J’espère que je ne vous barbe pas trop avec ces histoires de publicités pour médicaments, mais les compte-rendus de la commission de la publicité de l’Afssaps devraient avoir une place de choix dans le Panthéon de l’humour médical. Pas tellement parce que le travail de la Commission prête à sourire, mais plutôt pour la formidable galerie de pieds-nickelés qui passent de temps en temps devant elle.
Hier, je vous narrais comment Novartis avait financé un supplément d’Impact Médecine sur le valsartan, sans penser que cela pouvait être de la publicité, sans avoir eu connaissance de son contenu et surtout sans savoir qu’elle l’avait distribuée à ses propres visiteurs médicaux.
A l’insu de son plein gré sur toute la ligne, pourrait-on dire….
Le dernier compte rendu de la commission disponible sur le site de l’Afssaps relate une mésaventure semblable, survenue à un fabricant d’un anti-diarrhéique connu qui a distribué à l’insu de son plein gré, là-aussi, un prospectus vantant son produit phare à son stand au cours d’un congrès de la SNFGE.
Ce prospectus, pourtant notoirement publicitaire n’a pas été visé par l’Afssaps.
Justification du laboratoire:
En préambule, le laboratoire rappelle qu’Axcan Pharma SAS est la filiale française d’Axcan Inc., société canadienne créée en 1982. A ce titre, le laboratoire précise que l’ensemble des spécialités dont il exploite l’AMM sont commercialisées partout dans le monde, en particulier LACTEOL, fabriqué en France et distribué dans près de 40 pays. A propos de la brochure LACTEOL litigieuse, le laboratoire ajoute qu’il s’agit d’une synthèse des connaissances se voulant exhaustive dans la mesure où des données relatives au procédé de fabrication et les résultats de nombreuses études pharmaco-cliniques y sont colligés. Elle a ainsi été élaborée à des fins d’information interne et d’exploitation des données à l’international. Le laboratoire souligne ainsi que la diffusion de la brochure, par erreur, sur le stand AXCAN lors du Congrès de la Société nationale française de Gastro-entérologie (SNFGE) de mars 2009 n’avait pas vocation à promouvoir LACTEOL auprès des professionnels de santé français, ceci expliquant l’absence de mentions légales et le fait qu’elle n’ait pas fait l’objet d’un dépôt auprès de l’Afssaps.
Cette explication alambiquée n’a pas fait rire la Commission:
L’Afssaps précise qu’en tout état de cause, la brochure a bien été diffusée sur un stand du laboratoire, qui est un espace promotionnel, dans le cadre d’un congrès se déroulant en France, et s’agissant du congrès de la SNFGE, essentiellement fréquenté par des professionnels de santé français. Ainsi, la qualification promotionnelle du document ne saurait être remise en cause.
Bon, maintenant, ce n’est pas bien grave, c’est un type du siège social, quelque part au Canada qui a confondu Paris, France, et Paris, Texas.
Ça peut arriver à tout le monde…
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Ce prospectus est particulièrement exotique en matière de statistiques. Trois exemples parmi d’autres:
– L’étude Boulloche (Ann pediatr. 1994) a comparé, l’efficacité d’une préparation à base de Lactobacillus au lopéramide d’une part et à un placebo d’autre part, en complément de la réhydratation orale. Concernant cette étude, le document allègue page 10 : « Une plus forte proportion de guérison (89,5%) a été constatée avec Lactéol® », suggérant ainsi une supériorité de LACTEOL par rapport au lopéramide et au placebo. Or, l’analyse statistique n’a pas montré de différence statistiquement significative entre le pourcentage d’enfants guéris sous LACTEOL comparativement aux deux autres groupes, ce qui n’est pas précisé. De plus, le pourcentage de guérison était un critère secondaire de l’étude. Concernant les critères principaux, seuls les résultats concernant le délai de survenue de la première selle normale (critère objectif de guérison) sont présentés, mais sans mention des résultats du test statistique (p=0,05) qui permet d’interpréter ces résultats. L’étude comportait par ailleurs deux autres critères principaux ne figurant pas dans le document : le délai de survenue de la dernière selle anormale (pas de différence statistiquement significative entre le groupe LACTEOL et les deux autres groupes) et la durée de la période sans selles (différence statistiquement significative en faveur de LACTEOL par rapport au lopéramide et au placebo). Ainsi, cette présentation partielle des résultats qui, d’une part, ne reprend qu’une partie des critères de jugement principaux tout en mettant en exergue un critère secondaire, et d’autre part, ne précise pas les résultats des tests statistiques, n’est pas objective et n’est pas suffisamment complète pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament.
