Le groupe de travail

Alain Clergeot a écrit récemment une note sur le financement de l’Afssaps. C’est exactement la note que je voulais écrire, mais je n’ai pas eu le temps de fouiller la question, ni surtout la latence de la rédiger.

En effet, tout comme l’auteur le souligne en préambule, j’avais aussi quelques problèmes de conscience pour écrire au sujet de l’agence.

Lui a des relations avec l’industrie pharmaceutique, et moi, je siège dans un groupe de travail de l’Afssaps.

Mais sa note m’a beaucoup plu, car elle m’a semblé équilibrée et objective.

Ces qualités font que les liens de l’auteur avec l’industrie ne me posent strictement aucun problème. Il ne faut pas voir le mal là où il n’existe pas.

J’espère que vous penserez la même chose de ma note.

Le texte d’Alain Clergeot m’a donc donné envie de décrire comment en pratique se déroule l’expertise dans un groupe de travail au sein de l’Afssaps.

Primo, car je présume que peu savent comment cela se déroule, et ils seront peut-être intéressés, et secundo, j’ai été assez sensibilisé par certains arguments entendus ici et là dans la presse sur l’indépendance de l’agence.

Permettez-moi de faire plusieurs remarques préliminaires:

  • Les opinions que je vais exprimer n’engagent que moi, en aucun cas l’agence ni ses salariés, ni les autres membres de mon groupe.

  • Je ne parlerai pas du Médiator® car je n’en sais pas plus que ce qui est révélé dans la presse. Tout le monde en parle dans l’agence, mais je ne vais pas me mettre à colporter des bruits de couloirs qui primo n’ont pas de valeur bien lourde, et secundo qui ne disent pas grand chose. L’enquête de l’IGAS qui sera disponible à la mi-janvier apportera probablement une analyse fine de ce qui s’est passé. Par ailleurs, si j’ai une opinion, je la garde pour moi.

  • Je ne vise pas du tout à la généralisation de ce que je vais écrire à l’ensemble de l’agence. Je ne parlerai que de ce que j’ai constaté à mon tout petit niveau. Peut-être que dans d’autres groupes, d’autres commissions, tout est très différent. Mais de fait, je l’ignore.

Le groupe auquel j’appartiens depuis février 2010 dépend de la Commission d’AMM, je n’en suis qu’une petite main parmi des centaines d’autres.

Le mandat d’un expert titulaire (c’est le titre exact) est de 3 ans.

J’ai postulé à un appel d’offre sur le site de l’agence (j’avais déjà raconté cela), mais j’ai été refusé au groupe que je convoitais (avec le recul, aucun regret). Hasard incroyable, l’évaluatrice interne d’un autre groupe recherchait justement un cardiologue pour remplacer un départ.

Nous avons donc fait affaire!

A la base, je ne suis qu’un cardiologue clinicien de province avec une épreuve de titres parfaitement vide. J’ai donc été très surpris que je puisse les intéresser. Avec le temps et l’expérience, je pense avoir compris les critères de mon choix:

  • je suis clinicien de terrain.

  • je n’ai aucune relation avec l’industrie pharmaceutique.

  • je sais faire une bibliographie, je lis couramment l’anglais médical, j’ai un certain (appréciation très relative) esprit de synthèse et je suis un bosseur (ça paraît difficile à croire si l’on considère mon activité sur la toile, n’est-ce pas?).

Pas plus pas moins.

Pour être complet, l’évaluatrice interne qui m’a recruté connaissait mon blog, elle savait donc à peu près qui j’étais et ce que je pensais, ce qui a peut-être joué un rôle non négligeable dans ma sélection (et en creux, peut-être ma non-sélection dans l’autre groupe de travail…).

J’ai donc rempli toute la paperasse demandée, notamment comme tous les autres, une déclaration de conflits d’intérêts.

