Je vais vous raconter une histoire qui fait un peu de bruit aux États-Unis.
La colchicine est utilisée depuis 2000 ans (Dioscoride et al.), voire plus si l’on prend en compte les travaux de Médée et al., mais à l’époque, PubMed n’existait pas encore.
La colchicine est donc un des traitements « traditionnels » de l’accès de goutte.
Je dis « traditionnel » car aux États-Unis, cette indication n’était, jusqu’il y a peu, pas reconnue officiellement par la FDA.
Un fabriquant décide récemment de financer et de monter des essais cliniques montrant l’intérêt de la colchicine dans le traitement de l’accès de goutte, et sur la base des résultats positifs, dépose une demande d’AMM qui est acceptée par la FDA.
Dans le but d’encourager la recherche clinique, la firme bénéficie par ailleurs d’une une exclusivité de 3 ans.
Le fabriquant, fort de cette exclusivité dans le traitement de la crise de goutte (qu’il défend devant les tribunaux) commercialise maintenant la colchicine avec un prix 50 fois plus élevé que ce qui se faisait jusqu’à présent: $4.85 contre $0.09 par unité de prise.
« Heureusement », la colchicine utilisée dans le traitement de la fièvre méditerranéenne familiale n’est pas concernée par cette exclusivité.
Les patients qui souffrent de goutte doivent probablement faire grise mine et l’avoir un peu mauvaise (leurs mutuelles aussi).
Alors que les États-Unis sont quand même traditionnellement plutôt « libéraux » (« à la Alain Madelin »), la levée de boucliers m’étonne un peu.
(en fait pas vraiment, c’est une figure de rhétorique, car j’ai quand même l’impression que les lignes bougent beaucoup là-bas).
La firme a pris un risque financier important (monter un essai coûte incroyablement cher), il devrait donc être normal, d’un point de vue libéral, qu’elle en tire des bénéfices.
Mais dans ce cas, l’ancienneté de l’utilisation de la colchicine et le rapport de 50 a quand même fait pas mal tiquer.
Intéressant, comme histoire…
Je serais curieux de voir ce qui se passerait si un cas similaire se produisait ici, et surtout si ça faisait du bruit.
(le bruit engendré par un phénomène prime maintenant largement sur le phénomène en lui-même)
Je suis presque certain que le gouvernement ferait immédiatement semblant de prendre des mesures contre la firme, par exemple en mettant sur pied un « machin » au sens gaullien du terme, un « Grenelle de la colchicine ».
(Même remarque que supra: « faire semblant »- variante: « tracer l’action »- prime largement sur « faire »)
(Méchant, méchant! Je suis de droite, mais je lis trop le Canard Enchaîné, qui cette semaine est particulièrement excellent, notamment quand le journal raconte que Carla a été contredite 4 heures après par le directeur du renseignement qui n’était pas au courant de la déclaration de la première dame sur Europe 1 (un comble pour quelqu’un qui devrait être bien renseigné!), et que l’Élysée cherche maintenant éteindre l’incendie qu’elle a allumé toute seule… Vite, vite, un Figaro!)
(Encore une note qui part sur le toit, et qui dévie totalement de l’objectif initial que j’avais imaginé, parasitée par des considérations externes, bah, vous êtes habitués…)
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Aaron S. Kesselheim, M.D., J.D., and Daniel H. Solomon, M.D., M.P.H. Incentives for Drug Development — The Curious Case of Colchicine. Posted by NEJM • April 14th, 2010.
Derek Lowe. Colchicine’s Price Goes Through the Roof. Corante. April 14, 2010.