– Les résultats de l’étude randomisée Salazar-Lindo (J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2007), dont l’objectif était de comparer l’efficacité de LACTEOL à un placebo sont présentés dans le tableau I page 10 comme suit: « Durée de la diarrhée en cas de diarrhée > 24h à l’instauration du traitement : Lactéol® 8,2 h – Placebo 30,4 h (p=0,044) ». Or, cette expression des résultats provient d’une analyse en sous-groupe exploratoire, sans ajustement du risque α. En effet, l’analyse globale (critère principal) n’a pas montré de différence significative entre les deux groupes sur la durée de la diarrhée (16,6 h versus 10,0 h, p=0,275). De plus, la Commission de la transparence précise dans son avis du 29 mars 2006 qu’ « une analyse conduite dans le sous-groupe des diarrhées de plus de 24 heures avec ajustement de p ne montre pas de différence statistiquement
significative ». Cette présentation consistant à sélectionner dans une étude les résultats d’une analyse secondaire exploratoire favorable à la spécialité et méthodologiquement critiquable n’est donc pas objective.
Et l’apothéose, carrément pas d’étude statistique:
– Le document présente les résultats de l’étude Li Xie Bin (Ann pediatr. 1995), dont l’objectif était d’évaluer l’efficacité de LACTEOL versus deux antiseptiques intestinaux (furazolidone et berberine). Or, cette étude présente de nombreuses faiblesses méthodologiques, avec notamment des critères de jugement nombreux, non hiérarchisés et une absence d’analyse statistique des résultats. Enfin, l’utilisation de comparateurs n’ayant pas l’AMM en France compromet l’interprétation des résultats. L’exploitation promotionnelle des résultats de cette étude méthodologiquement critiquable n’est donc pas objective.
Bon, là aussi, ça peut arriver.
C’est la faute du rédacteur, toujours le même type du siège au Canada, qui a eu la malchance d’avoir durant son cursus une prof de maths-histoire/géo (les trois matières sont regroupées dans certaines écoles reculées de l’Abitibi-Témiscamingue) toujours absente à cause d’une dépression liée à un remariage houleux…
Et pour ça, on ne peut rien dire, c’est du ressort de la vie privée de cette enseignante, cela ne nous regarde pas.
(Mais bon, comme on y est, elle suspectait son mari d’être Gay car il s’était abonné à une salle de gym sans être intéressé par le sport…). [oui, c’est bien un site satirique]
Bref, revenons à nos moutons…
Cette brochure distribuée au cours d’un congrès s’étant déroulé du 17 au 22 mars 2009 a logiquement été interdite par l’Afssaps à l’issue de deux réunions datées…. du 17 mars 2010 et du 13 avril 2010.
L’agence a alors immédiatement dépêché sur place un fonctionnaire afin de saisir et brûler sur le parvis de la Basilique Saint-Denis les brochures qu’il restait à distribuer au stand du laboratoire.
Dommage qu’à cette Commission, il n’y ait pas eu de représentant du LEEM.
Dommage que le compte-rendu ne relate aucune intervention du représentant du LEEM.