Vous pouvez imaginer comme ce moment a été savoureux alors que je parle de conflits d’intérêts depuis des années…

Idem lorsque le vieux lecteur de Prescrire que je suis a siégé pour son premier groupe de travail.

(je précise vieux pour me faire mousser, permettez-le moi. Pour une fois que j’ai anticipé la foule! Car dans quelques jours/semaines, il y en aura des pelletées de nouveaux, et c’est bien là le plus important).

A la première réunion, donc, j’ai donc rencontré le reste du groupe. Il est composé de 2 évaluatrices internes pharmacologues qui sont agents contractuels, de pharmacologues, d’un autre cardiologue, d’un agrégé de médecine interne, d’un néphrologue, d’un médecin généraliste, d’un pharmacocinéticien hospitalo-universitaire spécialiste du SIDA, de plusieurs responsables de centres de pharmacovigilance, tous solidement armés en pharmacologie …

Bref, un groupe pluridisciplinaire (médecins/pharmaciens, spécialistes/généraliste, agrégés/pas agrégés, hôpital publique/clinique ou exercice libéral en cabinet, Paris/province…), et c’est justement cela qui en fait son intérêt.

Nul besoin d’être agrégé à l’AP-HP pour être expert, ni de faire partie du sérail ou de telle ou telle coterie, ni de cachetonner pour l’industrie pour être admis. Je l’ai déjà dit, mais j’insiste, ce dernier point serait  même plutôt un critère d’exclusion.

Peut-être que je suis incroyablement naïf, mais je ne vois pas d’autres motivations que le bien de la communauté pour nous faire venir régulièrement de coins reculés de l’hexagone pour parler de médicaments et de traiter de dossiers parfois lourds (cf infra) les samedis et dimanches à la maison.

  • L’argent?

Mouhahahahahahaha!

Assister à une réunion est dédommagé 15C, soit 15*22€=330€ (vivement le C à 23€!), être rapporteur sur un dossier est aussi dédommagé (67€, je crois). Les jours de réunion, je me lève à 6h et je rentre chez moi autour de 23h. Je pourrais prendre l’avion, mais je préfère largement le TGV… Je ne veux pas faire pleurer mémé, mais pour vous donner une idée de ce que cela représente, une journée à Paris (notamment 6 heures de TGV+4heures de réunion) équivaut financièrement à environ 4 échographies trans-thoraciques. (comptez 10-15 minutes par examen si il n’y a rien de complexe à évaluer, ce qui est le cas le plus fréquent). Heureusement, les frais de déplacement sont intégralement pris en charge.

  • Le prestige?

Un peu moins mouhahahaha.

C’est vrai que c’est prestigieux et que j’en suis faraud. Je me suis empressé de téléphoner à ma mère pour qu’elle soit fière de moi, et elle l’a été. A la clinique, cette nomination m’a valu le poste de vice-président du COMEDIMS que je ne briguais pas (mouhahahaha), et cette instance va disparaître en 2011 (re mouhahahaha)…

  • La connaissance de choses cachées?

Re Mouhahahahahahahahahaha!

Les dossiers que nous traitons et nos discussions sont rigoureusement soumis au secret professionnel. Une bonne partie des dossiers (hors travaux publiés) sont donc confidentiels. Mais leur connaissance n’a pas révolutionné ma façon de penser sur l’industrie, mon métier ou mes confrères. Par contre je me suis rendu compte à quel point ceux qui croient savoir (ou pire, qui font croire qu’ils savent) peuvent raconter des conneries colossales. Ça et ricaner en silence de leur bêtise, c’est sans prix.

  • Améliorer ma connaissance du médicament?

Indubitablement la chose la plus importante. L’expertise m’a fait progresser à pas de géant et a changé radicalement ma façon de réfléchir sur mes prescriptions. J’en ai tiré la conclusion qu’un expert devrait apprendre autant qu’il sait, voire plus, au cours de son mandat. L’expertise est un enrichissement (pas pécuniaire !) mutuel.

Comment ça se passe en pratique?

