Pas les grands magasins, mais celui-çi:
Comme ça, il n’en a pas l’air, mais il m’a toujours inspiré crainte et respect.
Une sorte de triangle des Bermudes routier, en somme.
On arrive par une rue très pentue, et en théorie, les voitures qui arrivent de gauche (et qu’on ne voit qu’au dernier moment) nous doivent la priorité. En théorie, car personne ne prend la peine de ralentir pour vérifier qu’il s’agit effectivement d’une priorité. Puis il faut laisser la priorité deux fois de suite avant de quitter avec soulagement ce nœud routier de toutes les angoisses.
Évidemment, c’est un cauchemar pour ceux qui craignent les démarrages en côte pour un tant soit peu que ça bouchonne en haut, ce qui est quasi systématique étant donné la difficulté technique de l’endroit, en plus de l’être par la successions des priorités à prendre ou à laisser.
J’ai mis des années à prendre cet itinéraire qui diminue pourtant considérablement le trajet entre l’hôpital et chez moi.
Depuis que j’ai titine 2 à essence, évidemment, ce carrefour me donne des sueurs froides. D’autant plus que je cale encore un peu sur du plat. Remarquez, j’ai quand même fait des progrès, je ne cale plus en descente. Après quelques jours d’abstinence, j’ai décidé de m’attaquer à mon monstre-de-dessous-le-lit.
En arrivant au bas de la côte, j’avais les mains moites et le dos humide. J’arrive en haut, en première, à 3500 tours/minute et 115 bpm, et…rien. Je passe sans problème, sans voiture, ni à droite, ni à gauche.
Yes! Je crois que j’ai crié de bonheur.
Le lendemain, pareil.
De même que le surlendemain, et les jours suivants.
Depuis que j’ai titine 2 à essence, je passe les doigts dans le nez, et le pied devant la pédale d’embrayage.
J’ai acquis une certitude absolue: Titine 2 à essence conjure le carrefour de la mort et retarde les voitures qui vont y passer pour me laisser le temps de le traverser. Ma voiture est une déesse, ni une DS, ni une métaphore, mais bien l’incarnation des antiques divinités des carrefours.
Demain je vais essayer de le traverser sans regarder sur les côtés, ni ralentir.
Ce sera l’épreuve de ma foi (j’ai toujours tendance à mettre un e, tant je crois nettement plus à l’organe qu’au concept) .
Pourquoi ne serait-ce pas vrai ?
La plupart de mes patients coronariens croient dur comme fer que fumer deux paquets par jour est conjuré par le fait qu’ils n’avalent pas la fumée et par la pratique concomitante d’un sport de haut niveau, c’est à dire faire sortir pisser deux fois par jour le corniaud mi-terrier mi-boxer de madame autour du pâté d’immeubles. Les autres croient que tout le monde boit 5 pastis, et 1 demi litre de vin rouge par repas, petit déjeuner compris.
D’autres croient que toutes les maladies sont psychosomatiques (je ne sais pas vous, mais le terme « nouvelle médecine germanique » ne me fait pas du tout rêver, et ne m’incite pas à y croire, quelle qu’elle puisse être).
D’autres croient que leur père cardiaque de 97 ans ne peut pas mourir (« Jusqu’à présent, il allait très bien« ).
D’autres, enfin, croient en un Dieu unique miséricordieux, omnipotent et tout amour.