anti angiogéniques, rein et coeur.

Je n’ai pas encore vu passer de patients pour un avis cardio sur ce sujet, mais il semble qu’une classe d’anticancéreux les anti-angiogéniques, provoque des HTA parfois sévères ainsi que dans une moindre mesure, des atteintes rénales.

A ce jour, quatre trois produits sont disponibles: bévacizumab (Avastin), Sunitinib (Sutent) et le sorafénib (Nexavar).

En tout cas, le problème a été pris assez au sérieux pour que 4 sociétés savantes se réunissent pour établir des recommandations.

Tu as déjà entendu parler de ça, Stéphane ? Pico ? (et les autres?)


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Dr Muriel Gevrey. Recommandations sur l’HTA induite par les anticancéreux anti-angiogéniques. theheart.org. [International Editions > Édition française > Sections > Actualités > Risque CV/Prévention]; 23 déc. 2008. Consulté à http://www.theheart.org/article/930565.do le 23 déc. 2008

Halimi JM, Azizi M, Bobrie G, Bouché O, Deray G, des Guetz G, Lecomte T, Levy B, Mourad JJ, Nochy D, Oudard S, Rieu P, Sahali D. Vascular and renal effects of anti-angiogenic therapy. Nephrol Ther. 2008 Dec;4(7):602-15

Le corps humain est résistant…

Je me le dis tous les jours, ou presque.

Ainsi, cette jeune femme d’une vingtaine d’années, opérée récemment pour une fermeture d’une communication inter auriculaire ne se sentait pas très bien. Une douleur épigastrique, quelques nausées et un petit malaise qui nous ont fait contrôler son échographie cardiaque:

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OD: oreillette droite, OG: oreillette gauche, VD: ventricule droit, VG: ventricule gauche.

Pour les non initiés, cette coupe, une coupe apicale 4 cavités est magnifiquement illustrée çi-dessous:

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On voit qu’une masse, que j’ai annotée « péricarde » écrase presque totalement l’oreillette droite (OD) et pousse sur les septa interauriculaires et interventriculaires, ce qui leur donne cet aspect bombé.

Cette masse aurait pu être une tumeur intra cardiaque, ou un thrombus. Mais la vue sous-xiphoïdienne a permis de faire le diagnostic en montrant un épanchement péricardique très hétérogène, et surtout très abondant.

Il s’agit d’une complication classique de la période post opératoire de chirurgie cardiaque. Des caillots, ou un liquide inflammatoire vont comprimer le cœur et provoquer, si on lambine un peu une tamponnade. La tamponnade fait partie de mes pires souvenirs d’interne de réanimation de chirurgie cardiaque.

On a donc appelé le centre qui l’avait opérée, et nous l’avons transférée via le SAMU. Les caillots ont été évacués dans la soirée. Tout s’est bien passé, et elle a pu reprendre sa rééducation  post opératoire par la suite.

Je profite aussi de ce cas clinique pour vous faire connaître le superbe travail de Patrick J. Lynch qui est un illustrateur et un photographe talentueux. C’est notamment lui qui a illustré le merveilleux portail d’imagerie cardiovasculaire de Yale.

Cerise sur le gâteau, son travail d’illustration pour l’imagerie cardiovasculaire est sous contrat Creative Commons, ce qui m’a donc permis d’utiliser de l’utiliser.

Pharmacogénétique

La pharmacogénétique représente l’avenir du traitement médicamenteux. Après le concept « un médicament pour tous », émerge celui, plus intéressant intellectuellement du « un médicament/une posologie pour chacun ».

La « résistance » au clopidogrel, c’est à dire en pratique la resténose d’endoprothèses coronaires, malgré un traitement anti-plaquettaire bien conduit (clopidogrel+aspirine) représente un problème quotidien.

Le NEJM publie ce jour deux articles qui montrent que les patients porteurs d’un génotype particulier du cytochrome p450 CYP2c19 ont bien plus de risque que les autres d’avoir une thrombose précoce d’endoprothèse. Les chiffres sont impressionnants: l’équipe américaine observe un rapport de 3.

L’avenir? Un test génétique rapide qui permette d’adapter les posologie de clopidogrel après angioplastie coronaire.