Au début de chaque session, les évaluatrices apportent avec l’ordre du jour la liste des membres du groupe qui ont un lien avec les laboratoires dont un des produits va être discuté.

Dans l’immense majorité des cas, cette liste est vierge.

Permettez-moi d’insister encore sur ce point.

Quand je regarde le groupe de travail qui m’environne, rouage infime de l’agence, mais qui est la seule chose dont je puisse parler de façon objective, je constate que le problème des relations incestueuses avec l’industrie n’existe tout simplement pas.

Et ailleurs? Je n’en ai aucune idée, je n’ai ni soupçon, ni connaissance de faits, rien.

Sans rentrer dans les détails, le groupe répond à des requêtes émanant:

  • de l’industrie désireuse de faire changer une rubrique du RCP d’un médicament

  • de l’EMA

  • de la pharmacovigilance

  • d’autres groupes de travail

  • de lui-même (et oui, si un membre tombe sur un papier qui lui semble important d’être discuté avec les autres)

  • plus rarement d’une requête directe d’un professionnel de santé

Les deux évaluatrices internes abattent un travail proprement inhumain.

Je sais ce que certains vont se dire: mon gars, tu es bien gentil, mais tu bosses avec elles, l’une t’a recruté, et elles lisent ce blog, tu ne vas pas non plus dire que ce sont de grosses feignasses…

Si elles l’avaient été, je n’aurais rien dit, mais en l’occurrence, elles bossent vraiment comme des forcenées. J’ai le souvenir d’avoir discuté avec une de dossiers à 2 reprises entre 22h30 et 23h00. Moi, j’étais chez moi devant l’ordi, elle, elle était encore à St-Denis dans son bureau. Je ne cherche pas à faire pleurer le bon peuple, mais cela mérite d’être dit, et d’avoir du respect.

Elles sont donc la cheville ouvrière du groupe. Outre leur travail d’expertise sur certains dossiers, elle ont un rôle de répartition des tâches au sein du groupe et ce sont elles qui rédigent les comptes-rendus de séance.

Je reviens un instant sur le le problème des relations avec l’industrie. Je sais, je suis pesant. Chacun des 35 groupes de travail qui sont en amont de la Commission d’AMM repose donc sur les épaules d’évaluateurs internes que l’on peut très difficilement taxer de collusion avec l’industrie.

Les évaluatrices de mon groupe répartissent les dossiers en fonction des compétences et des disponibilités. Avec mon confrère cardiologue, nous ne traitons donc que des dossiers cardios et laissons avec soulagement les distingués pharmacologues trimer sur les  subtilités ineffables des transporteurs OATP2B1.

Un dossier peut être une simple question, ou l’analyse d’un dossier complet fourni par la firme et envoyé par colis (mon record personnel est de 9kg460).

Les délais de réponse sont en général satisfaisants.

Ensuite j’envoie mon rapport par messagerie électronique aux évaluatrices et au reste du groupe. Chacun est invité à commenter. S’en suit un consensus (ou non) et le dossier est rediscuté à la réunion d’après. Un compte rendu (relevé d’avis) est alors rédigé puis soumis à l’approbation de la Commission d’AMM.
Dans tous les cas de figure, les décisions sont transmises aux firmes, pour information. La firme a alors la possibilité d’agréer à nos décisions, ou au contraire de contre-argumenter. Dans ce dernier cas, le dossier repasse devant notre groupe. C’est ce qu’on appelle une la procédure contradictoire. A l’issue de cela, les évaluatrices internes rédigent un nouveau procès-verbal (terme hautement technocratique pour désigner le relevé d’avis) qui est adressé ensuite en à la Commission d’AMM pour validation.
Si les dossiers échappent aux compétences des membres du groupe, ce dernier peut demander une expertise à des tiers qui font partie d’autres instances, et qui ont, eux-aussi, par définition, rempli une déclaration de conflits d’intérêts.

