Cette après-midi, une consoeur m’a fait très finement remarquer l’incongruité de la situation suivante:
Source: Synthèse d’avis de la commission de transparence sur le Multaq (HAS)
et
Source: dernières recommandations de l’ESC sur la prise en charge de la fibrillation auriculaire.
Bon, les gars, en pratique, on fait comment?
La HAS dit que le Multaq® (dronédarone) n’apporte rien par rapport à l’amiodarone.
L’ESC la recommande au contraire comme traitement de première intention, devant l’amiodarone, sauf dans le cas des insuffisances cardiaques les plus sévères.
Les lecteurs habituels de ce blog savent très bien que je ne me pose cette question que d’un point de vue purement théorique car je penche très nettement en faveur de l’avis de la HAS.
Mais je trouve cette situation assez surréaliste, puisque bien évidemment, l’ESC et la HAS se basent exactement sur les mêmes études pour tirer des conclusions radicalement différentes.
In vino veritas?
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Deux petites choses, dont un appel de service.
La première, un confrère cardiologue m’a raconté que les visiteurs médicaux locaux de Sanofi sont mécontents car il diffuse quelques-unes de mes notes au sein d’un groupe de FMC. Et bien, je n’ai rien contre Sanofi, ni aucun autre laboratoire (sauf peut-être un, mais c’est épidermique et totalement irrationnel, je me soigne…), mais ces deux nouvelles, la diffusion de mes notes dans le cadre de la FMC et la réaction des visiteurs médicaux m’ont particulièrement fait plaisir. Merci à celui qui se reconnaîtra, il a éclairé ma journée. Je dédie donc cette note aux visiteuses/eurs de Sanofi qui me lisent et l’accompagne virtuellement d’un gros poutou sur la joue pour les visiteuses, et d’une amicale tape sur le dos pour les visiteurs.
L’appel de service: j’ai dépassé la limite de bande passante de mon hébergeur d’images (Photobucket), je vais donc créer un nouveau compte (le quatrième!). En attendant, vous pourrez constater des messages de dépassement de limites en lieu et place des images. Veuillez m’excuser pour ces désagréments.
de la relativité des recommandations…
très choqué il y quelques années de la réaction d’ internes de médecine générale lors d’une journée de formation qui s’accrochaient au caractère normatif d’ une recommandation HAS quand j’essayais de démontrer que c’était un tissu d’ approximations, pour la FA/esc la chasse aux sophismes est ouverte!
SANOFI remet (du moins m’a remis) l’avis de la commission de la transparence sous forme d’un livret réalisé par SANOFI. Dont acte. Ma visiteuse (à qui je n’ai pas consacré de temps) voulait savoir ce que je pense (???…) de sa doc. Voilà ma réponse: je recommanderais plutôt la diffusion de la fiche de synthèse dont tu nous donnes un aperçu qui résume ce qu’on doit en retenir (informations pertinentes et gain de temps). La fiche de synthèse n’est ni sexy ni vendeuse évidemment… alors je souhaite bon courage à ma visiteuse (si elle suit mon conseil… ce dont je doute).
Parmi les inconvénients de la DRONEDARONE: c’est la moindre efficacité par rapport à l’AMIODARONE (d’où l’incongruité du tableau des reco européennes) et l’absence de comparaison aux autres traitements alternatifs.
L’autre inconvénient très embêtant de mon point de vue c’est la contre-indication liée à l’insuffisance cardiaque en raison de la surmortalité. Il est probable que dans le contexte de la prescription française très « libertaire » peu informatisée sans analyse pharmaceutique réelle, le « verrou » de la contre-indication ne suffise pas à empêcher la prescription. Donc des insuffisants cardiaques recevront ce traitement inapproprié… c’est un problème. Quand un traitement n’apporte rien par rapport à l’existant, il ne faut pas le commercialiser! Il y a là aussi une incongruité… dans laquelle les pouvoirs publics ne tranchent rien.
L’exemple du MEDIATOR est bon: 300000 patients sous traitement au moment du retrait du marché (selon l’article du FIGARO, 200000 selon d’autres articles) malgré cette fiche de transparence de 2006:
Cliquer pour accéder à ct032758.pdf
Les médicaments ne sont pas des bonbons.
Ce qui est étonnant dans ce produit, l’has dit et affirme qu’il n’existe pas d’amélioration par rapport a la cordarone, avec un niveau asmr V.
Donc, comme pour les sartans, le prix aurait du etre inférieur au médicament référence, or il est fixé a plus de 80 euros pour la dronedarone. Bizarre, je ne comprends pas tout
Et vi, bonne remarque…
Une petite alerte sur la dronedarone: http://www.ismp.org/Newsletters/acutecare/articles/20101104.asp
Elle va te plaire celle là.