Il aurait probablement invoqué l’éthique notoire du laboratoire, et l’incompétence, notoire elle-aussi, des rares cellules de soutien psychologique du système éducatif de l’Abitibi-Témiscamingue. A son sens, il n’aurait donc pas été très raisonnable de sanctionner ce dossier et il aurait proposé de mettre en place une réflexion afin d’établir des règles de fonctionnement pour le pipotage des présentations d’études scientifiques ou pseudo-scientifiques. Cette réflexion aurait pu être tripartite entre la presse, les industriels et l’Afssaps.
[Avant d’envoyer des messages haineux, sachez que je n’ai choisi le nom de cette région administrative du Québec que parce que son nom m’a toujours plu.]
C’est une société Canadienne, la confusion ne s’est pas faite avec Paris, TX(Texas), mais avec Paris,ON( Ontario)!
Excellent, je ne savais pas qu’il y avait un Paris, ON!
Il y en a un aussi dans le Yukon.
Je comprends mieux l’erreur du type du siège social…
Il a quand même du se dire que le billet d’avion était bien cher, et le vol bien long, tu ne crois pas?
une explication simple:les sanctions ne sont pas disssuasives….
1. il y a toujours un représentant du LEEM à la commission de contrôle de la publicité.. ( la liste de présence est consultable sur les comptes-rendus de séance)
2. la sanction est décidée par une autre instance ( Comité économique des produits de santé ) qui peut décider d’une pénalité financière, par exemple proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé par le produit concerné pendant la période estimée « d’exposition » à la publicité litigieuse…
Merci pour les précisions!
J’avais loupé la ligne « représentants des organismes représentatifs des fabricants de produits pharmaceutiques ».
Tu sais comment ça marche (saisine systématique du CEPS par la commission?)…
[Après 5 minutes de recherche]
J’ai retrouvé ça:
C. LES SUITES DES INTERDICTIONS DE PUBLICITE
L’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, tel qu’il résulte de la LFSS pour 1999, prévoit que » lorsqu’une mesure d’interdiction de publicité a été prononcée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (…), le comité économique des produits de santé peut demander à l’entreprise concernée (…) la modification des prix des médicaments faisant l’objet de l’interdiction de publicité ou le versement d’une remise « .L’année 2000 a été la première année de mise en œuvre effective de cette disposition. Le comité a systématiquement examiné les interdictions de publicité prononcées par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
1. La procédure
Le comité a mis en œuvre une procédure étroitement inspirée de celle suivie pour la fixation conventionnelle du prix des médicaments, mais en y ménageant spécifiquement une place pour le débat contradictoire avec l’entreprise.
Dès qu’il est informé de la décision d’interdiction, le comité désigne un rapporteur qui instruit le dossier puis le présente en séance. Le comité arrête sa position et, hors les cas où il estime que l’interdiction de publicité constitue à elle seule une conséquence suffisante de l’infraction commise, adresse à l’entreprise, dans le délai d’un mois fixé par la loi, une proposition de convention motivée, en l’invitant à présenter, si elle le souhaite, ses observations.
L’entreprise peut alors, selon son choix, être entendue par le comité en séance ou rencontrer le président du comité pour un débat oral. Dans tous les cas, les entreprises ont en outre fait connaître par écrit leurs observations. Le dossier est alors à nouveau inscrit à l’ordre du jour du comité, qui arrête sa position définitive et la communique à l’entreprise.
Dans un cas, l’entreprise n’a pas accepté la proposition conventionnelle du comité et la baisse de prix que celui-ci proposait a été décidée par arrêté interministériel.
2. Les principes
Le comité s’est avant tout efforcé de proposer des mesures proportionnées à la gravité des manquements aux règles constatés par les interdictions. Cette gravité a été appréciée au regard de deux critères principaux :
le risque pour la santé pouvant résulter du mauvais usage du médicament encouragé ou suggéré par la publicité ;
le risque économique lié aux dépenses injustifiées pour l’assurance maladie ou à l’atteinte à la concurrence loyale entre entreprises pouvant résulter de la publicité.
