C’est un roman que j’aurais pu aimer, un roman qui raconte le voyage en train d’un homme qui se rend à Rome pour monnayer une mystérieuse valise pleine des massacres du XXème siècle, on apprend au fil du roman que cet homme n’en a pas été que le spectateur, c’est bien écrit, mais la fin du récit en queue de radis, de même que quelques incohérences et zones d’ombre qui ne gagnent rien à y rester gâchent un peu le plaisir que j’ai quand même pris à lire cet écheveau de la folie ordinaire des hommes, normalement, si vous lisez ces lignes avec un minimum d’attention, vous devez vous demander pourquoi je ne termine pas cette phrase interminable, et bien tout simplement parce qu’à l’exception de deux chapitres, qui sont d’ailleurs des extraits d’un roman que lit le narrateur au cours de son voyage ferroviaire, ce récit est totalement dénué de points; ceci déstabilise un peu au début, et on cherche son souffle, ou plutôt par une course en avant, on cherche désespérément à récupérer l’équilibre d’une lecture, rompu par un trébuchement initial, ce procédé, bien qu’assez artificiel rend bien compte de la fuite en avant du narrateur, poursuivi par les milliers de fantômes des milliers de massacres qu’il a collecté fiévreusement dans sa mallette au fil de ses années d’errances dans la « zone », c’est à dire le Bassin Méditerranéen, puis finalement, on s’habitue et on est presque choqué d’être interrompu grossièrement par un point au cours du premier chapitre du livre du héros, enfin, second procédé un peu artificiel, ce roman reprend la découpe en XXIV chants de l’Iliade et pour bien nous faire comprendre qu’il y fait allusion, l’auteur use et abuse d’épithètes homériques tels que « dompteurs de cavale », « nefs noires », « paroles ailées » entre autres, Homère peut continuer à errer en paix dans les Champs Elysées, il ne risque pas de se faire voler la première place par cette Illiade ferroviaire, maintenant, si vous n’avez ni envie de vomir, ni le tournis, ni mal à la tête après la lecture de cette note, vous pouvez éventuellement acquérir « Zone » de Mathias Enard aux éditions Actes Sud (517 pages moins deux chapitres, sans point, c’est quand même une apnée un peu longue, je recommande donc quand même une visite chez son cardiologue le plus proche afin d’évaluer si vous serez capable de la tenir), promis, la prochaine fois j’écris une note sans point et sans e et sans a, mieux que Pérec et Enard réunis!