Le consensus est rarement mou. J’ai le souvenir d’un dossier où mon rapport a été retoqué par un pharmacologue qui a tiré de son chapeau un article répondant à mes critiques point par point. J’ai mangé mon chapeau et ré-écrit ma synthèse. Bon, petite circonstance atténuante, l’article en question était en on-line first dans une revue de pharmaco ou d’anesthésie…

L’ambiance est détendue et informelle, mais gare à celui qui est approximatif sur son dossier ou une réponse!

L’industrie n’est pas notre amie. L’industrie n’est pas notre ennemie. Nous travaillons avec elle car elle connait très bien les produits qu’elle fabrique et que nos décisions la concernent. Dans le dialogue qui se noue avec elle, nous lisons toujours ses arguments avec un œil critique (admirez au passage la richesse sémantique de ce mot), certainement pas complaisant.

Et enfin, bien évidemment, au delà du groupe de travail, mon point de vue sur l’Agence a changé du tout au tout. Je suis passé sous son poli externe très monolithique et administratif (et légèrement hautain, si si…) et j’ai découvert des gens travailleurs, honnêtes et conscients de leur mission de service public (même remarque que supra: si ceux que je connais ne l’étaient pas, je n’en parlerai pas).

Bien sûr, l’image que je vous donne de l’agence est focalisée sur un de ses rouages et  à la relecture ma note ressemble un peu au monde des bisounours (ou si vous préférez aux images chatoyantes des missels de la fin du XIXième évoquant la vie édifiante de telle ou tel(le) saint(e) mort(e) inutilement avec un sourire béat dans des conditions effroyables). Mais ce que je vous ai raconté est ce que j’ai constaté.

Il y a quand même des points qui m’énervent ou me surprennent toujours:

  • pas de service de bibliographie en ligne (genre BiblioInserm) Je trouve ça totalement inacceptable (en passant, un immense merci à tous ceux qui m’aident en palliant à cette aberration).
  • aucune connexion internet digne de ce nom lorsque nous travaillons à en séance (pas facile de chercher rapidement une info). Back to The Trees!
  • un organigramme kafkaïen.
  • le déni conscient ou non de la notion de remise en question (si si…)
  • une inadaptation flagrante entre les moyens de l’agence et ses missions.

La perfection n’existe pas sur Terre, tout comme l’infaillibilité (sauf au Vatican, pour cette dernière). Un homme, un expert, n’est donc pas infaillible, ni non influençable, un groupe d’experts non plus.

L’intelligence collective de notre groupe qui est composé d’individus si divers et sa collégialité visent donc à faire tout ce qui est humainement possible pour tenter de corriger ces deux biais.

Comme d’habitude, si vous avez des questions, des remarques, n’hésitez pas!

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Le Guide de l’expert. Afssaps

17/12/10 21h20 et 18/12/10 8h50: quelques précisions et améliorations stylistiques.


20 Replies to “Le groupe de travail”

  1. J’adhère entièrement à cette vision personnelle interne de l’agence par l’expert ( gestion des conflits d’intérêt, honnêteté intellectuelle et rigueur des évaluateurs internes, apport de connaissance sur le monde du médicament et la pharmacologie, besoin de cliniciens dans les instances, etc…), qui conforte mon point de vue ( je siège à une autre commission).
    Cependant deux remarques :
    -« La Commission d’autorisation de mise sur le marché donne un avis au directeur général de l’Afssaps » ( comme les autres commisions); ce qui signifie que c’est le directeur qui prend la décision ultime, rarement mais éventuellement différente de l’avis de la commission (je n’ai jamais vérifié pour la commission d’ AMM);
    – les décisions de mise sur le marché, et l’encadrement légal du circuit du médicament tendent nettement vers un niveau de décision européen…fin programmée de l’ Afssaps ?

