Le NEJM du 4 novembre comporte une correspondance très intéressante (profitez-en, elle est en accès libre) sur l’étude Re-Ly dont j’avais parlé ici.
Cette étude est gigantesque, avec 18113 patients suivis sur 2 ans.
Une donnée de sécurité avait fait lever le sourcil des autorités de régulations,, notamment la FDA, ainsi que d’un groupe de surveillance indépendant.
On observait en effet un sur-risque statistiquement significatif et inattendu d’infarctus du myocarde dans le groupe dabigatran 150 par rapport au groupe warfarine:
The rate of myocardial infarction was 0.53% per year with warfarin and was higher with dabigatran: 0.72% per year in the 110-mg group (relative risk, 1.35; 95% CI, 0.98 to 1.87; P = 0.07) and 0.74% per year in the 150-mg group (relative risk, 1.38, 95% CI, 1.00 to 1.91; P = 0.048).
Le p est significatif est à 0.048. le risque relatif est à 1.38, le risque absolu à 0.74% par an. La réduction relative de risque de la warfarine par rapport au dabigatran est donc de 38%. Autrement dit le sur-risque relatif de présenter un épisode coronarien est de 38% dans le groupe dabigatran.
Dit comme cela, il y a de quoi se poser des questions sur la sécurité du dabigatran.
Mais il faut regarder l’écart type au sein duquel le risque relatif vrai a 95% de chances de se situer: 1 à 1.91.
Le risque relatif vrai pourrait tout aussi bien être 1, c’est à dire pas de sur-risque coronarien du dabigatran ou 1.91, c’est à dire un risque relatif pas très loin de 2.
L’interprétation de ces données est toujours délicate, d’autant plus que le pourquoi du comment (effet protecteur de la warfarine…) reste largement inconnu.
Les auteurs, sous la pression de la FDA, ont donc réanalysé les données.
Ils ont identifiés 81 évènements supplémentaires chez 80 patients (sur 18113, je le rappelle).
Parmi ces 81 évènements, on comptait 4 nouveaux infarctus du myocarde, « oubliés » et 28 nouveaux cas d’infarctus silencieux non reportés par les différents investigateurs.
La répartition de ces nouveaux cas au sein des 3 groupes de l’essai fait disparaître la significativité du risque coronarien du dabigatran 150 mg: risque relatif à 1.27 (0.94–1.71) p=0.12.
Étonnant et instructif, une poignée de cas répartis sur 3 groupes dans une énorme étude change drastiquement une donnée importante.
J’ai un énorme conflit d’intérêt, mais je vous suggère vivement la lecture de cette page web qui donne accès librement au support de cours de mon DU de statistiques rédigé par Michel Cucherat, notamment ces deux chapitres qui traitent de ce point précis soulevé par cette réinterprétation de Re-Ly:
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Connolly SJ, Ezekowitz MD, Yusuf S, et al. Dabigatran versus warfarin in patients with atrial fibrillation. N Engl J Medicine 2009; DOI:10.1056.NEJM0a0905561.
Steve Stiles. New dabigatran safety data from RE-LY unveiled as watchdog group seeks answers. theheart.org. [Clinical Conditions > Arrhythmia/EP > Arrhythmia/EP]; Dec 8, 2010. Accessed at http://www.theheart.org/article/1161057.do on Dec 9, 2010