Je ne suis pas le seul à être tombé de haut lorsque la révélation de résultats intermédiaires de l’étude ALTITUDE ont conduit à cette réaction des agences de sécurité sanitaire, comme l’Afssaps.
J’avais parlé de ALTITUDE ici, enfin, pour être exact, j’avais mis en parallèle le superbe plan marketing de lancement de l’aliskiren qui s’annonçait être une merveille, toutes les belles choses qui avaient été dites par des experts et la dure confrontation avec des résultats assez inquiétants de cette étude.
Je vous conseille vivement la lecture de ce commentaire très récent sur ce sujet, écrit par quelqu’un qui connaît très bien le sujet. Le texte pose les bonnes questions, notamment celle, cruciale, des critères de jugement des études cliniques sur lesquelles s’appuient les dossiers d’AMM.
Ne doit-on pas exiger dorénavant d’avoir au moins une étude de morbi-mortalité bien conduite dans le dossier d’AMM d’une molécule ayant pour but annoncé de diminuer cette dernière?
(La réponse paraît évidente, mais des tas de gens se la posent encore sérieusement, quelques-uns répondent même non)
Je pense que tout le monde s’est un peu trop reposé sur le syllogisme « la molécule A améliore le paramètre B, améliorer B permet de diminuer la morbi-mortalité, donc A améliore la morbi-mortalité ». Des tas d’études ont montré que ce raisonnement a des failles. En cardiologie, CAST en est l’exemple le plus connu.
Bon, ça c’était pour faire le sérieux, maintenant, je vais vous montrer comment pirater le site de « Réalités Cardiologiques« .
On ne rigole pas, s’il vous plaît!
Vous allez voir, c’est digne des Anonymous.
Imaginons que je souhaite lire l’article « Evaluation de l’ischémie myocardique par l’échographie de stress« .
Pour le lire, il faut s’inscrire au site puis souscrire à l’offre « Premium gratuite » (??) en donnant, pour les médecins par exemple, son numéro d’ordre.
Mais il y a bien plus rapide et bien plus simple.
Vous tapez Evaluation de l’ischémie myocardique par l’échographie de stress dans Google et vous obtenez cela:
L’occurrence numéro 3 est le fichier PDF de l’article.
Bisous, 😉
Ça marche aussi pour le groupe Consensus.
Mouhahahahahaha.
Le commentaire du Dr F. Dievart que vous nous donnez en lien résume tous les impacts négatifs de l’ECR: Ticket d’entrée plus cher pour toute nouvelle molécule innovante (donc découragement des petits labos), ce qui pour les médecins entraînera sur le long terme une diminution de l’apparition de nouvelles molécules diponibles. Quelques extraits prégnants de l’article:
Je cite:
Page 4 colonne du milieux en haut :
De façon simple, début 2012, la principale
agence de santé française recommandait
de ne plus débuter de traitement par l’aliskiren. Voici donc l’avenir de la seule innovation dans le domaine de l’hypertension
artérielle depuis 1995… compromis.
Page 7 colonne du milieux en haut :
permettre à une structure
industrielle de petite à moyenne taille
de se développer ou se maintenir.
Un refus de remboursement de cette molécule constituera
un nouveau signal d’inquiétude pour
les petites et moyennes structures de
l’industrie pharmaceutique.
Pour les
médecins, elle annoncera une diminution des molécules disponibles dans
les différentes classes thérapeutiques
éprouvées.
Page 7 colonne de roite en haut :
conduira-t-elle les agences de santé à
demander un essai de morbi-mortalité
avant la commercialisation d’une éventuelle nouvelle classe d’antihypertenseur? Dans ce cas, quel sera, pour l’industrie, le nouveau coût d’entrée dans
l’indication “traitement de l’hypertension artérielle”?
Fin de citation
Quel sera l’impact sur la recherche pharmaceutique sur le long terme?
Si on ne nous donne plus à prescrire
– de molécule innovante
– mais n’améliorant pas les critères de jugement seuls valables, les critères de morbimortalité (et mortalité de toutes causes please),
– et éventuellemnt dangereuse,
…. on sera mal ?
Hélas je ne crois pas que la recherche médicale avance comme celà, elle va rarement droit au but et les critères de morbimortalité sont trop longs à apparaître (il faut attendre 6 ans et plus). Le côté tout ou rien du raisonnement m’interroge. Vous avez une molécule mais on va attendre 6 ans pour voir si elle marche vraiment. Aucune industrie ne pourrait résisiter à de telles contraintes au développement. (Imaginez qu’on ait imposé celà à l’industrie informatique ou aéronotique).
L’aéronautique n’a probablement pas intérêt à cacher ce qui ne va pas et à développer lucidité et exigence parce que les crashs aériens ne passent pas inaperçus…..
Les professionnels de santé eux sont bien endormis par une industrie qui les prend bien en charge, leur prend du temps pendant leurs heures de travail et de loisir. Cette même industrie aspire à se charger de la pharmacovigilance au travers de sa VM (!!!). Les professionnels de santé sont incités à se préoccuper de l’industrie et de son avenir (???!!!) et à se lamenter avec la VM. C’est mieux que de consacrer du temps à faire une déclaration de pharmacovigilance qui pourrait nuire à un produit innovant qu’il faut prescrire et ne voir que positivement…. C’est étonnant de voir le nombre de déclarations de pharmacovigilance exploser a posteriori pour les prothèses PIP… C’est de mon point de vue symptomatique des dysfonctionnements d’un système.