Le comité s’est bien entendu estimé lié par le dispositif des décisions d’interdiction et a en particulier refusé d’entrer dans toute discussion avec les entreprises qui aurait conduit à remettre en cause la matérialité ou la qualification des pratiques ayant fait l’objet de l’interdiction.
Pour la détermination des taux de baisse de prix proposés, le comité a tenu compte de l’impact de ces baisses sur le chiffre d’affaires des entreprises. Ainsi, à gravité égale, il a pu être demandé des baisses plus ou moins fortes selon que les médicaments concernés représentaient une proportion plus ou moins élevée des ventes totales de l’entreprise.
Hormis les cas où le comité a estimé, comme la loi lui en donne la possibilité, qu’il n’y avait pas lieu de prendre des mesures de caractère économique au delà de l’interdiction elle même, il a systématiquement proposé des baisses de prix, parfois cependant limitées dans le temps, en considérant que le versement de ristournes prévu par la loi était mieux adapté, comme complément de la baisse de prix, lorsqu’il pouvait être établi que la publicité interdite avait entraîné des dépenses injustifiées pour la sécurité sociale qu’il convenait donc de compenser.
3. Le bilan
En 2000, dans ce cadre, le comité a statué sur le cas de 15 spécialités pharmaceutiques, pour lesquelles, majoritairement, les aides de visite faisaient état de propriétés ou d’indications non validées par l’autorisation de mise sur le marché (AMM) correspondante. Des réductions de prix allant de –1 % à – 5 % ont été prononcées dans 12 cas pour une durée de 1 an (7 cas) ou illimitée (5 cas). Dans 3 cas le comité n’a pas estimé justifié de proposer une baisse de prix.
Ici
Et ça:
M. Gilbert BARBIER, président – La dilution des responsabilités au sein des diverses commissions pose réellement problème. Nous avons auditionné l’ensemble des responsables et constaté qu’il existait un jeu de ping-pong manifeste. Chacun se renvoie les responsabilités. La commission de transparence ne réévalue pas totalement le bénéfice/risque. Ce matin, nous avons auditionné le chef de département de la publicité de l’Afssaps qui nous a indiqué qu’elle examinait plus de 9.000 dossiers par an et prononçait des mises en demeure et des décisions d’interdiction. Ces dernières étaient au nombre de vingt-quatre au titre de l’année 2005. Nous l’avons interrogée sur le suivi des décisions d’interdiction. Or elle a répondu qu’elle ignorait totalement quelle suite était donnée par le CEPS.
là.
(c’est quand même fabuleux, la toile….)
rien à ajouter à ce qui est ci-dessus….
Je me demande parfois combien de personnes comprennent l’expression « statistiquement différent », ce à quoi correspond le « p<=0,05", et comment on peut autant utiliser les statistiques sans en comprendre la signification. Mystère et boule de gomme comme dirait ma grand-mère.
Par ailleurs, énorme ce site (http://christwire.org/). Je ne connaissais pas du tout, il est incroyable! Merci!
Bah, de rien!
Pour ta question, plus le temps avance et plus ce nombre augmente, heureusement.
Les gens qui écrivent ce genre de brochures comptent bien évidemment que ce nombre soit encore faible…
C’est peut-être eux qui sont à l’origine de la réforme continue des programmes de math au bac!!! Après Woerth / L’Oréal, le prochain feuilleton médiatico-politico-financier sera Chatel / Novartis…
Ce n’est pas grave, je ne suis pas inquiet et je suis plutôt favorable à la suppression de l’enseignement des statistiques à la faculté de Médecine.
En effet, l’industrie et la presse médicale ont mit en place un système d’autorégulation sur la base de la charte « information sur le médicament et publicité rédactionnelle ».
Ce travail est en cours, et tout esprit critique exercé par des personnes ayant des notions de statistique ne paraît pas de nature à développer une autodiscipline qui commence à porter ses fruits.
Mouhahahahahahahahahahahahaha!