  2. Waouh !
    Billet passionnant et surtout éclairant dans le contexte actuel de remise en question de l’AFSSAPS et de son indépendance vis-à-vis de l’industrie par toute la classe journalistico-politique.
    Un grand merci pour ce billet – et tous les autres d’ailleurs 😉 – et pour ce travail qui sert autant les professionnels de santé que les patients !

  3. pas de doute sur le sérieux des procédures que je connaissais mais la misère de la structure( surmenage volontaire des fonctionnaires, misère de la compensation pour les libèraux) sélectionne les participants ,rend par définition incertaine sa survie à long terme, beaucoup de gens seront très contents de recevoir des avis anonymes d’une commission d ‘AMM européenne

  4. @pr mangemanche @doudou: qu’apporte l’Europe? Vaste question. D’un côté, l’EMA est la composante des différentes agences nationales, donc elles auront leur mot à dire, d’un autre, dès que l’on passe au niveau européen, on rentre dans un niveau de complexité démoniaque (structurelle, législative, politique…).
    Mais c’est certain que cela rajoute de la distance entre l’instance exécutive et l’usager, médecin ou patient, et en général, c’est rarement positif. Wait and See…
    Par ailleurs, j’ai l’impression que chaque agence a une culture spécifique de la pharmaco-vigilance. Un suédois ne voit pas les mêmes choses que nous devant des données qui paraissent pourtant univoques à nos yeux…

  5. En effet, on se demande pourquoi l’AFSSAPS ne pourrait pas avoir un accord avec l’INIST pour l’accès aux documents scientifiques (ceci dit, ce n’est pas un organisme de recherche, cela change peut-être la tarification).

  6. Bravo pour ce billet intéressant et bien fait. Il conforte totalement une opinion que j’ai toujours eu vis à vis de ceux qui n’ont de cesse de critiquer les agences et l’industrie en général : ils ne connaissent pas le secteur qu’ils critiquent. Ces critiques de professionnels, je ne les écoute que s’ils ont réellement travaillé dans les agences ou dans l’industrie. Votre expérience avec l’Afssaps serait la même dans l’industrie si vous aviez à y travailler ou y collaborer. J’ai également partagé ma carrière entre les services publics ou associatifs et l’industrie : dans les 2 secteurs, il y a des gens intelligents, dévoués, passionnants……mais les truands existent également dans les 2 secteurs….

  7. C’est très intéressant de mettre en valeur ces aspects de l’agence française. J’ai eu la chance de travailler quelques mois à l’agence européenne, et notamment pour un des comités (le plus petit), qui a les mêmes qualités que votre groupe de travail. De plus, la gestion des conflits d’intérêt m’a paru tout à fait satisfaisante. Et je m’étais fait la même réflexion que vous sur les problèmes d’accès aux bases bibliographiques ! Je fais le voeux qu’à l’issue du débat sur le médiator, le rôle et fonctionnement des agences seront renforcés.

