Depuis quelques temps, je reçois beaucoup de visites de personnes qui ont fait une requête comportant le terme dronedarone sur un moteur de recherche. Pour être un peu plus précis, j’approche des 1400 visites.
Ce matin, par curiosité, j’ai testé dronedarone et Multaq® sur Google, et voilà ce que j’ai obtenu avec les réglages par défaut du moteur de recherche (ville: Paris pour éviter le possible biais de Marseille):
Voici donc l’explication d’un tel afflux. Vous remarquerez que la première ressource officielle/sérieuse, la HAS n’est que cinquième.
Par contre, sur la recherche Multaq®, je ne me suis même pas retrouvé. Le site officiel du produit est premier:
J’ai aussi plutôt tendance à utiliser la DCI quand j’écris des notes, alors que les poids-lourds santé du PageRank vont plutôt utiliser le nom commercial.
(Par contre, pour mes prescriptions, j’utilise presque exclusivement les noms commerciaux. Un jour un copain m’a montré l’ordonnance d’un « puriste » qui ne prescrit qu’en DCI, c’était fouyouyou, qu’est-ce qu’il a et qu’est-ce qu’il prend… Le naftidrofuryl, c’est un truc pour les ragnagnas? Ah, non, c’est un monsieur…)
J’aime bien ces deux recherches suivantes, car elles vont émaner majoritairement de professionnels de la santé puisque l’acronyme RCP (Résumé des Caractéristiques du Produit) n’est guère utilisé que par les pharmaciens ou nous. C’est encore plus vrai pour l’utilisation de la DCI.
Je vais agrandir et afficher les résultats de cette dernière requête dans ma chambre puisque je me paye l’incroyable luxe de passer devant la HAS, l’Afssaps, l’EMA et le NICE.
Ne croyez pas que j’en ai attrapé la grosse tête, je me fais les mêmes remarques que pour cette note.
Mon côté administrateur de Grange Blanche est plutôt content.
Mais mon côté médecin nostalgique, dubitatif devant la télémédecine, qui pratique une médecine à l’ancienne (en un mot un médecin qui soigne des patients 😉 ) l’est un peu moins. Sur le fond, et indépendamment de la pertinence de tel ou de tel lien, je trouve plutôt inquiétant qu’un blog puisse apparaître sur le devant de la scène lorsque l’on recherche des informations de santé pertinentes et fiables. Dans un monde idéal, les informations médicales les plus pertinentes, c’est à dire globalement celles émanant des agences ou de sources fiables (qu’est-ce qu’une source fiable: plutôt le labo qui connait par cœur son produit ou plutôt Prescrire? – question de pure forme, vous connaissez mes préférences-) devraient apparaître en premier.
Cette remarque fait néanmoins bondir l’administrateur de Grange Blanche qui est aussi un amateur de santé 2.0 et pense que la toile, comme toute chose complexe dans ce monde, s’autorégule très bien. Car finalement, si je suis devant, c’est que peut-être je suis pertinent, donc lu et lié?
Le médecin répond que ce n’est pas forcément parce qu’on est lu qu’on est pertinent. Des tas de sites de santé sont « devant », que ce soit sur Google ou sur Wikio, et ils ne sont pas pertinents du tout…
Je vais arrêter là mon introspection, mais je reste partagé sur ce sujet.
Restons pragmatique, telle est la loi du PageRank, et Google a infiniment plus d’influence que HON (pas difficile), et que toute tentative de régulation étatique.
Finalement je fais cette autre constatation: Sanofi a clairement perdu la bataille de la toile sur ce produit, en tout cas en France où bien peu iront cliquer sur le lien multaq.com qui est en anglais.
L’internaute francophone va vraisemblablement tomber sur une page peu favorable à la dronédarone, que ce soit sur le site de la HAS, des analystes boursiers, ou sur la catégorie dronédarone de Grange Blanche…
Même les recommandations européennes qui sont étonnamment positives n’apparaissent pas dans ces premiers résultats. Il faut taper Multaq recommandations pour voir arriver dans les premiers la communication corporate de Sanofi.
Je vais être sympa pour une fois avec la dronédarone et lui faire profiter un peu de mon PageRank.
Cliquez ici, c’est une page qui se félicite de la place de la dronédarone dans les dernières recommandations européennes et qui est un communiqué de presse Sanofi copié/collé par caducee.net (qui est certifié HON, soit-dit en passant).
Je m’en suis rendu compte hier que tu étais le number one sur cette molécule. J’ai bien rigolé vu l’amour que tu as pour cette molécule.
Concernant l’auto régulation du réseau, c’est un peu le discours comme la loi du marché qui régule tout comme par miracle. Non il y a des hommes et surtout des désirs humains derrière ces mains soit disant invisibles. Je conseille cette lecture sur le sujet: http://www.danah.org/papers/talks/Web2Expo.html via la place de la toile émission de france cul non moins essentielle pour ceux qui s’intéresse à l’internet.
HON a clairement perdu la bataille, j’en suis convaincu et ceci depuis longtemps. La seule chose qui puisse permettre d’améliorer la situation est l’éducation qui passe par la lutte contre la théorie du complot, une habitude de croiser les sources indépendantes et de douter.
Tu as raison, terrible cette ironie, arriver premier pour un truc que je n’aime pas…
Ce blog est un échec!
(Houlllààà, il est intellectuel, ton texte!)
Ça vaut le coup de faire un effort.
Promis!
Je viens de terminer l’article de Br J Clin Pharmacol sur la dronédarone.
Passionnant.
Merci beaucoup+++
J’ai trouvé une revue qui semble pas mal: http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1046/j.1365-2796.1999.00515.x/pdf
Je suis un peu déçu que tu ne prescrives qu’en noms de fantaisie. Il y a sûrement un compromis intermédiaire à condition d’avoir l’outil informatique qui le permette en ayant la pédagogie à destination des patients de « principe actif » et « nom de fantaisie ». Ça peut aider les patients à s’y retrouver et être des acteurs de la sécurisation du circuit du médicament à chaque fois que c’est possible. Ça ne nécessite pas de mémoriser obligatoirement les DCI pour le patient!
Je te garantis que l’ordonnance informatisée reste parfaitement lisible écrite de cette façon par exemple:
PENTOXYFILLINE (Praxilene°)
FLUINDIONE (Previscan°)
Ca évite toute surcharge d’écriture avec étiquettes du pharmacien pour indiquer la correspondance nom de marque/DCI etc….
Je défends cette position ici:
Cliquer pour accéder à Audits%20prescription%20sortie_9eme%20journee%20pleniere_05%2010%202010.pdf
Dans l’alerte sanitaire suivante de l’équivalent espagnol de l’AFSSAPS, un certain nombre de confusions possibles sont indiquées dont celle-ci qui avait été relatée par Prescrire dans le numéro 289 de novembre 2007:
PREVISCAN® Fluindiona (Francia) Pentoxifilina (Argentina)
http://www.aemps.es/actividad/alertas/usoHumano/seguridad/NI_2008-014_error_marcas_iguales.htm
Le nom de fantaisie PREVISCAN® a donc valu un AVC a un patient (par confusion sur le nom commercial entre la fluindione très utile et la pentoxifilline parfaitement inutile).
Une des recommandations espagnoles à destination des patients est la suivante:
2- Garder noté avec exactitude les médicaments que vous prenez, avec ou sans l’ordonnance: nom commercial et principe actif DCI de chacun des médicaments, la dose par prise, le nombre de prises quotidiennes, l’indication thérapeutique et, si possible, les ordonnances d’origine.
Ben beuh, désolé de t’avoir déçu 😉
Merci pour les ressources!