Le sketch de la douleur intercostale morte

[Dans un cabinet de médecine générale. Les gens se battent dans la salle d’attente pour un numéro de Gala de février 2008. Un homme, le stéthoscope autour du cou, en polo Lacoste vert pomme et jean noir traverse la salle d’attente à grands pas et rentre directement dans le cabinet du médecin en tirant le corps d’un homme obèse par le talon gauche. Le médecin est derrière son ordinateur, il vient juste d’envoyer une contribution à la discussion du lundi #hcsmeufr  » Comment le web 2.0 va très bientôt améliorer la relation médecin-malade ».]

MG: Quoi que, qui-donc? Vous pouvez pas attendre votre tour? Et qu’est-ce…. [en montrant l’homme mort].

Dr. S: Je suis le Dr. Stétho, et j’ai une réclamation au sujet de ce patient que vous m’avez adressé il y a 1/2 heure pour un avis cardiologique. #ppcs

MG: Enchanté de vous rencontrer ! Ah oui, le névralgique! [en jetant un œil sur le corps] Qu’est-ce qui lui arrive encore?

Dr.S: Et bien, vous pouvez le constater vous-même, ce qui ne va pas, ce patient est mort.

MG: Naaaan, il dort paisiblement.

Dr. [incrédule] Je sais reconnaître un homme mort quand j’en vois un, et celui-là en est un.

MG: Je vous dis qu’il dort. Cas clinique intéressant, cette névralgie intercostale d’effort, n’est-ce pas, cher confrère?

Dr. S: Je ne pense pas qu’il ait eu une simple névralgie, par contre, il est parfaitement mort.

MG: Je suis certain qu’il dort…

Dr. S: [en secouant la jambe du patient et en hurlant vers sa tête] Bonjour chez vous Monsieur Patient, j’ai trois cartouches de Marlboro fraîchement achetée à Noailles* pour vous! Marl-boro! Marl-boro!

MG: [il secoue, sans en avoir l’air, le bras du patient] Regardez, il a bougé, je vous avais dit qu’il dormait!

Dr. S: Vous l’avez touché!

MG: Non!

Dr. S: [Secouant un peu plus violemment la jambe du patient] Il est totalement mort, je l’ai traîné par le pied à travers la rue jusqu’à votre cabinet, et il n’a pas exprimé la moindre petite plainte!

MG: Il est assommé! Vous l’avez assommé!

Dr. S: Non! Il était déjà mort quand je l’ai vu pour la première fois, assis dans ma salle d’attente. Il ne tenait sur sa chaise que parce que quelqu’un, peut-être vous, avait punaisé ses vêtements au dossier en imitation osier.

MG: Bien entendu que je l’ai punaisé, sinon il aurait pris ses jambes à son cou et il aurait repris son consentement éclairé de patient!

Dr.S: Mais même si je l’avais défibrillé à 300 J, il n’aurait pas pu prendre ne serait-ce qu’un pied à son cou pour fuir quelque part! Et dire que je n’ai même pas eu le temps de récupérer sa carte vitale… Il est complètement, totalement mort, et sa mort est réelle et constante! C’est un feu patient.

MG: Vous avez un certificat de décès pour le prouver?

Dr.S: Euh, non..

MG: [triomphant] Vous voyez, il n’est pas mort! Bon, ça va, ça va, je vais vous en adresser un autre. J’ai un sportif de 24 ans qui se plaint de rien et qui voudrait faire tamponner une licence pour la pratique de la pétanque en club, ça vous convient?

Dr.S: Il est diabétique?

MG: [pause gênée] Euh non…

Dr.S: [très énervé] Ce n’est pas ce qu’on appelle un échange de valeur équivalente!

MG [regardant ses pieds] Euh non, mais je n’ai que ça en magasin en ce moment.

Dr.S: Bon, ça va, adressez-le moi….

*: Noailles, c’est un quartier de Marseille dont le sol est littéralement recouvert d’emballages de cartouches de cigarettes de contrebande, vendues à la sauvette.

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Vous aurez tous reconnu une très maladroite référence au sketch mythique des Monty Python, « The Dead Parrot« .

Alice au pays de la cardiologie merveilleuse

Parfois, le temps d’une consultation, je rentre comme Alice dans un terrier de lapin blanc et après une longue glissade, je me retrouve dans un monde étrange.

« De ce côté-ci, » dit la caisse d’assurance maladie, décrivant un cercle avec sa patte droite,  » demeure un médecin généraliste ; de ce côté-là, » faisant de même avec sa patte gauche,  » demeure un psychiatre. Allez voir celui que vous voudrez, tous deux sont fous. »

« Mais je ne veux pas fréquenter des fous, » fit observer Alice.

