaillent pour des grands travaux collectifs. La production agricole et industrielle s’effondrent.

Les cadres ne peuvent pas se permettre d’échouer, ils gonflent donc artificiellement leurs chiffres. L’État chinois prélève donc d’autant plus de biens et de céréales qui sont prises dans les assiettes des paysans. Comme la production d’acier est insuffisante qualitativement et quantitativement, les cadres leur demandent de fondre dans le haut fourneau tous les ustensiles en acier qu’ils trouvent, notamment leurs outils agraires.

Mao fait des tournées d’inspection dans les communes « Potemkine » qui le confirment dans le bien fondé de ses choix catastrophiques.

La propagande dresse une image idyllique de communes, ou parfois près de 25% de la population est morte de dénutrition.

(Vous remarquerez en passant la superbe collection d’images de propagande de Stephan Landsberger)

Le drame n’en est que plus profond.

Mais jamais Mao ou le Parti n’avoueront pleinement leur responsabilité dans ce drame humain.

Prochain chapitre, la « Révolution Culturelle ».

PhotobucketPour donner une idée de la catastrophe: l’espérance de vie en Chine et en France entre 1950 et 2007.

On visualise très bien les conséquences du Grand Bond en Avant.

Graphique réalisé grâce à Gapminder.

Modification 11/01/10, 20h40: ajout du graphique.

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