Bien sûr, je ne prêche que pour ma paroisse, mais il y a des tas d’autres d’applications potentielles qui couvrent l’ensemble de la médecine.

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Mega, Jessica L., Close, Sandra L., Wiviott, Stephen D., Shen, Lei, Hockett, Richard D., Brandt, John T., Walker, Joseph R., Antman, Elliott M., Macias, William, Braunwald, Eugene, Sabatine, Marc S. Cytochrome P-450 Polymorphisms and Response to Clopidogrel N Engl J Med 2008 0: NEJMoa0809171

Simon, Tabassome, Verstuyft, Celine, Mary-Krause, Murielle, Quteineh, Lina, Drouet, Elodie, Meneveau, Nicolas, Steg, P. Gabriel, Ferrieres, Jean, Danchin, Nicolas, Becquemont, Laurent, the French Registry of Acute ST-Elevation and Non-ST-Elevation Myocardial Infarction (FAST-MI) Investigators, Genetic Determinants of Response to Clopidogrel and Cardiovascular Events N Engl J Med 2008 0: NEJMoa0808227

Surfaces et pressions.

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Sténose aortique rhumatismale. Source.

Au commencement, il n’y avait que le mode TM.

Ainsi pourrait commencer l’histoire de l’échographie cardiaque qui a eu une évolution stupéfiante depuis une quinzaine d’années. Je vais essayer de vous faire voir ce que l’on peut faire avec cette technologie évoluant sans cesse, et pourquoi, parfois, il faut le faire.

Il y a finalement peu de temps, c’était le cas quand j’ai commencé cardio en 1998, le critère principal de quantification d’une sténose aortique était le gradient moyen de pression régnant en systole de part et d’autre de la valve aortique. Si cette dernière s’ouvre mal, ce gradient augmente. Et, on avait fixé à 50 mm Hg l’indication opératoire. En dessous de 50, on n’opère pas, en dessus, on opère.

En échographie-doppler, cette mesure est en théorie simple à réaliser: on fait un tir en doppler continu dans l’axe de la valve, et on dessine l’enveloppe du flux obtenu. L’appareil effectue tous les calculs. En pratique, cela dépend de la conformation du patient…

On obtient ce genre de chose:

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Dans cet exemple, l’opérateur a dessiné les contours du flux aortique et l’appareil a craché deux données intéressantes. La première, le gradient moyen de pression qui est ici à 56 mm Hg (donc en théorie, il faut opérer ce patient de sa sténose aortique) et l’ITV (Intégrale Temps Vitesse) qui est ici à 118.8 cm. on verra que ce paramètre a de l’importance un peu plus loin. L’ITV correspond en gros à la distance moyenne parcourue par les globules rouges traversant une surface donnée, durant un temps donné (ici la surface valvulaire aortique, durant une systole ventriculaire).

Au fil du temps, l’utilisation de l’échographie s’est affinée, et ses améliorations techniques ont permis des calculs plus sophistiqués, à partir de mesures plus précises.

En utilisant l’équation de continuité, on s’est mis à vouloir calculer la surface de l’orifice aortique sténosé. Je ne vais pas rentrer dans les détails (qui me dépassent largement mes compétences), mais pour ce faire, il faut obtenir 3 paramètres: l’aire de la chambre de chasse, (A1) juste en dessous du plan de la valve, V1, et V2, les vitesses moyennes du flux sanguin qui traversent ces surfaces au cours d’un intervalle de temps dt.

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L’équation de continuité dit:

A1*V1=A2*V2

C’est A2 que l’on cherche à connaitre.

Donc A2= (A1*V1)/V2

On estime que A1 est un disque, donc A1= π*(d²/4), ou d est le diamètre de la chambre de chasse.

On utilise l’ITV comme approximation du paramètre V.

Lorsque l’on fait une quantification de surface aortique au doppler, on s’appuie donc sur cette formule:


Aire aortique= ((π*(d²/4))*ITVsous aortique)/ITVaortique.

