A soixante ans, ce sympathique cycliste émérite aurait tout pour être heureux. Il souffre toutefois d’une dégénérescence neuro-musculaire.
Depuis quelques mois, il a du mal à franchir des cols qu’il connait pourtant très bien et qu’il vainquait pourtant sans problème jusqu’à présent. A l’approche du sommet le souffle lui manque, sa cage thoracique le serre.
Les neurologues me l’envoient pour éliminer un problème cardiaque. Il n’a aucun facteur de risque cardio-vasculaire et son examen est normal. Son ECG montre un rythme sinusal et un bloc de branche droit complet.
Je lui annonce le programme: échographie cardiaque et épreuve d’effort. Bilan pneumologique si ces examens reviennent normaux.
Il fait une bien triste mine: « et c’est tout ? » (sous entendu pour le bilan cardiovasculaire).
« Ben oui, vous avez peur pour les poumons ?
Oui, car j’ai regardé sur internet, et ma maladie peut évoluer vers une atteinte des muscles respiratoires, et on meurt en s’étouffant. J’espère donc que ce que j’ai est cardiaque, on peut au moins faire quelque chose. »
Je lui ai dit qu’en 10 ans, c’était la première fois que, non seulement je rencontrais quelqu’un qui voulait avoir un problème cardiaque, mais encore que je souhaitais aussi.
Il a souri.
Moi pas, je m’accroche avec espoir à la branche de son bloc, même si ce n’est pas celle que j’aurais souhaitée.