Hôpital 2009

Consultation du lundi matin.

Il est 10h55, et je n’ai plus aucun patient programmé. Normalement ma vacation se termine à 12h00.

Je suis arrivé à 7h50 et j’ai vu mon premier patient vers 9h30-9h45. Tous les autres rendez-vous étaient des patients « externes », c’est dire sortis de l’hôpital avec un rendez-vous en cardiologie, mais ne s’étant pas déplacés. Ils sortent du CHU sans que leur bilan soit achevé pour diverses raisons qu’il ne m’appartient pas de juger. Pourquoi ne reviennent-ils pas après leur sortie pour passer leur consultation cardiaque? Je vous le laisse imaginer.

Je viens de voir un patient octogénaire adressé par une maison de retraite au nom, uhhm, prédestiné. Ce n’est pas « Mon repos », mais c’est le genre. Le patient, gentil et tout à fait autonome a fait un accident cérébral régressif très récent, dans le territoire sylvien droit. Il a été hospitalisé dans un service de médecine interne, qui est souvent le réceptacle des urgences, aussi diverses soient-elles. L’échographie cardiaque et le doppler des troncs supra-aortiques n’ont pas été réalisés, et le patient est sorti du CHU. C’est curieux de laisser sortir les gens sans avoir terminé le bilan, mais c’est ainsi l’hôpital en 2009.

Au doppler, je trouve une sténose très serrée à l’origine de la carotide interne droite. Il s’agit donc probablement de la cause de l’accident cérébral. Sans être une urgence, il faut qu’il soit vu assez rapidement par un chirurgien vasculaire. Je prends mon téléphone pour appeler le service. Je mets 10 minutes pour avoir un médecin, car ils sont tous « à la grande visite ».

Je parle à un premier externe, puis à un second, puis j’obtiens quelqu’un que je connais, je me réjouis.

Je lui soumets le problème, et lui demande si elle peut le reprendre en charge. Gentiment, ma consœur m’explique qu’elle n’a pas de place, que les bilans d’AVC et la gestion des sténoses carotidiennes ne font pas à proprement parler partie de la médecine interne, et qu’elle ne voit pas ce qu’elle ferait de plus que la maison de retraite pour ce patient.

Tous ses arguments sont parfaitement raisonnables mais il ne sont pas acceptables pour moi.
Le CHU qui ne voit pas ce qu’il pourrait faire de plus qu’une maison de retraite, pour la gestion d’une sténose carotidienne symptomatique, j’ai trouvé cet aveu formidable.

J’ai donc appelé la maison de retraite en espérant tomber sur quelqu’un de bien. J’ai eu de la chance. Je me suis excusé 10 fois au non du CHU-qui-ne-fait-pas-mieux-qu’une-maison-de-retraite. Le confrère m’a écouté, et a au moins fait mine de compatir en me disant que ça arrivait fréquemment. Il m’a remercié de mon appel et va s’occuper du patient en le confiant au privé.

J’ai dit que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire.

21 Replies to “Hôpital 2009”

  1. répétez avec nous :
    nous manquons de lits d’aval
    nous manquons de lits d’aval
    nous manquons de lits d’aval

    à 150 euros/jour contre 750 minimum à l’hôpital où 30 % des lits sont occupés faute de lits d’aval

    mais aucun souci, il n’y a rien non plus sur le sujet dans la loi HPST

    jusqu’ici tout va bien

  2. la question posée devient :pourquoi a t il donc été hospitalisé après son passage aux urgences? il suffisait de le faire sortir avec de l’Aspirine pour avoir le meme résultat!
    j’ai des urgentistes désespérés qui prennent des rendez vous de consultation en externe directement mais je fatigue…
    je présume qu’existe dans le grand chu un service d’urgences neurovasculaires moralité habituelle :tous les autres maintenant s’en foutent

  3. Encore un billet qui illustre bien les miseres de l hopital….Malheureusement , le  » ver est dans le fruit » et malgre les suppliques du Toubib…la machine est bien, bien demantelee :personnel abattu, demoralise, manque de bras, manque de moyens financiers, systeme hospitalier sous perfusion financiere, toujours plus….D ou malaise, reformes mal acceptees , greves et attente pour tous les acteurs de la retraite…Ou la fuite vers le prive!
    La deche des hopitaux publics faisant la fortune des cliniques privees.Pour faire du gras, rien de mieux pour les cliniques privees que de recuperer des malades
    refuses par les hopitaux publiques comme avec cet ex de patient. Cette anecdote du jour etant d atant plus desesperante que Lawrence dans un billet precedent, vous vous faisiez l apotre de l hopital publique et du CHU…La ,pour
    assurer le bon suivi de ce patient, et pour rassurer votre conscience professionelle vous portez ce malade sur l autel du prive!

