Le rapport de l’Académie de Médecine sur les génériques

L’Académie de Médecine a publié le 14 février dernier un rapport sur les médicaments génériques. Je serais tenté de dire Nihil novi sub sole pour faire très Académie.

Le rapport fait un petit rappel sur la bioéquivalence, donne un satisfecit général pour les génériques tout en restant circonspect pour les médicaments à marge thérapeutique étroite. il encourage aussi à la prescription en DCI. Le rapport insiste aussi fort justement sur un truisme, il faut contrôler de façon rigoureuse leur processus de fabrication.

J’ai déjà abondamment parlé des génériques dans cette section, et plus particulièrement de la bioéquivalence, et des problèmes de qualité de fabrication. Mais un micro détail et un point crucial ont retenu mon attention.

D’abord le micro détail.

La référence 11 renvoie vers un article de Pharmaceutiques. Enfin, renvoie partiellement, car je pense que l’Académie aurait pu faire l’effort d’insérer le lien hypertexte complet.

Pharmaceutiques est la revue mensuelle (10 numéros par an) des cadres de l’industrie et des décideurs institutionnels du monde de la santé.

Cela ne veut pas dire que cette publication soit de mauvaise qualité, c’est même tout le contraire. Je connais une brillantissime ancienne rédactrice (Bises+++ 😉 ).

J’aime bien lire leurs articles (dommage que je n’y sois pas abonné, j’échange 12 ans d’abonnement de Cardiologie Pratique contre 12 mois d’abonnement à Pharmaceutiques). Je trouve néanmoins curieux qu’on puisse citer un article de cette revue pour autre chose qu’une opinion dans un texte publié par une institution publique, et qui est censé établir une référence.

Et ce d’autant plus que cet article est cité comme référence d’un travail…de l’Afssaps.

Mouhahahahahahaha!

Le rapport de l’Académie copie presque mot pour mot l’article de Pharmaceutiques qui ne donne, lui, aucune référence permettant au lecteur curieux d’aller plus loin.

[Rapport de l’Académie:] De son côté, l’AFSSAPS a contrôlé, entre 1999 et 2006,1658 spécialités dont 349 princeps et 1309 génériques. Le taux de non-conformité était de 6% pour les princeps et 9,6% pour les génériques, différence jugée non significative [11] .

[Pharmaceutiques:] Entre 2000 et 2005, ces contrôles de produits finis ont été complétés par des contrôles de matières premières ciblées : principes actifs instables, synthèse délicate, origines multisources notamment. Sur les spécialités inscrites au répertoire, un taux de 6 % de non-conformité a été observé parmi les princeps, et 9,6 % parmi les génériques, une différence jugée non significative.

Ce grand classique des thèses de médecine, la référence boiteuse borgne et copiée/collée, m’a beaucoup surpris de la part de nos doctes académiciens.

Le CNOM qui a publié un rapport le 04/02/2010 sur les génériques, faisait lui aussi référence à ce travail de l’Afssaps, mais sans citer de référence.

Comme je suis d’humeur badine, voici l’article en question sur le site de l’Afssaps. Il va probablement encore pas mal resservir, et un lien direct fera bien plus classe dans les futurs productions institutionnelles, rapports/recommandations/mises au point/références médicales opposables ou non… qu’une référence boiteuse dans Pharmaceutiques.

(Ah oui, ce n’est pas parce-que j’ai des contacts à l’Agence que j’ai eu ce lien. Je l’ai trouvé en 30 secondes sur Google).

Maintenant, le point crucial;

Paradoxalement celui-ci n’est cité que dans les recommandations de ce rapport, pas dans le texte (encore un flou de rédaction) et déborde tellement du problème des génériques qu’il en est presque hors sujet.

Définir les principes actifs indispensables que la France doit avoir à sa disposition et donc les fabriquer sur son propre territoire pour faire face à toute rupture d’approvisionnement en accord avec les recommandations de l’Académie nationale de Pharmacie (18).

La délocalisation des chaines de production pose en effet le problème des contrôles de qualité et du respect des normes européennes de fabrication. Mais elle pose aussi le problème de l’externalisation de la fabrication de produits qui pourraient devenir stratégiques en cas de tension(s) internationale(s), ou de conflit(s). Je me suis abonné aux alertes de l’Afssaps, et il ne se passe pas une semaine sans qu’un produit, générique ou non, soit en rupture de stock.

Imaginez maintenant que nous passions de ce souci un peu récurrent de flux trop tendus à une situation où un pays qui aurait le quasi monopole par exemple de la synthèse des précurseurs des héparines (vous voyez à qui je pense…) déciderait d’arrêter ses exportations….

Le NYT s’était inquiété de cela en janvier 2009.

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