Prescrire de mars

Le numéro de mars du magazine Prescrire comporte 2-3 articles intéressants, comme souvent.

Bien entendu, la majorité des articles ne me concerne pas au premier chef, puisqu’ils ne concernent pas ma spécialité.

Je sais que l’hyperspécialisation n’est pas bonne et conduit à force de tout savoir sur rien de ne plus rien savoir sur tout, mais c’est clair que j’ai allègrement passé sur l’article évaluant l’intérêt du méropénem pour les infections broncho-pulmonaires chez les patients atteints de mucoviscidose ou celui traitant de l’intérêt des dispositifs intra-utérins.

Mais bon, je ne regrette jamais la lecture d’un numéro de Prescrire, même si il n’y a aucun morceau de cardiologie dedans.

D’abord, lire Prescrire entraine l’esprit critique et incite à la rigueur dans ses prescriptions. Je suis parfois un peu agacé par le ton moralisateur et sûr de lui de la rédaction, mais chaque numéro créé une « ambiance » difficile à définir, mais indéniable. Peut-être pourrais-je la définir d’un seul mot « Trinch! ». Cette injonction est l’oracle de la « dive bouteille » dans le quart livre de Rabelais. Je fais mon malin, mais j’ai survolé durant cette semaine une biographie de Rabelais particulièrement indigeste (j’ai carrément sauté les 50-60 dernières pages, hors annexes) et c’est tout ce que j’ai retenu: Trinch! C’est à dire buvez! J’ai aussi retenu que Rabelais était médecin, et que jamais je n’arriverai à en lire plus d’une page de lui (et une page de plus d’un de ses éxégètes).

J’entends cette injonction, non pas comme « enivrez-vous », mais comme « lisez », « cultivez-vous », « allez chercher vous-même les informations à la source »!

C’est certain, c’est difficile et chronophage, mais je suis certain que le jeu en vaut la chandelle, notamment pour nos patients.

La seconde raison, c’est que être abonné à Prescrire, voire même être adhérent à l’AMP (ce que je suis depuis l’an dernier) est un des rares moyens objectifs et tangibles que je connaisse qui permette de maintenir un contre pouvoir utile et efficace contre la mainmise des firmes pharmaceutiques sur le domaine de la santé.

Aujourd’hui, j’ai appris qu’on allait peut-être avoir à notre disposition un nouvel antiangineux, le Ranexa (ranolazine), à la balance risques/bénéfices qui ne me fait pas rêver… Pour l’instant, la commission de transparence n’a pas rendu sa réponse, mais Prescrire a d’ores et déjà dit « Pas d’accord ».

Je vais donc me coucher un peu moins bête ce soir.

Ce que je trouve vraiment dommage, c’est la faible proportion des abonnés qui soient des spécialistes (5.5%), alors que les généralistes représentent le groupe le plus important avec 50%. Puis ensuite viennent les pharmaciens (21%), les étudiants en médecine (12.3%) et en pharmacie (1.6%), les « divers » (8.8%) et enfin les firmes elles-même (0.8%).

Je comprends que les spécialistes ne trouvent finalement que peu d’articles qui les intéressent, mais encore une fois, je crois que l’intérêt de lire Prescrire va au-delà.

Je trouve en tout cas bien dommage que nous soyons si peu impliqués dans une recherche d’indépendance qui me parait pourtant fondamentale pour notre pratique.





5 Replies to “Prescrire de mars”

  1. C’est normal. Les spécialistes ils savent déjà tout, ils n’ont pas besoin d’apprendre, en plus d’une revue pour MG et pharmaciens. Il faut pas déconner quand même, on sait jamais, il risquerait d’apprendre quelques choses qui le détournerait de sa vocation première, soigner, non pas soigner, guérir, il est spécialiste le spécialiste, alors il guérit l’organe dont il est le spécialiste.
    Je suis fatigué, de mauvaise humeur, désolé. Je suis un abruti de spécialiste pas fier de lui aujourd’hui.
    Ce que je préfère dans prescrire, c’est le billet de luc cifer dans celui de Mars (le mois des fous) c’est le papier sur l’évaluation de des anti-cancéreux.

    1. Oullààà, oulllààà!
      Avant d’avoir des tas de commentaires haineux je précise que c’est du second degré!

      Je l’ai vu passer, j’ai lu le petit encadré jaune avec la référence à un papier italien qui montre que les AMM reposent elles aussi sur bien peu d’arguments cliniques pertinents.

  2. explication évidente :le spécialiste ne rencontre jamais Prescrire une fois passé le tronc commun à la fac ,le Mg le trouve souvent référencé pendant les sessions de formation des IMG puis quand il rentre en formation continue surtout s’il pratique un groupe de pairs.
    l ‘autre débat est effectivement celui entre la nécessité et le désir de garder l’oeil ouvert au delà des ornières de la pratique quotidienne, je dirais que le cardiologue, s’il n’est pas totalement engagé dans une pratique technique,y est contraint par la diversité potentielle de sa pratique( ce n’est pas un spécialiste d’organe !)
    abonné depuis le numèro 6 ,celà offre en plus l’avantage quotidien d’évoluer dans une coterie amicale avec certains mg ,les pharmaciens de l’hosto…

  3. suis abonnée… mais si je prends du plaisir à le lire, je le fais assez peu… ça me permet toutefois de temps en temps de jeter un pavé dans la mare…

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