    le marche et developpement du prive sera de plus en plus florissant en France…..Marche juteux comme celui de l orthopedie avec les baby boomers et leurs articulations.
    Face au disfonctionement chronique de l hopital qui n a pas su ou pas voulu s adapter, la prise en charge des patients se fait avec des groupes comme Vitalia( Fondateur Christian Le Droze, cancerologue), ces groupes d investissements prives apportent de GROS fonds qui permettent soit de racheter des cliniques qui battent de l aile, soit d en creer des flambant neuf….
    Ces groupes savent VENDRE la sante,car leur but c est de faire des profits….Si possible TRES gros. Et pour ces groupes, la sante c est un BUSINESS….Ce n est pas la Charite.
    Voyons un peu comment ils se presentent , et je cite le groupe Vitalia
    « prise en charge du patient , globale, coordonnee et graduee »
     » Chaque patient se voit garantir la meilleure accessibilite aux soins dans un cadre de proximite, le patient fait l objet d un traitement personnalise, sous la responsabilite d un medecin referent qui constitue son interlocuteur privilegie. »
     » Vitalia , une entreprise francaise de sante tournee vers le service aux patients. »
     » Une carte Vitalia!!! sera prochainement mise en place. » …………

    Le groupe Vitalia a recu de GROS fonds d un investisseur americain, Equity funds,Groupe Blackstone, CEO Stepen Schwartzman, le groupe Blackstone a rachete la firme hotels Hilton….Donc ils s y connaissent dans l hospitalite!!!

    Pour le Toubib, et son cri desespere…Des lits, des lits , des lits….Ces lits dans le public, seront remplis par les indigents, la cour des Miracles, du reste le groupe Vitalia precise bien que  » il prend en charge toutes les pathologies…sauf la psychiatrie »

    La France s achemine a grands pas vers une medecine a deux vitesses, celle des patients avec la carte Vitale et celle des patients avec la carte Vitalia…..

    Lien pour comprendre les investissements dans le prive , c est par ici

    Cliquer pour accéder à article_communique.PDF

  4. Je me souviens d’un patient de neurologie, entré pour un AIT. Pas moyen d’avoir l’écho des TSA et l’ETT dans un délai raisonnable auprès des cardios du CHU… Alors, pauvre externe, j’ai pris le téléphone, j’ai appelé un cardio de ville pas loin de là où habitait mon patient, et je lui ai expliqué la situation. C’était le mercredi, le patient est sorti le vendredi matin, et le vendredi soir il a eu son bilan d’imagerie qui va bien.

    Comme quoi, avec de la bonne volonté…

  5. « Nous manquons de lits d’aval »

    Excusez mon ignorance, mais je ne sais pas trop ce que cela recouvre « des lits d’aval » ?

  6. Pour Elise
    LIT D AVAL
    Ce terme touche a l organisation pratique des soins a l hopital et il designe 2 elements bien distincts
    1) des lits de medecine chirurgie ou obstretique pour placer des patients qui, apres avoir ete pris en charge par les urgences , necessitent une hospitalisation.L une des activites redoutee tous les jours par le medecin urgentiste est d ailleurs la recherche dans l hopital d un lit d aval, car il y a penurie…d ou des malades laisses sur des lits dans les couloirs…..
    2) des lits de soin et de readaptation permettant de traiter un patient apres un court sejour afin d assurer et reeducation et convalescence.

    A cause de l engorgement des services d urgences, urgences devenues la porte d entree des service de soins du reste,source de pas mal d abus, on y va pour un bobo…Cela explique donc la requete desesperee du Toubib  » Nous manquons de lits d aval… »

    OU mettre les patients sans lit ???car bien sur a cause de moyens financiers manquant, pas de creation de nouveaux lits, et bien on va faire des conventions de cooperation en aval avec cliniques privees de proximite pour regler la prise en charge en aval. Pour degorger les urgences et resoudre le probleme de l aval, on envoie les patients vers le prive.

    Cliquer pour accéder à Conventions_Etablissements.pdf

    Lawrence, c est bien cela?

  7. Merci à vous deux, Thèrèse et Lawrence. J’éeis un peu flemmarde aujourd’hui après beaucoup de travail pour chercher ce que ce terme recouvre vraiment.