Dans la mesure où la pharmacovigilance est insuffisamment développée et les professionnels de santé toujours pas formés en 2012, la seule solution pour protéger la santé publique réside dans des solutions d’amont qui ne donne pas d’AMM des produits insuffisamment évalués qui n’apportent rien par rapport à l’existant. Les critères de substitution montrent une fois de plus leur faiblesse puisqu’ils ne correspondent pas au véritable enjeu thérapeutique et ne sont pas toujours corrélés à celui-ci. Pourtant le slogan marketing que tout cardiologue « bien formé » par l’industrie a en tête est « plus c’est bas mieux c’est »…..
Vous pointez ce qui vous semble être le problème: le modèle économique de développement de l’industrie pharmaceutique! C’est donc ce problème absolument pas remis en question auquel il faut travailler! Mais là faut pas rêver !!! Si j’apprécie les commentaires du Dr DEVIEART
« Je pense que tout le monde s’est un peu trop reposé sur le syllogisme “la molécule A améliore le paramètre B, améliorer B permet de diminuer la morbi-mortalité, donc A améliore la morbi-mortalité”. Des tas d’études ont montré que ce raisonnement a des failles. En cardiologie, CAST en est l’exemple le plus connu. »
Il n’y a pas que ça , en plus. il y a les études énormes. On nous rebat les oreilles avec la tyaille des études, comme si une grande étude valait mieux qu’un petite.
Alors que mathématiquement tout débutant en statistique sait que c’est le contraire.
Small is beautiful, si c’est bien conçu.
AUtre problème : les études qui ne parelent que de la mortalité « cardiovasculaire » par exemple. comme si les médicaments ne pouvaient pas tuer les malades autrement.
D’ailleurs la mortalité toutes causes confondues est le critère le plus incorruptible. Problème (on se mort la queue) quand la mortalité est rare, il faut des grands nombres pour comparer les morts.
Une lecture dévastatrice mais intéressante ‘in English »:
http://www.amazon.fr/STATS-Fooled-Statistics-Based-Research-Medicine/dp/1907313338/ref=ntt_at_ep_dpt_1
Table des matières ici; https://www.yousendit.com/download/T2dkQndPUzdvQnU5TE1UQw
Bonjour.
Merci pour le lien.
Je pense qu’ALTITUDE enterre définitivement le prinicipe du « double blocage », après ONTARGET, le foirage de COOPERATE, etc…
C’est tout de même dommage de se priver d’une molécule eventuellement efficace comme l’aliskiren, en tant qu’antihypertenseur j’entends. ALTITUDE ne permet pas de dire que prendre de l’ALISKIREN est dangereux en soi quand on est diabétique, mais plutôt que cela l’est si on est déjà sous sartan. C’est une nuance quand même!
Je suis néphrologue et je n’ai pas interrompu depuis cette annonce le traitement par aliskiren des quelques patients chez qui je l’ai essayé et qui semblent avoir une TA meilleure depuis. En précisant bien qu’il y avait eu auparavant chez eux plusieurs échecs des IEC et sartans, quel qu’en soit le mécanisme (inobservance, hyperK, inefficacité, dose trop faible,intolérance,..) et avec une TA clairement élevée. Bien sûr aucune association.
Ca reste de l’empirisme à petite échelle tout à fait compatible avec du placebo, de plus les études dans l’HTA ont cerné des patients plutôt simples, loin des problèmes complexes de la consultation.
Il y a donc une minorité de patients qui peuplent nos consultations avec des TA déséquilibrées, et pour lesquels des interventions médicamenteuses bien menées paraissent bénéfiques (sur la TA s’entend), sans une solide base de publications derrière.
Le même problème se rencontre avec l’ALDACTONE ou l’éplérénone (que fait le labo?), avec des études séduisantes mais de portée limitée, une niche de prescription bien validée, et une efficacité empirique pour une proportion des HTA « résistantes ».
J’ai oublié de conclure.
En synthèse, une fraction significative des patients vus en consultation, chez qui le contrôle tensionnel pose problème, ne sera jamais soumise pour diverses raisons à des études interventionnelles solides. Alors que faire? Utiliser parfois des traitements, non totalement validés, potentiellement efficaces, dès lors qu’il n’ont pas d’effet délétère sérieux connu, et qu’on pense pouvoir géréer les désagremnt useuls (potassium, etc…).
Dit comme ça, ça pourrait faire de moi un supporter de la dénervation rénale. Mais pour le coup les données manquent clairement et c’est invasif. On sent aussi frémir la possibilité de recyclage d’une activité d’angioplastie rénale freinée par les essais des dernières années. Nous allons voir…
Continuez votre veille!
😉
Merci!
Ça vient juste de tomber: http://www.ema.europa.eu/ema/index.jsp?curl=pages/medicines/human/public_health_alerts/2012/02/human_pha_detail_000055.jsp&mid=WC0b01ac058001d126
Ça sent en effet le sapin pour le double blocage…