Dr House

Je n’ai toujours pas regardé une image de cette série, mais j’ai encore fait « mon Dr House », comme disent les infirmières.

Je vois un patient accompagné de son épouse pour un « deuxième avis » sur une histoire d’anévrysme de l’aorte initiale associée à une valvulopathie aortique congénitale.

Ils m’emmènent les résultats d’un angio-scanner et d’une échographie cardiaque faits par des gens très compétents.

Ils me demandent de refaire l’échographie, car il y avait une discordance de quelques mm entre les deux examens et de dire ce que je pensais de l’indication opératoire. En effet, l’échographie donnait des chiffres plus proches du seuil à partir duquel il faut opérer.

Je leur ai expliqué l’inutilité de refaire l’échographie et surtout, que ces fameux quelques mm de différence ne pouvaient que différer l’intervention de quelques mois, mais que celle-ci était inéluctable, de toute façon. Je leur ai aussi expliqué que l’accroissement du risque de rupture (ou de dissection) avec le temps et la taille de l’anévrysme allait bientôt rendre ce risque lié à l’histoire naturelle de la maladie supérieur au risque opératoire. Je leur ai aussi expliqué que l’intervention était usuelle, et le chirurgien choisi par la consœur, très bien.

C’est difficile de faire comprendre cette notion de balance entre les risques encourus du fait de la maladie et ceux dus à la thérapeutique.

Parce que évidemment, le patient ne voit que ce dernier pourcentage. C’est humain, donc difficile de concevoir le problème « autrement ».

Finalement, ils me « tannent » tellement que j’accepte de faire cette échographie.

Première résurgence du Dr House: « D’accord, d’accord, je vais vous faire cet examen, je ne vais pas non plus cracher sur 95.16 €!« .

Pas la grande classe, mais « nature peinture »…

Je crois que j’en étais alors arrivé au stade où ces gens pourtant très gentils mais dont la conscience des données du problème est partiellement obscurcie par une formidable trouille de la chirurgie, m’ont littéralement usé. La science n’est finalement que de peu d’utilité devant la peur.

Ils continuaient à s’accrocher à leurs mm comme aux branchess d’un arbre (aortique): 46 mm, 49 mm, 46 mm, 49 mm.

Mais qu’importe!

Et ça repartait: chiffres, confiance, chiffres, confiance…

Finalement, on a un peu avançé, mais sans moi, car j’en avais un peu assez.

Le monsieur a posé alors la question qui tue: « Et ces valves [on en était arrivé là], ça tient bien le coup?« .

Le Dr House est alors sorti en trombe: « Non! Au bout de 1 jour elles pètent, et tous les gens meurrent, mais on continue quand même à en poser!« 

Petit silence, puis le monsieur a réalisé que sa question était peut-être un peu idiote, et il a rigolé.

Moi aussi, puis j’ai réalisé que ma réponse n’était peut-être pas beaucoup moins idiote que sa question…

Après, je me suis réinvesti dans la conversation et y ai mis toute l’empathie dont je suis capable en cette fin de journée.

Je crois qu’ils sont partis plutôt satisfaits de la consultation (je ne suis peut-être pas trop objectif, imbibé par la culpabilité), en tout cas, ils sont remontés à bloc pour aller voir le chirurgien. Et ça, ce n’était pas gagné au début…

Je vais quand même peut-être essayer de me faire désenvouter…

4 Replies to “Dr House”

  1. un classique que j’adore, pour les hypocondriaques venus sur un pet de travers :
    – je vais mourir docteur ?
    – un jour, oui; je vous fais un certificat ?

    ils en rient, mais ils reviennent quand même, hélas !!!

  2. une bonne solution attendre 55 mm comme avant, expliquer au patient suivi de longue date que l’on souhaite le faire opérer plus tot car ,les chirurgiens ayant fait diminuer leur mortalité, le rapport bénéfice risque s’est décalé est un exercice de haute volée rhétorique! une solution comme toujours le retour au risque absolu et le pari sur la poisse personnelle de chacun ( ces 5 mm modifient séchement le nombre de patients)

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