Le retour du syndrome MGEN

Un journaliste de Rue 89 m’a récemment contacté pour un article de ce blog écrit il y a maintenant plus de 10 ans, le très fameux « Syndrome MGEN« .

Il est surtout fameux à ma petite échelle puisqu’il est mon article le plus consulté, un peu plus de 150000 vues alors que son dauphin est à 16300. Je me suis un peu étonné d’être contacté pour un texte aussi ancien. Le journaliste souhaitait écrire un article (à paraitre) sur ce syndrome avec le parti pris que cette vision médicale méprisante pouvait induire une perte de chance pour le patient travaillant pour l’éducation nationale. De fait je n’ai pu qu’acquiescer. Toute interférence dans la relation médecin-patient, et les stéréotypes en sont une majeure, ne peut que l’altérer. Combien de patients n’ont pas eu de prise en charge optimale parce qu’ils portaient sur le front l’étiquette « syndrome méditerranéen »?

Je parle de parti pris, mais ce présupposé journalistique semble avoir été rapidement confirmé car notre journaliste a estimé que 95% des médecins utilisant ce terme étaient franchement méprisants pour les professeurs. J’ai répondu un peu amusé, puis je me suis de fait assez rapidement retrouvé dans la position de devoir me justifier. Difficile d’expliquer que je ne suis pas comme les autres alors que la popularité de cette notion vient en partie de ma note. Je ne suis pas méprisant, contrairement aux autres. Ben oui mais non.

Chaque mot a une signification pour soi même, il a été raffiné à un moment donné avec un matériel brut qui vous appartient, mais ce n’est pas cela qui compte, c’est ce que tous ceux qui le lisent ou l’écoutent y rattachent qui compte. Votre mot vous échappe, il est compté pesé divisé avec un vécu différent du votre, à un moment différent et vous êtes jugé. Mais il n’empêche,  même analysé avec un prisme différent du votre, il reflète quand même un peu que vous pensez, et pire, il peut conforter les autres dans leur façon de voir.

Le jugement m’énerve mais il fait réfléchir. Il oblige à se poser des questions sur notre façon de percevoir le monde, et j’espère contribue à l’améliorer. J’ai dit au journaliste que ne regrettait pas cette note, car, je me justifie encore, je n’y vois aucune malice, aucun mépris, mais que je ne l’aurais jamais écrite en 2019. L’autocensure induite par la bien-pensance me gène autant que la censure. Notamment car si personne ne dit rien de peur du jugement collectif, comment jauger ses idées à l’aune de la rencontre avec l’autre? J’ai demandé à un moment au journaliste si il n’avait pas dit ou écrit des choses qu’il regrettait maintenant, il m’a répondu que ce n’était pas le sujet de l’article. Ce n’est pas faux, ce n’est pas le sujet, mais c’est le fond ultime de son questionnement. On ne se rend compte de ses biais qu’en les partageant.

Ma prochaine consultation avec un prof? Bah, elle sera comme toutes les autres.

5 Replies to “Le retour du syndrome MGEN”

  1. Bref, ce journaliste était venu avec sa question
    — mais surtout avec SA réponse, qu’il avait toute prête 😉
    Donc , il a dû être déçu, surtout quand on lui demandé si LUI il ne faisait jamais d’erreur…

  2. Peu importe à qui cela incombe, mais la relation thérapeutique des médecins avec les membres de l’enseignement primaire ont toujours été… pas simples du tout. Sauf quelques exceptions remarquables.
    Affrontement de deux usages des mots. Ceux du maître sont ceux de la réalité – dont il n’a qu’une connaissance livresque- qu’il doit apprendre aux enfants d’un côté. En face, les mots du soignant prenant leur racine dans deux terreaux à la fois. Celui de la connaissance technoscientifique qu’il a acquise et celui de son expérience personnelle de la si difficile relation médecin-malade.
    Alors quand deux personnes utilisent les mêmes mots en leur attribuant chacune un sens différent, bonjour les dégâts.
    Il fait dire que j’ai toujours eu de la peine à prendre conscience de l’ignorance dramatique de tout ce qui touche au corps sain ou malade des patients, aussi long et prestigieux leur parcours d’études ait pu être ! La vulgarisation ne fait que donner une illusion de connaissance.
    Attention ! Les propos que je viens de tenir sont ceux d’un vieux retraité, donc susceptibles d’être un symptôme de déclin cognitif leur retirant toute valeur probante. Risque assuré ( à aucune mutuelle, mais par moi-même)
    François-Marie Michaut https://www.exmed.org

    1. retour d’expériences : les enseignants et les médecins sont les pires clients à gérer au quotidien, trop imbus de leur personne, ne connaissant pas et ne supportant pas la contradiction.

  3. Bonjour
    Nayez aucun regret sur ce billet du syndrome Mgen. Juste une inexactitude au départ : ce n’est pas lié à la Mgen . C’est lié au caractère enseignant…( et je le dis d’autant plus que je le suis un peu moi même)
    Sinon on connaît tant de ces journalistes qui s’auto-situent si loin au dessus de la mêlée , qu’ils n’imaginent en aucun cas que ce qu’ils reprochent aux autres s’applique à eux aussi

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