J’ai vu passer ça…
Cliquer pour accéder à 2010Q1.pdf
Mais j’ai été surpris par le rapport d’insuffisances rénales:
« In addition we identified 15 cases of kidney failure or impairment, including 4 cases of acute kidney failure. The computer excerpts did not provide sufficient detail to fully evaluate these cases—which could be complex. »
En sachant qu’un peu plus haut dans le rapport, ils font allusion à l’action du Multaq sur les transporteurs cationiques, j’ai trouvé ce rapport peu informatif et peu pointu sur ce point précis.
J’ai aussi quand même la nette impression que pas mal de monde, notamment aux EU veulent la peau de cette molécule en rapportant/amplifiant le moindre élément négatif.
D’un autre côté, comme je ne compte pas en prescrire, je regarde cela en spectateur amusé…
😉
(Mais bon, tu as éveillé mon intérêt sur cette histoire d’augmentation de la créatininémie sans altération du débit de filtration, et évidemment, je suis curieux de voir la suite des évènements, notamment si le Multaq ne fait vraiment que ça sur le rein….)
J’ai moi aussi suivi cette histoire, je l’ai dit, je suis en stage dans la veille, et j’aimerais bien ton avis sur la question, et pas seulement la question. Les partisans de la théorie du complot diront sûrement que SA a noyauté les scientifiques de l’ESC.
Tu sembles plus mesuré (bien que clairement agacé par les conneries suivant presque immédiatement les déclarations qu’on les y reprendrait plus – comme je te comprends ! C’est proprement exaspérant et ça questionne ma vocation chaque jour) alors qu’elle est ton opinion ?
Je trouve très bien que l’HAS existe et qu’il y ait une commission de transparence – beaucoup de gens hors champs médico/pharma ignorent que de nombreuses informations sont disponibles sur internet et les journalistes feraient bien de s’y rendre avant de raconter n’importe quoi comme pour le médiator – mais je trouve bizarre qu’aucun médicament ne trouve jamais grâce à ses yeux. Le cas du Multaq est vraiment exemplaire à mes yeux. Je ne comprends pas.
Les études menées en concertation avec l’afssaps sont toujours de la merde, les résultats sont toujours nuls. A force de dire que tout est nul (un peu comme prescrire 😉 ) je me demande si ce n’est pas une posture pour ne jamais être pris en défaut par la suite. Tant est si bien que, désolé de reprendre un exemple Servier, quand le valdoxan obtient une asmr de IV, tout le monde crie presque au miracle !
Je te « challenge » un peu mais bon, contrairement aux journalistes de ParisMatch moi je pense qu’il faut un peu pousser son interlocuteur dans ses retranchements pour obtenir ses meilleurs arguments.
Désolé d’être aussi bavard mais ça fait plaisir de trouver un endroit, un peu hostile à l’industrie, ce qui tout à fait compréhensible, mais où les arguments sont rationnels et pas empruntés à la théorie du complot. Il faut toujours être vigilants mais pas trop désespéré. Le pire n’est jamais sûr !
Ici est un lieu ouvert à la discussion, où tous les gens qui respectent autrui sont les bienvenus, notamment quand ils ne sont pas d’accord avec le maître de maison.
Je n’ai pas de réponse à ta question sur le pourquoi du comment d’une telle différence d’appréciation. Je suis presque certain que les recommandations US seront moins favorables.
Je ne connais pas assez bien la HAS pour donner une réponse fiable, mais en lisant leurs recommandations, j’ai l’impression que ce sont surtout des méthodologistes, et pour les satisfaire, il faut en général se lever très tôt. Par ailleurs, contrairement à ce que ceux qui ne savent pas croient savoir, les experts au sein des groupes de travail (les petites mains des commissions), ne sont pas forcément favorables à l’industrie… N’oublie pas non plus que l’ASMR n’est pas une appréciation absolue d’une molécule, mais relative par rapport à un traitement de référence. Et bien sûr, c’est bien plus difficile de briller…
lire à ce lien comment un médicament moins efficace et pas mieux toléré que l’amiodarone est commercialisé avec un prix de vente 10 fois supérieur au générique de l’amiodarone
http://www.lesmotsontunsens.com/le-multaq-au-taquet-sanofi-brille-8440
Je ne connaissais pas l’histoire de la modification du SMR de février à juin, d’autant plus qu’en avril a été publiée DYONISOS qui n’est pas favorable…
Les recommandations de l’ESC restent pour moi un mystère insondable.