  8. Bonjour,
    Je connais un peu l’Agence et beaucoup l’industrie. Je suis médecin généraliste à plein temps.
    Je crois, par idéologie, que ce sont les hommes qui font les structures plus que les structures qui font les hommes. Mais il est clair aussi que les structures, quelles qu’elles soient, fonctionnent pour elles-mêmes et obéissent à une logique interne et externe.
    Ainsi, penser qu’il existe des gens honnêtes à l’Agence ou dans l’industrie, est un truisme.
    Mais, ce qui est intéressant dans votre expérience, c’est votre cloisonnement. Je ne sais pas exactement comment vous pouvez dire qu’il n’y a pas de liens d’intérêt. Car n’oubliez pas que les évaluateurs ont désigné des experts sur listes, experts toujours les mêmes, n’oubliez pas que les rapports ont été conçus, les essais cliniques pré AMM, avec l’aide d’experts qui sont in et out l’Agence, qu’il y a en amont des échanges entre industrie et Agence, échanges scientifiques et « amicaux ». N’oubliez pas que les dossiers sont tronçonnés, préclinique, clinique, et cetera. N’oubliez pas que la commission d’AMM est ouverte à l’industrie. N’oubliez pas que, à la tête, de l’Agence, il y avait des responsables non indépendants je citerais Alexandre et Abadie, pour le passé. N’oubliez pas non plus que les firmes « cachaient » des données et que l’Agence n’avait ni les moyens ni la volonté de les rechercher. N’oubliez pas que la pharmacovigilance était sous la coupe des mêmes personnes depuis des siècles.
    Si vous voulez me faire dire que vous êtes honnête et que vous travailliez avec des gens honnêtes, dont acte. Mais la manipulation était permanente. Manipulation politique, sauver des emplois Servier ou Sanofi, manipulation scientifique, manipulation industrielle…
    Votre expérience est celle du maçon qui construit un mur et qui ne sait pas qu’il construit le mur d’une prison.
    Quant à l’Europe, elle est à la fois une formidable entreprise de lobbying et le révélateur des passions françaises : le Mediator n’était plus commercialisé qu’en France ; le vioxx n’a jamais fait un mort en France ; et cetera.
    Ainsi, dans l’affaire du Mediator, Servier était partout et se moquait comme d’une guigne des pauvres évaluateurs qui travaillaient jusqu’à 23 heures. Ils contrôlaient en amont et en aval.
    Enfin, et ce n’est pas une critique personnelle, et vous pourrez lire sur mon blog le chapitre Expert Mongering, que les experts sont à la fois nuisibles et indispensables. Que l’Agence doit engager les meilleurs, alors qu’elle fait le contraire, elle engage un expert cardiologue sans titres et travaux, qui devient expert sur le tas. Et c’est ce qui se passe en pharmacovigilance. Ou, de plus, les dossiers recueillis par l’industrie sont mis à la poubelle sans publicité. Ou non imputés. J’ai des exemples dans le cas de la grippe.
    Je m’arrête là car il faudrait une réflexion plus profonde et un dialogue plus approfondi.
    A votre disposition.

    1. Très belle argumentation théorique, mais beaucoup trop nihiliste pour moi.
      C’est vrai, je suis dans une cellule et je ne regarde pas ce qui se passe dans le reste de l’Agence, par exemple au niveau des commissions. C’est bien pour cela que je me suis bien gardé de faire la moindre extrapolation.
      Le rapport de l’Igas a comblé mes lacunes (et celles des autres).
      C’est vrai que nous nous appuyons en partie sur des dossiers fournis par l’industrie. Mais nous utilisons aussi Pubmed pour faire la revue de la littérature. Bon, les études sont aussi payées par l’industrie… pas de chance!
      Comment faire alors?
      C’est vrai que je suis un maçon qui ne voit pas le plan global. Suis-je en train de construire la chambre d’exécution? ou la bibliothèque de la prison? Je ne sais pas ce que je construis, mais j’essaye de le faire de mon mieux. Je ne cherche pas l’absolu, que je sois maudit.
      C’est aussi vrai que je n’ai pas publié, et que j’apprends mon métier d’expert sur le tas, avec le temps. Je pense que l’expertise est la meilleure école pour devenir expert. Être agrégé spécialiste du segment P2 de la valve mitrale ou généraliste de terrain ne prépare aucunement à être expert. Être expert, c’est accepter ses limites et travailler avec des gens totalement différents de vous pour les étendre. Être expert a longtemps signifié « savoir beaucoup ». Mais, tout le monde peut être « expert » à l’heure d’internet.
      Un médecin pas trop débile peut rédiger une synthèse sur un sujet pointu en 24 heures si il sait utiliser la toile, et pour peu qu’il sache lire l’anglais. Si plusieurs médecins (ou pharmacologues) s’y mettent, le résultat sera nettement meilleur.
      Maintenant, je pense que l’expert doit avoir un minimum de connaissances, c’est certain, mais aussi et surtout qu’il sache interagir avec les autres afin de créer de l’intelligence, et plus seulement de la connaissance.