« Vous ne pouvez pas vous en défendre, tout le monde est fou ici. Je suis fou, vous êtes folle. »

« Comment savez-vous que je suis folle ?  » dit Alice.

« Vous devez l’être, » dit la caisse d’assurance maladie, « sans cela ne seriez pas venue ici. »

Un homme, la soixantaine, précédé de son ventre, d’une odeur de tabac froid et de son épouse rentre dans la salle d’examen.

Il fume deux paquets par jour et a des douleurs thoraciques de repos et d’effort, de plus en plus fréquentes depuis environ six mois.

Vous savez, les sales douleurs, celles qui oppressent pendant dix minutes, essoufflent, font devenir blanc, pas les gentilles qui piquent en un éclair ou qui fourmillent.

Ah oui, il précise que depuis 3 semaines, il a 17 de tension à son appareil d’automesure.

Vous prenez quoi comme traitement?

Rien, mon médecin généraliste ne me prend jamais la tension.

Et vos douleurs, qu’est-ce qu’il en dit?

Que c’est rien, que ce sont des douleurs intercostales.

« Vous devriez arrêter de fumer, » dit le Médecin généraliste. Il avait considéré Alice pendant quelque temps avec beaucoup de curiosité, et ce fut la première parole qu’il lui adressa.

« Vous devriez apprendre à ne pas faire de remarques sur les gens ; c’est très-grossier, » dit Alice d’un ton sévère.

A ces mots le Médecin généraliste ouvrit de grands yeux ; mais il se contenta de dire : « Pourquoi une angine de poitrine ressemble-t-elle à une névralgie intercostale ? »

Qui vous envoie à moi?

Mon psychiatre, il me trouve régulièrement 17 de tension.

Le psychiatre vous prend la tension?

Ben oui, et je lui ai parlé de mes douleurs et il m’a dit qu’il fallait que j’aille voir un cardiologue.

En disant cela, il me tend une ordonnance à 100% tamponnée par un psychiatre, et qui demande en effet une consultation de cardiologie.

« Avez-vous deviné l’énigme ?  » dit le Médecin généraliste, se tournant de nouveau vers Alice.

« Non, j’y renonce, » répondit Alice ;  » quelle est la réponse ? »

« Je n’en ai pas la moindre idée, » dit le Médecin généraliste.

« Ni moi non plus, » dit le Psychiatre, allez voir un cardiologue.

Alice soupira d’ennui.  » Il me semble que vous pourriez mieux employer le temps, » dit-elle, « et ne pas le gaspiller à proposer des énigmes qui n’ont point de réponses. »

Vous avez eu d’autres problèmes de santé?

Oui, on m’a opéré d’une hernie discale cervicale. C’est le cousin de ma femme, qui est dermatologue qui m’a fait opérer. C’est un très bon dermatologue!

« Alors vous devriez dire ce que vous voulez dire, » continua le Psychiatre.

« C’est ce que je fais, » répliqua vivement Alice.

« Du moins je veux dire ce que je dis; c’est la même chose, n’est-ce pas ? »

« Ce n’est pas du tout la même chose, » dit le Médecin généraliste.  » Vous pourriez alors dire tout aussi bien que: ’Je vois ce que je mange,’ est la même chose que : ’ Je mange ce que je vois.’ »

« Vous pourriez alors dire tout aussi bien, » ajouta le Psychiatre, « que : ’J’aime ce qu’on me donne,’ est la même chose que : ’ On me donne ce que j’aime. »’

« Vous pourriez dire tout aussi bien, » ajouta le Dermatologue, qui paraissait parler tout endormi,  » que : ’Je respire quand je dors,’ est la même chose que: ’Je dors quand je respire. »

« C’est en effet tout un pour vous, » dit le Dermatologue. Sur ce, la conversation tomba et il se fit un silence de quelques minutes. Pendant ce temps, Alice repassa dans son esprit tout ce qu’elle savait au sujet des angines de poitrine et des névralgies intercostales ; ce qui n’était pas grand’ chose.

A l’ECG, il n’y avait rien, ni à l’échographie cardiaque, ni à la mini-épreuve d’effort que je lui ai finalement faite avec beaucoup d’hésitation, en ayant la goutte de sueur au front. Il aura sa coronarographie dans la semaine. Je prédis un tronc gauche, ou tritronculaire, ou….rien.

Comme elle disait cela, elle s’aperçut qu’un des arbres avait une porte par laquelle on pouvait pénétrer à l’intérieur. « Voilà qui est curieux, » pensa-t-elle. « Mais tout est curieux aujourd’hui. Je crois que je ferai bien d’entrer tout de suite. » Elle entra.

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