L’appareil effectue automatiquement tous ces calculs, mais il reste qu’il faut mesurer 3 paramètres au lieu d’un seul, avec donc autant de risque d’erreurs. Pour essayer de pondérer ce risque, il faut effectuer chaque mesure plusieurs fois, classiquement 5 fois.

Mais ce calcul permet de s’affranchir en partie d’un problème jusqu’alors inextricable: les sténoses aortiques à faible gradient de pression. En effet, si la pompe cardiaque est usée, la pression développée va être basse, et même en cas de sténose aortique très serrée, ce fameux gradient de pression de 50 mm Hg peut très bien ne jamais être atteint.

Exemple récent.

Un patient de 80 et quelques années a une prothèse mécanique aortique depuis environ 20 ans. Il se sent très essoufflé, et a des œdèmes des membres inférieurs. Sa fonction ventriculaire gauche est un peu altérée. Un bilan cardiologique récent conclut pourtant au bon fonctionnement de la prothèse.

Le généraliste (le même que celui dont j’ai parlé ici) n’a pas trouvé cette réponse satisfaisante, il me l’a donc adressé pour un deuxième avis.

En doppler continu, j’obtiens cela:

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Le gradient est plutôt bas, à 20.28 mm Hg. Par contre, on voit des stries verticales qui signent des turbulences, or le flux devrait être laminaire. Pourtant, le confrère s’est contenté de cette mesure, et il a été rassuré par ce faible gradient. Prudence, donc. Il n’est pas dit qu’il n’y ait pas de sténose là dessous. on va donc faire une surface aortique. Ce tir permet néanmoins d’obtenir l’ITVaortique qui est ici à 64.73 cm.

D’abord le diamètre de la chambre de chasse:

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Ensuite, l’ITVsous aortique:

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Ici, l’ITVsous aortique est à 17.60.

La surface aortique est donc égale à (2.31*17.60)/64.73= 0.63 cm².

0.32 cm²/m² si on l’indexe à la surface corporelle, soit une sténose aortique très serrée.

CQFD, les signes cliniques présenté par ce patient sont dus à une dysfonction sévère de sa prothèse aortique mécanique.

Du moins, c’est ma conclusion.

Et comme je n’ai pas encore de confirmation, vous allez devoir me faire confiance 😉

Ce qui est beau dans cette petite histoire n’est pas que je pense avoir trouvé d’où vient le problème, mais la façon d’y arriver.

Comme vous l’avez bien compris, sous des dehors scientifiques et rationnels, le calcul de l’aire aortique est issue d’un processus où tout, absolument tout n’est qu’approximation.

Si on opérait ce patient et que l’on faisait une planimétrie de sa prothèse, il est bien évident que la surface retrouvée « scientifiquement » serait très différente de 0.63 cm² ! Et même si j’étais le meilleur échographiste du système solaire, ce serait la même chose.

C’est pourquoi le dialogue avec de « vrais » scientifiques se résume souvent à un dialogue de sourds (n’est-ce pas, Xavier!). Sous des dehors précis (des cm²/m² !), nos données biomédicales ne correspondent le plus souvent à rien, car elles reposent sur des montagnes d’approximation. Au lieu de cm²/m² comme unité, on aurait tout aussi bien pu prendre des « gloubiboulgas ». 0.63 cm²/m² ou 0.63 gloubiboulgas, aucune différence! Une décimale après la virgule, ou deux, ou cinq, ou dix aucune différence non plus! Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse!

Alors pourquoi ça marche? Pourquoi chaque jour on opère des patients sur des données abstraites à force d’être approximatives? Et pourquoi, au fil du temps les médecins ont amélioré radicalement le pronostic de leurs patients?

Tout simplement, car on pondère ces données par des études de mortalité. C’est pourquoi on a décrété qu’en dessous d’une « surface » de 0.6 cm²/m² (ESC 2007 et ACC/AHA 2008), il fallait opérer.

Bien sûr, ces études sont elles-mêmes d’autres montagnes d’approximation, pondérées par des statistiques, elles-même approximatives…

Et pourtant ça marche!

Car la vie c’est cela, une immense approximation.



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Pour en savoir plus, cette présentation power-point très bien illustrée , et un cours sur les sténoses aortiques et leur quantification.

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