B., que je suis depuis des années m’a invité l’an dernier à fêter en famille ses 80 ans.
J’étais très content car j’aime beaucoup B. et aussi car elle a une solide réputation de cordon bleu. Comme elle est d’origine malgache, mon épouse et moi nous nous attendions à un festival de saveurs, et nous n’avons pas été déçus.
Son petit appartement propret débordait de membres de sa famille, mais la place d’honneur, sur le canapé, en face de la TV nous attendait.
L’accueil, débordant de gentillesses en était presque gênant, car, il faut bien le dire, je n’ai strictement rien fait de miraculeux pour maintenir B. en forme. De l’attention, une surveillance attentive, oui, mais rien qui puisse justifier d’être vu comme un « envoyé de Dieu ». A la limite, le coronarographiste qui lui a débouché la coronaire droite aurait plus mérité cet honneur que moi.
L’ensemble de la famille, protestante, à l’exception notable d’un membre, catholique romain, est donc très croyante.
Après l’apéritif d’usage, je m’attendais à des actions de grâce avant de débuter les agapes.
De fait, un psautier est prestement apparu entre mes mains. Je l’ai partagé avec mon voisin, la pièce rapportée, le catholique romain. Comme je le connaissais par ailleurs, je lui ai demandé à l’oreille combien de temps ça allait durer. Il m’a fait un grand sourire mi-ironique, mi-résigné: 30 à 45 minutes…
Arrrrggggghhhh.
Je n’allais quand même pas annoner des psaumes pendant 1/2 heure!
Je me suis caché lèvres closes derrière le psautier en souriant à qui me regardait. J’évitais de croiser le regard malicieux de mon épouse qui faisait exactement comme moi à l’autre bout du canapé. Un fou-rire aurait été un faux-pas regrettable.
Le temps et les psaumes passants, ne voyant pas le bout de la litanie, je me demandais ce que je faisais là, dans ce canapé, dans cette situation surréaliste.
Je me souviens notamment d’un passage (merci internet):
1 De David. Mon âme, bénis l’Éternel! Que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom!
2 Mon âme, bénis l’Éternel, Et n’oublie aucun de ses bienfaits!
3 C’est lui qui pardonne toutes tes iniquités, Qui guérit toutes tes maladies;
4 C’est lui qui délivre ta vie de la fosse, Qui te couronne de bonté et de miséricorde;
5 C’est lui qui rassasie de biens ta vieillesse, Qui te fait rajeunir comme l’aigle.
6 L’Éternel fait justice, Il fait droit à tous les opprimés.
7 Il a manifesté ses voies à Moïse, Ses œuvres aux enfants d’Israël.
8 L’Éternel est miséricordieux et compatissant, Lent à la colère et riche en bonté;
9 Il ne conteste pas sans cesse, Il ne garde pas sa colère à toujours;
10 Il ne nous traite pas selon nos péchés, Il ne nous punit pas selon nos iniquités.
11 Mais autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, Autant sa bonté est grande pour ceux qui le craignent;
12 Autant l’orient est éloigné de l’occident, Autant il éloigne de nous nos transgressions.
Psaume 103:1-10, version Louis Segond pour les amateurs.
J’imaginais ma fluette B. emportée dans les serres d’un grand pygargue à tête blanche (peut-être l’analogie avec les télévangélistes américains…).
Et ça a duré, duré…
Finalement, nous sommes passés à table et on a encore remercié le Seigneur pour notre repas, ce que j’ai presque fait avec reconnaissance, étant donné que les 30 minutes de prières m’avaient fourbu.
J’avais à côté de moi l’autre invité d’honneur, un pasteur…
Ce dernier et les autres invités étaient très sympas et le repas a été à la hauteur de la réputation de B. qui a eu ainsi une fête d’anniversaire rêvée, flanquée de son médecin et de son pasteur. Quand l’un défaillira, l’autre prendra le relais. Son bonheur faisait plaisir à voir.
Le repas a été délicieux, ce qui a fait passer les quelques nouveaux psaumes qui ont accompagné le traditionnel Happy Birthday entonné à l’arrivée du gâteau à la banane.
J’ai même percé un mystère qui pour moi était jusqu’à ce jour insondable: pourquoi les malgaches, et les comoriens ont des hypertensions aussi sévères et difficiles à traiter alors qu’ils sont en général minces et actifs.