    Tout à l’heure, il y a un reportage sur Henning Mankell en Afrique. Je ne veux pas le manquer, alors j’éteins tout.

    1. Bienvenue!
      En effet, ce problème me parait assez universel.
      Que faire des patients qui ont passé la phase aiguë, mais qui ne sont pas tout à fait stabilisés/bilantés ?

  8. Je pense qu’il y a de plus en plus de gens qui vivent « hors réalité ».

    Hier soir, après le reportage sur Henning Mankell, je suis restée éveillée pour écouter l’émission sur nos CAM sur l’aute chaîne, Que font-ils vraiment pour nous soutenir ? Ils ne sont jamais responsables de quoi que ce soit. La faute est au SYSTÈME! Ils disent que les médecins font ce qu’ils veulent. Moi, je ne le crois pas.

    Je pense que les médecins s’il leur arrive de demander de l’argent maintenant à leurs patients pour telle ou telle prestation, c’est qu’ils sont obligés de le faire.

    Je suis en révolte permanente depuis pas mal de temps contre le système de santé. Je crois que la Sécu me connaît plutôt bien maintenant.

    Oui Thérèse, le reportage avec Henning Mankell et dans le cadre de l’Afrique était vraiment une très belle parenthèse aprèe une journée de stress. Je le trouve très sympathique, et je crois bien que je vais acheter le livre de l’émission.

    ´

  9. Je crois que j’ai oublé de dire quelque chose qui m’a frappée. Dans ce débat sur les CAM, ils ont employé le terme « clients » pour « patients ».

  10. bonjour, je reviens sur votre billet pour vous dire que je comprends la réaction du PH de médecine interne, ce n’est pas elle de gérer les pb vasculaires même si le patient s’est retrouvé dans son service en post urgence. etant donné que le patient était sorti de l’hopital, pourquoi ne pas avoir plutôt contacté le médecin traitant qui aurait ensuite réorienté son patient vers un chirurgien vasculaire? ou pourquoi ne pas avoir appelé directement le chirurgien pour lui obtenir un RDV en urgence?

    1. En effet, à partir du moment ou le service de médecine interne s’en lavait les mains, j’aurais pu appeler le généraliste, mais comme il était en maison de retraite, j’ai préféré appeler le médecin qui s’en occupait. A partir de là, si il m’avait demandé d’accélérer les choses auprès d’un vasculaire du CHU, je l’aurais volontiers fait.
      Pourquoi avoir appelé en premier le service?
      Bonne question.
      Peut-être car il me semble que quand on commence quelque chose, on le finit. Mais j’ai des idées peut-être un peu simplistes.
      Aussi, parce que si j’avais eu à prendre un charge un AVC, ce que les internistes savent quand même un peu faire, et si j’avais fait sortir une sténose serrée de la carotide car je n’avais pas fait de bilan étiologique j’aurais été mort de honte, et j’aurais tout fait pour corriger le tir.
      Mais là aussi, je suis peut-être un peu simplet.
      Je crois aussi que j’ai trouvé cette histoire stupéfiante car elle illustre parfaitement la conversation que j’ai eue ce même matin, un peu plus tôt, avec le patron de ce service. Je lui demandait si il trouvait que ses conditions de travail se dégradaient. Il a répondu qu’il voyait la dégradation, et que la meilleure volonté du monde des gens qui travaillent à l’hôpital public ne suffisait plus à en atténuer les conséquences sur les patients.
      Je suis toujours intimement persuadé que l’hôpital public est supérieur au privé. Mais la marge diminue et j’envisage qu’un jour ce soit le contraire, idée qui m’était parfaitement étrangère il y a quelques années.

  11. Ayant travaillé dans le privé comme le public, en France et ailleurs ce qui me frappe c’est l’incurie qui, progressivement, envahit les deux systèmes . Les qualités de l’un et de l’autre disparaissent au profit d’un désintérêt total. Car en fait, en France, les deux systèmes étaient solidaires: le public formant l’excellence technique et le privé apprenant aux soignants à communiquer, être plus humains. Heureusement, que certains résistent…

  12. Rodrigue, en tant que pariente, je connais les 2 systèmes. Et pour moi, rien ne remplacera le public en ce qui concerne les avancées techniques et le désir d’aller plus loin. Par contre, il faut bien avouer qu’il faut quand même avoir pas mal de temps devant soi, car on y passe facilement la matinée.

    Mais je crois que je vais y retourner. IL suffit peut-être d’être plus patient ….

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