J’aime beaucoup ce terme plus ou moins dérivé du yiddish.
Pas très facile à prononcer pour un francophone, il est néanmoins précieux car il résume en un seul mot, presque une interjection, tous les petits cadeaux publicitaires de peu de valeur et plus ou moins débiles que les firmes pharmaceutiques déversent dans nos mains tendues (et parfois avides).
Je sais, je sais, en français existe le beau mot « babiole », mais tchotchke a un petit je ne sais quoi de plus.
Je pense qu’il rappelle le bruit que fait une pichenette pour éjecter dans la poubelle un stylo publicitaire laissé sur le bureau par une visiteuse médicale. Tchotchke!
Clés USB, CD « éducatifs », règles ECG, stéthoscopes, calepins, stylos, livres, trousses de manucure (si si, j’en ai une), éphémérides, agendas….
La liste est infinie.
Mais les cadeaux promotionnels peuvent atteindre une valeur qui dépasse largement celle, usuelle, des tchotchkes. Il y a bien des restrictions qui ont permis de supprimer les cadeaux les plus chers et les plus visibles, mais tout le monde sait comment minorer le prix d’un repas dans un grand restaurant.
En ce moment, les tchotchkes sont dans la ligne de mire de ceux qui veulent assainir les relations entre l’industrie et les médecins.
Cela peut paraître futile de se battre contre des stylos et des règles ECG, mais pourtant c’est fondamental.
Toute tentative de nettoyage de ces écuries d’Augias doit commencer par là.
Je ne vais pas revenir sur les études sociologiques qui montrent les relations complexes de dépendance qui se tissent entre celui qui offre un cadeau et celui qui le reçoit, et ce, qu’elle que soit la valeur marchande du cadeau. Vous en trouverez deux exemples ici et ici.
Je veux simplement insister sur le fait que le tchotchke est un excellent moyen de mettre le pied à l’étrier de la dépendance des jeunes médecins en devenir, comme les externes et les internes. Après, au fur et à mesure de l’avancement dans la carrière hospitalière, la subornation augmente avec la valeur de cadeaux, faits, bien entendu « en toute convivialité » ou pour promouvoir une « synergie au service des patients ».
Le texte du NEJM dont j’ai donné la référence est intéressant, car il suggère l’inutilité de l’auto-régulation par l’industrie pharmaceutique, comme les fameuses chartes dont la seule finalité est de ne pas être respectée (notamment l’hilarante charte de la visite médicale de 2004), ou des demi-mesures prises par les autorités universitaires.
Les choses bougent néanmoins aux États-Unis, comme le montrent les articles du NEJM du NYT et du WSJ Health Blog.
Et en France?
Pas de bruit, pas de mouvement. On entendrait un tchotchke à l’autre bout du CHU…
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Steinbrook, R. Physician-Industry Relations-Will Fewer Gifts Make a Difference? N Engl J Med 2009 360:557-559.
No Mug? Drug Makers Cut Out Goodies for Doctors
By Natasha Singer
The New York Times
Published: December 31, 2008.
Harvard Medical School to Strengthen Conflict of Interest Rules.
Posted by Jacob Goldstein
The WSJ Health Blog
Published: February 3, 2009.
Pour approfondir, les indispensables nofreelunch.org et formindep.org.