La seconde partie du rapport de l’Igas

L’Igas vient de publier un rapport intéressant sur la pharmacovigilance et la gouvernance de la chaîne du médicament, Ce rapport est la suite logique de celui portant sur « L’Affaire Médiator ».

J’avais déjà parlé de ce dernier.

Une grande partie de ce document porte sur la pharmacovigilance, dont je connais très mal la structure actuelle, donc je vais passer rapidement dessus.

Les rapporteurs de l’Igas souhaitent une simplification et un élargissement des déclarations des effets indésirables inattendus, ce qui paraît le bon sens même. Fort heureusement, depuis peu, les patients et associations de patients peuvent faire cette démarche.

J’ai trouvé le rapport injuste quand il insiste sur le fait que seule la voie postale est possible.

Cette page de l’Afssaps précise en effet que la déclaration peut se faire par « courrier postal ou courrier électronique ».

On pourrait néanmoins largement simplifier le système étant données les potentialités offertes par les technologies actuelles.

Je trouve aussi que le rapport est assez injuste et très jacobin quand il critique l’intégration des autorités sanitaires françaises au sein de l’EMA, l’agence européenne.

L’EMA est un facteur ralentisseur, a un fonctionnement critiquable et n’est pas un modèle en matière de gestion des conflits d’intérêts, certes. Mais les agences de régulation françaises et l’administration française en général, dont l’Igas ne sont peut-être pas forcément les mieux placées pour faire la morale à l’Europe.

C’est certain que d’un point de vue français, l’Afssaps a largement perdu sa prééminence en matière de gestion de la chaîne du médicament. Maintenant, les décisions sont prises à Londres, siège de l’EMA.

Mais je crois qu’il faut dépasser ce point de vue.

Débattre d’un dossier « à l’Europe » comme le disent joliment les évaluateurs de l’Afssaps signifie ouvrir le débat à d’autres cultures pharmacologiques et à d’autres points de vue que le notre. Cela signifie des concessions et un ralentissement de la procédure, certes, mais aussi et surtout à mon sens un enrichissement indiscutable. De la discussion jaillit la lumière. Par ailleurs, lorsque notre pays est rapporteur d’un dossier, chacun va se faire fort de présenter « à l’Europe » le document le plus irréprochable possible. On ne peut pas se permettre d’être ridicules devant les autres pays.

Le jugement des autres ne peut que nous rendre meilleurs. Maintenant, il faut aussi arrêter d’être jacobin et de se lamenter de la perte de la prééminence des agences françaises. L’Afssaps a été et reste un pilier de l’EMA et on peut en être légitimement fiers.

Les auteurs du rapport de l’Igas précisent (page 41):

Pour les médicaments à AMM nationale correspondant, cela signifie une perte de toute une partie des signaux, alors qu’ils ne sont pas non plus traités au niveau européen. A contrario, le nombre de dossier d’AMM où la France est rapporteur ou co-rapporteur était de 23 en 2010, la France se situant en troisième position derrière le Royaume Uni (27 dossiers) et la Suède (25 dossiers). Le rang de la France sur ce même critère a été septième en 2007, troisième en 2008 et cinquième en 2008.

Pourquoi la France est souvent rapporteur? Tout simplement parce que nous sommes parmi les meilleurs en Europe. Le fait que ce soient les firmes qui aient longtemps choisi les pays rapporteurs ne change rien au problème. On ne peut certainement pas se lamenter d’être bons. Être bons « à l’Europe » signifie aussi être bons sur le territoire.

Je ne dirais pas grand chose de plus sur l’expertise interne que . Je pense que le meilleur système est mixte avec une expertise interne forte et des experts externes qui permettent aux agences de multiplier les points de vue et aussi de rester en contact avec le terrain.

(Mais bon c’est aussi certain que je ne suis peut-être pas très objectif car j’aime bien mon poste d’expert externe…)

Les concepts de « Valeur Ajoutée Thérapeutique » réévaluable et de contrôle du nombre de médicaments me semblent parfait, mais il va falloir que l’État mette de l’argent sur la table. Par ailleurs, les firmes vont faire tout ce qui est dans leur pouvoir, notamment au niveau politique, pour saboter sa mise en place. Ces deux phénomènes conjugués font que j’ai peu d’espoir de voir ça de mon vivant.

Suppression de la visite médicale, parfait, et je pense que les firmes vont cyniquement utiliser cette idée pour dégraisser un peu leurs effectifs et développer d’autres moyens pour faire leur promotion. Les auteurs proposent de nationaliser le visite médicale. Parfait, mais là aussi, il va falloir trouver un financement.

J’aime beaucoup le passage suivant (page 93):

Les pouvoirs publics […] se contentant […] De mettre en œuvre une régulation (ex : de la publicité des firmes) souvent a minima (ex : charte CEPS-LEEM sur la visite médicale du 22 décembre 2004 avec pour objectif de « ne pas occasionner de dépenses inutiles » mais sans engagement sur la fréquence de la visite, sans disposition crédible sur la visite médicale à l’hôpital ou sur les autres produits de santé ; certification de la visite médicale par la HAS ; charte Etat-LEEM où celui-ci s’engage à garantir aux organismes de formation continue qu’il finance une indépendance scientifique et pédagogique). Toutes ces dispositions sont globalement formelles, sans contrôle et sans sanction, et deviennent ainsi un alibi pour que les choses ne changent pas.

Mouhahahahahaha, les auteurs ont de toute évidence lu « Le Guépard »

Pour rire encore un peu, je vous suggère les lectures suivantes juste après cette volée de bois vert administrée par les rapporteurs de l’Igas:

  • Les 2 notes que j’avais consacré à cette charte : ici et ici.

Bon, ce rapport me paraît très bien, à l’exception de la restructuration de la pharmacovigilance pour laquelle je n’ai pas d’avis par méconnaissance du sujet.

Par contre, je pense que les solutions révolutionnaires qu’il préconise, et qui me semblent être très bonnes ne seront jamais mises en application de mon vivant.

Primo car les firmes ne vont certainement pas se laisser faire (et de leur point de vue, elles auront raison), et secundo, l’État manque cruellement de moyens financiers pour les mettre efficacement en application et les rendre pérennes.

Toute l’ironie de l’histoire, c’est que ce sont les firmes qui les ont, ces moyens.

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