Le site américain de SANOFI concernant le MULTAQ destiné aux « consommateurs » est finalement une approche plus « rationnelle » de ce médicament par rapport au discours européen :
http://www.multaq.com/Consumer/Default.aspx
L’indication nord-américaine est « la réduction du risque d’hospitalisation de cause cardio-vasculaire dans la FA, le flutter… » (correspondant au résultat d’Athena). On évoque bien le MULTAQ comme un antiarythmique et on évoque bien la pathologie ciblée (FA, flutter). En revanche on ne vous parle pas comme dans l’indication européenne de prévenir la récidive de la FA ou de ralentir la fréquence cardiaque (ce qui évite d’aborder la question par son côté embarrassant révélé par Dionysos de moindre efficacité par rapport à l’AMIODARONE). On s’en tient finalement au critère « positif » de l’étude Athena : la réduction du risque d’hospitalisation (dronédarone vs placebo).
On n’oublie pas d’avertir le patient qu’en cas d’insuffisance cardiaque le médicament double le risque de mortalité (Warning Box) :
http://www.multaq.com/docs/consumer_pdf/pi.aspx
Finalement ce médicament augmente le nombre de morts en cas d’insuffisance cardiaque et réduit le risque d’hospitalisation si l’indication est « bien posée ». Ce médicament est donc a priori un outil de désengorgement des urgences par rapport à un placebo… qui n’a pas d’effet sur la mortalité totale. Soigne-t-on encore des patients ou un système de soins ?
D’un autre côté, Orso, avoue que notre spécialité aime bien manier des molécules dangereuses dans certains cas, mais bien utiles dans d’autres comme la Flécaïne dans les cardiopathies ischémiques…
Ce qui est dommage avec ce traitement est qu’il est moins efficace que la molécule de référence qui a des effets secondaires bien connus, que son profil d’effets secondaires n’est pas immaculé, qu’il est contre-indiqué dans le cas où justement il aurait été bien utile si il avait été assez efficace, chez les cardiaques sévères, qu’il n’a jamais été comparé à la Flécaïne…
Enfin, en bref, beaucoup trop de choses pas très nettes.
Je n’ai pas changé d’avis… C’est un médicament inutile et dangereux… qui a peu d’effets primaires comme tu le dis et probablement pas aussi peu d’effets secondaires que ça. La pharmacovigilance apportera probablement plus d’informations sur ce sujet puisque maintenant la recommandation est « prescription à large échelle ». La question que l’on peut se poser concerne la mort comme effet secondaire: fera-t-elle l’objet d’une déclaration de PV systématique chez nos patients?
Je constate sur la notice américaine que figure bien le lien pour une déclaration de PV en ligne menant directement sur le site de la FDA:
To report SUSPECTED ADVERSE REACTIONS, contact sanofi-aventis U.S. LLC at 1-800-633-1610 or FDA at 1-800-FDA-1088 or http://www.fda.gov/medwatch
Autrement ce qui m’a surpris c’est qu’un critère de substitution puisse être une indication. Que je sache, une hospitalisation c’est une décision médicale, pas une maladie ni un symptôme. Dans la mesure où l’espérance de vie n’est pas changée… ça laisse interrogatif.
Faudra sûrement que je fasse le DU que tu fais.
J’aime bien le critère « hospitalisation », il a une réelle signification pour le patient, et c’est ce qui est important.
La déclaration des décès ne sera pas minorée, à mon avis. Un patient en ACFA ne meurt quand même pas comme ça, et son praticien devrait être alerté, surtout après l’introduction d’un traitement nouveau dont beaucoup connaissent les caractéristiques.
Pour le DU, je ne peux que te le conseiller, il est remarquable tant sur le fond que la forme.
j’ai hésité à écrire car je suis un patient et pas un médecin et je comprends bien que l’on ne va pas me donner consultation par le net. Mais j’aime bien m’informer sur ce que font les médecins avec moi.
Je suis suivi par cardio , j’ai fait 6 ou 7 crises d’arythmie depuis 2002 malgré la flécaine , j’ai été redressé par défibrillateur et je prends de la cordarone pour 6 mois ( j’ai 64a) , j’ai deja pris de la cordarone dans les années précédentes . Mon cardio m’a dit que je ne pouvais pas prendre cela sur le long terme et a dit à mon généraliste de me donner Multaq dès sa sortie. J’ai aussi eu droit à médicament a effet betabloquant mais je supporte pas une chute importante de mon rythme.
Je prends aussi de la simvastatine et mon toubib ne m’a pas parlé de problèmes avec le multaq alors que la notice en parle. Qu’en pensez vous??
J’ai aussi une autre question qui peut paraitre saugrenue, je prends 2 a 3 fois par mois du Cialys et l’on me dit qu’il n’ya pas de problemes ni avec cordarone ni avec Multaq????
Merci si vous pouvez me repondez sinon je comprendrais votre réserve
je vais lire bien à fond votre Blog sur les sujets qui me concernent
Bonsoir, merci pour votre commentaire, mais comme vous l’avez souligné, je ne peux, ni ne veux donner de conseils personnalisés. Bien cordialement et meilleurs voeux!