J’ai entendu parler d’une histoire récente qui m’a rappelé celle des papiers bleus. Comme quoi, cette dernière n’est pas une exception mais le reflet d’une certaine évolution de la société.
Un soir, une consœur a récupéré un patient qui n’était pas hospitalisé dans sa clinique, mais qui était tellement confus qu’on ne savait pas d’où il venait
Il a été déposé/vidé/jeté/balancé par des ambulanciers devant le hall désertique de la clinique et il a a erré dans les étages jusqu’à trouver un soignant qui l’a pris en charge. Les ambulanciers ne se sont pas du tout intéressés au devenir de leur patient, pourtant de toute évidence totalement confus, une fois qu’il a quitté leur véhicule. Tant pis si il n’y avait personne à l’accueil pour le guider et surtout se rendre compte de leur confusion, à eux. Ils devaient avoir une autre livraison à faire.
Bref, dans l’infirmerie, devant deux infirmières perplexes, la consœur a trouvé un monsieur confus très calme, propre, en pyjama bleu, la cinquantaine, peu francophone ou un peu sourd ou les deux. Pas de bracelet d’identification, pas de papiers. Il tenait dans sa main un exemplaire du Point de la semaine avec l’affaire DSK en couverture et une IRM cérébrale. L’IRM montrait un hématome sous dural. Les doigts de l’homme étaient jaunis par la cigarette et il sentait un peu l’odeur aigrelette des alcooliques.
On a téléphoné au radiologue qui a fait l’IRM, il ne savait pas d’où son patient venait et il s’en foutait.
Le monsieur confus a fini par donner le nom de la ville où il habitait.
On a cherché son patronyme sur les pages blanches et on lui a répété les prénoms de la liste pour savoir si ça lui évoquait quelque chose. C’est incroyable comme c’est difficile d’extraire des informations, même les plus simples, du cerveau d’un monsieur confus et fatigué! Karima, ça a fini par lui parler. On a appelé Karima qui est sa belle-sœur, bingo, mais elle s’est un peu fichu du problème et a demandé qu’on appelle la sœur du monsieur confus, appelée…Karima.
Karima, la sœur était sur répondeur, encore, encore et encore et encore.
Pendant ce temps, on a couché le monsieur confus dans une belle chambre particulière à 65€ la journée. On lui a servi une petite collation. Il était ravi.
Comme la famille s’en foutait toujours un peu et n’a pas donné signe de vie, on a appelé les pompiers pour l’emmener au urgences. Pourquoi? Probablement car on a fini par s’en foutre aussi un peu de ce monsieur confus bien encombrant et qu’il n’existe pas de Bureau des messieurs confus trouvés sur Marseille. Et puis, vous savez, un patient qui n’est pas là où il devrait être, ça peut poser des problèmes de responsabilité… alors tel Ponce Pilate, on l’a adressé au réceptacle de tout ce dont la société se fiche, les urgences. Tant pis si ce n’est pas le rôle des urgences, on s’en fout. Les pompiers ont râlé, pesté, grogné mais ils l’ont accompagné là-bas.
On a quand même fini par retrouver sa clinique (je ne sais pas comment, je m’en fous), et qui l’eût cru, elle est littéralement à un jet de pierre de celle où on l’avait balancé.
Une pierre un homme, quelle différence? On s’en fout, non?