Et bien, je crois que c’est à cause des condiments qu’ils utilisent et qui sont incroyablement salés pour un palais occidental. Le sel est encore là-bas un conservateur qui pallie l’absence de frigos.
Le diable se cache dans les détails, dans l’assiette, et pas sur l’épaule gauche.
« Le sel est encore là-bas un conservateur qui pallie à l’absence de frigos. »
C’ est la toute première fois que je relève une entorse à la langue française dans vos billets.
En effet, pallier est un verbe transitif.
Ce qui est intéressant, ce n’ est pas de mettre en évidence une véniellissime erreur, non (j’ en commets des masses tous les jours).
Ce qui est intéressant, donc, disais-je, c’ est le rapprochement avec votre profession :
Hist. — Emprunté au bas lat. palliare « couvrir d’un manteau, d’un pallium », puis « cacher ». En fr., le verbe a d’abord eu ce dernier sens (que représentent encore certains des ex. donnés ci-dessus), puis en médecine, il a signifié « guérir en apparence » ; de là le sens élargi « remédier à » et les analogies qui menacent la construction traditionnelle.
Grevisse
Le bon usage
p. 402, § 280 a 9°
C’ est un copier-coller, je n’ ai rien vérifié.
http://grapheus.hautetfort.com/archive/2005/12/13/pallier-une-loi-ou-pallier-a-une-loi.html
Tout est dans tout et réciproquement.
😉
Merci beaucoup, je vais corriger!
Hasard rigolo, le nom pallium a survécu sous la forme d’un vêtement sacerdotal: http://fr.wikipedia.org/wiki/Pallium_%28christianisme%29
Et l’Église a beaucoup pallié…
Dans cette note j’ai aussi buté sur relais: relais ou relai?
Et bien l’un ou l’autre se disent/se dit! (mouhahahaha)
http://fr.wiktionary.org/wiki/relai
J’ai opté pour la forme « archaïque »
Jamais été au courant des deux formes « relai et relais ».
J’ en tire deux enseignements :
1) le web est un outil fantastique qui permet de rassembler ce qui est épars ;
2) l’ être humain est un éternel apprenti.
Beaucoup apprécié la réminiscence « se disent/se dit ».
Et bien c’est justement une question que je voulais vous poser…
Je pense que cette réforme est franco-française et qu’elle n’affecte donc pas un citoyen d’outre-Quiévrain comme vous.
Mais qui détermine les règles d’une langue partagée par plusieurs pays?
Comme quoi, les règles byzantines de notre langue sont aussi très relatives!
Ah !
Byzantines, le mot est faible : allez faire comprendre à un étranger linguistique qu’ il est notre hôte lorsqu’ il vient chez nous et qu’ il le sera également quand nous irons chez lui.
Et je n’ évoque même pas la traduction de cette phrase vers un autre idiome : « Le plafond de la maison s’ effondra et le parquet se rendit sur les lieux ».
Pour ce qui concerne la fixation des règles d’ une langue partagée, il est clair que l’ Hexagone dicte sa loi, du moins en Europe.
Néanmoins, je tiens à votre disposition quelques savoureux belgicismes qui nous rendent uniques aux yeux du reste du monde (à part le fait que nous soyons sans gouvernement depuis juin 2010) :
http://belgiq.eu/
Bonjour,
juste un véniellissime détail de plus, mais puisqu’on en parle: l’un OU l’autre se dit ou se disent, certes, mais l’un ET l’autre se disent, exclusivement… Quand on passe de l’alternative à la copulative, on n’a plus que la possibilité du pluriel, ce qui est assez logique, et profitons-en car ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion d’en dire autant de notre chère grammaire… :o)
Qui détermine les règles? Certains grammairiens et quelques ministres s’y sont essayés, avec une logique, un courage et un succès variables. Celui qui finit toujours par avoir raison en français, comme en toponymie, et comme dans toutes les langues, c’est Sa Majesté l’usage, bon ou mauvais, général ou national. Ainsi Britanniques et Américains parlent-ils deux langues jumelles mais distinctes, ainsi le subjonctif derrière « après que » sera-t-il très certainement considéré comme correct un jour (de même, probablement, que « pallier à »).
Merci à vous aussi, j’ai corrigé!