      1. @docteurdu16
        vous dîtes : « ce sont les hommes qui font les structures plus que les structures qui font les hommes ».
        j’y souscris.
        pourquoi, dès lors , ne pas encourager des professionnels de santé tels que JM Vailloud à intégrer ces structures ?
        A l’échelon local, il est assez usant de se faire taxer d’ayatollah de lecteur Prescrire , devant nos attitudes prudentes ou critiques.
        Les professionnels de terrain et surtout les patients ont besoin que cette voix de la prudence, des décisions basées sur des preuves, soit entendue et respectée dans les instances de décision.
        L’afssaps peine à recruter des experts qui ne croulent pas sous les conflits d’intérêt.
        Vous-même, qui à la lecture de votre blog, me semblez doté d’un solide sens critique, d’une rigueur scientifique, d’une capacité à exprimer vos idées de manière argumentée, vous-même, disais-je, devriez postuler à l’affsaps, à la has, ou une autre instance de décision.
        « engagez-vous, rengagez-vous, qu’y disaient! »
        Les changements radicaux de la nature des agences sont certainement souhaitables, mais qui y travaillera ? Il ne faut pas laisser la place à ceux qui ont déjà perverti l’anncien système .

        avis d’un humble généraliste, sans titre ni travaux, encore moins professeur (malgré le pseudo), recruté par l’afssaps probablement sur l’absence de conflits d’intérêt, l’expérience de clinicien, souvent insatisfait de son fonctionnement, parfois ayant l’impression d’avoir été utile.

  9. Très intéressant de lire vos points de vue sur l’Affsaps et l’industrie pharmaceutique.
    Je sui simplement une « mémée » de 63 ans mère de 3 enfants et grand-mère, victime affaiblie du Médator.
    Je ne pleure pas vraiment sur vos journées de travail interminables car j’ai bien connu ça aussi toute ma vie. Mes journées de travail de 10 h étaient éreintantes et il fallait s’occuper des enfants en rentrant.
    Mais je n’ai pas la fierté d’être médecin.
    Tout ce que vous dites est bel et bien mais moi, dans mon coin, à l’heure d’une retraite bien méritée, j’aurais tout simplement bien aimé vieillir en forme, voyager et faire mille choses que je ne pourrai jamais faire qu’en rêve.
    Dites-moi, à qui dois-je en vouloir ?

    1. C’est la question fondamentale.
      Je dirais à tout le monde:
      Servier, les médecins qui l’ont prescrit hors AMM, les agences de sécurité sanitaire, les différents gouvernements successifs, les patients qui l’ont réclamé parfois à corps et à cris pour perdre du poids (parce qu’il y en a eu des tas)…

    2. Vous pouvez clairement en vouloir à l’Afssaps qui en dépit de multiples signaux n’a remis en cause son AMM qu’en 2009 mais bien évidemment aussi à ses ministres de tutelle de ne jamais avoir donné à l’Afssaps son indépendance financière totale; en partie aussi à votre médecin qui s’il s’était renseigné un tant soit peu se serait abstenu de vous prescrire ce médicament mais qui bien sur continuera de rejeter la faute sur l’Afssaps et Servier et puis peut-être aussi un peu a vous même d’avoir voulu sous traiter les efforts nécessaires pour contrôler votre poids ou maigrir (si tel était votre cas bien sur) à un médicament.

  10. bonjour, enfin je trouve des personnes sur le net qui explique des choses interessantes sur l’afssaps:je suis expert externe à l’Afssaps depuis début novembre 2009, le même mois que le retrait du Mediator…..
    Je viens d’écrire une lettre ouverte sur le rapport Even-Debré, en gros je trouve le rapport odieux, injuste voire vulgaire mais je suis obligée de reconnaitre qu’il faut faire une réforme, moderniser, revoir les fonctionnalités des commissions, faire un site internet correct et mieux définir qui fait quoi entre l’Afssaps et l’HAS

    a bientôt
    JA

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